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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 06:37

Bonjour à toutes et à tous.

 

Chronique aujourd’hui d’une anthologie parue chez Rivière Blanche dans la collection Fusée, Dimension URSS, établie par Patrice Lajoye, spécialiste de la SF Russe, animateur d’un blog dédié à cette littérature et rédacteur en chef de la revue Géante Rouge, entre autres activités. 

On y retrouve des textes datant des années 1900 à 1970, d‘auteurs évidemment peu connus en occident. 

 

Dimension-URSS

 

Quelques mots avant de détailler les textes qui m’ont le plus intéressé. Il me paraît difficile d’avoir un avis vraiment pertinent et surtout définitif sur une anthologie. En effet, le choix des textes dépend bien sûr du goût de l’anthologiste, mais aussi de contraintes de droits littéraires, de traduction disponibles ou possibles, etc…

En aucun cas, il ne faudrait donc croire que Dimension URSS représente réellement la SF soviétique dans son entier… Mais l’anthologie nous permet tout de même l’accès à des écrits rares, c’est bien son intérêt. 

 

Deux textes m’ont beaucoup plu, tant par l‘écriture que par le fond toujours très actuel. 

Le premier, qui ouvre le livre, est une courte pièce de théâtre en cinq actes, La Terre, Scènes des temps futurs de Valeri Brioussov, datant d’avant la Révolution de 1917, mais que Patrice Lajoye a eu à mon sens raison d’incorporer au livre. La pièce, que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de hard science, décrit le dilemme extrême auquel est confronté l’Humanité en péril. 

La Terre devenue invivable, les derniers humains sont réfugiés dans de profonds sous-sols, la planète étant recouverte d’un toit recouvrant le globe entier. Faut-il l’ouvrir ou demeurer dans les profondeurs où l’eau vient à manquer ? Reste-t-il en surface une atmosphère, où bien alors le toit donne-t-il sur l’Espace ? Fascinante histoire dont je ne livrerai bien sûr pas la conclusion…

 

Le second texte est une nouvelle mêlant questionnement philosophique et Physique Fondamentale, Vingt milliards d’années après la fin du monde, écrit par Pavel Amnouel, physicien. L'envolée lyrique de cette fin de l'univers physique est des plus formidables. 

 

Quant aux autres textes, je dois dire que je les ai trouvé certes bien écrits, sans doute représentatifs du genre en ces années là dans ce pays là, mais parfois naïfs dans leur thème et leur morale, même si quelques nouvelles sont très astucieuses. Cependant, une grande partie de la production occidentale n’était sans doute guère mieux lotie…

En réalité, nous apprécions peut-être dans la littérature d’autres pays ce qui ressemble à ce que nous aimons déjà, au-delà de l’ancienneté des textes. De plus, les textes intemporels, basés sur des idées jamais obsolètes et avec un style sans fioritures, sont forcément plus rares que les textes écrits dans le souci d'une mode, qui par définition se flétrissent vite. 

 

Toutefois, l’impression général offert par la lecture de Dimension URSS est de mon point de vue très instructif, du moins sur cette production des auteurs russes sous régime soviétique. 

Bien peu des quatorze nouvelles, publiées à l’époque en URSS, expriment une foi dans la Technologie et les Sciences, tel que le régime soviétique pouvait l’exprimer par ses réalisations et sa propagande. Le Socialisme, c’était selon la formule bien connue les soviets et l’électricité…

Les auteurs décrivent bien plus les sentiments de leurs personnages, s’emparent de problèmes philosophiques ou typiquement SF, sans pour autant être critique envers la Technologie et les Sciences, qui sont en fait plus un vague décor ou un moyen qu’un sujet important. 

Sans critiquer ouvertement leur société, ce qui leur était impossible de toute manière sous peine de ne pas être publié, voir pire, les auteurs soviétiques présentés dans Dimension URSS semblent donc avoir simplement occulté l’enthousiasme officiel pour  la Technologie et les Sciences, que l’on retrouvait notamment pour le nucléaire, quasiment porté au rang de religion. 

Une telle attitude littéraire était sans doute un bon moyen de contourner la censure et d’amener aux lecteurs sinon un doute du moins d’autres points de vue sur le futur de l’Humanité. 

Ce qui donne une sensation assez étrange à la lecture des nouvelles. L'on n'est absolument pas en URSS. Le lecteur ne retrouve rien, du moins directement, du pays où sont censés vivre les auteurs...

Les textes relèvent donc de l'imaginaire, où ne vient pas s'immiscer la vie quotidienne, puisqu'il était impossible de la décrire pour ce qu'elle était réellement dans le système de censure d'Etat de l'URSS. 


Tout auteur se doit de contourner l’obstacle qui se dresse devant lui ou elle. Tenter de le fracasser est parfois impossible. Devenir un opposant revendiqué n’est pas l’unique solution, certainement la plus dangereuse assurément.   

En ce sens, Dimension URSS incline à réfléchir sur notre propre société. Où est donc l’obstacle pour s‘exprimer le plus librement possible et comment le franchir ? Où se situe le non-dit, la peur d'écrire sur tel ou tel sujet qui déplaîrait ? Et déplaîrait à qui ? 

 

Prochainement, la chronique de Dimension Russie, consacrée cette fois à la SF Russe contemporaine, anthologie établie par Patrice et Viktoriya Lajoye. Y lira-t-on une continuité, une brusque césure littéraire ? Réponse très bientôt… 

 

Gulzar

 

Le blog de Patrice Lajoye, consacré à la SF Russe

http://russkayafantastika.hautetfort.com/

Et l'intéressante interview sur ActuSF à propos de Dimension URSS

http://www.actusf.com/spip/article-8287.html

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