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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 21:47

Bonjour à toutes et tous.

 

Courte chronique bande-dessinée enthousiaste aujourd'hui, sur le nouvel album post-mortem des aventures aventuro-scientifiques de Blake et Mortimer, L'onde Septimus, suite uchronique du fameux et fascinant album dessin par Edgar P. Jacobs, La marque Jaune

 

blake et mortimer onde septimus


Cette fois-ci, puisque vous n'êtes sans doute pas sans savoir que plusieurs équipes se relaient pour donner une suite à la série à un rythme soutenu, il s'agit de Jean Dufaux au scénario, Antoine Aubin & Etienne Schréder au dessin et Laurence Croix à la couleur, travail que l'on oublie trop souvent de citer.

 

Nous laissions à la fin de La marque Jaune, Olrik en cobaye échappant au contrôle du maléfique professeur Septimus et le tuant par son invention même, le contrôle des esprits humains par l'onde méga. 

Dans L'onde Septimus, un groupe de conjurés veulent reprendre les travaux fascinants de Septimus et parvenir à contrôler l'onde Méga, pour bien sûr régenter le monde, prendre le pouvoir.


Attention, je vais révéler quelques faits de l'histoire, mais c'est indispensable pour chroniquer...


Le professeur Mortimer, lui aussi, reprend, en cachette de son ami Blake, la recherche à partir d'éléments du laboratoire détruit de Septimus. Mais il lui manque un cobaye pour tester cette fameuse onde manipulatrice de l'esprit humain, afin d'aider à guérir les cas les plus graves de maladies mentales.


Mais voilà qu'Olrik redevient le cobaye de tout le monde...

Et que l'onde méga est gravement perturbée par une autre source d'onde située sous Londres, un mystérieux vaisseau découvert durant la guerre mondiale contre l'Empereur Jaune, voir Le secret de l'Espadon. 

Découverte fabuleuse qu'un ministre de l'époque avait caché à Blake, des services secrets pourtant


Cerise sur le gâteau, Septimus réapparaît, apparemment pas tout à fait mort... Il se multiplie, bientôt des centaines de Septimus à la recherche de son cobaye d'antan, Olrik, envahissent les rues de la Capitale anglaise, visiblement émanation du passager sans visage du mystérieux vaisseau...

Nous nous retrouvons là dans les tableaux de Magritte, ou encore dans certaines scènes de la trilogie filmique Matrix, mélange des deux époques, celle de Jacobs et celle des auteurs d'aujourd'hui. 

 

blake et mortimer onde septimus 2

 

Au-delà du dessin admirablement dans la lignée de l'auteur originel, tant par le trait, le découpage que par la couleur, l'album à mon sens est véritablement une réussite.

Enfin depuis la reprise de la série par divers auteurs, nous avons une véritable histoire qui décrypte et pulvérise la narration originale de Jacobs, toujours manichéenne, toujours moralisatrice, formidablement efficace du point de vue aventureuse, mais qui forcément ne nous paraît pas forcément de notre temps.

Cette fois, Blake et Mortimer rentre dans le 21ème siècle et c'est un véritable plaisir de lecteur assidu de l'oeuvre de Jacobs, une surprise plus qu'agréable.

*

Sans mésestimer le travail des autres scénaristes des albums post-mortem, leur tentative de modernisation consistait essentiellement à introduire des personnages féminins, de situer leurs personnages un peu plus en avant dans le temps et d'aborder des changements sociaux.

Surtout, le respect, ou l'obligation de "respecter l'oeuvre" par l'éditeur les mettaient dans l'impossibilité de véritablement renouveler la série. 

Il s'agissait de faire du Jacobs, de belle manière avec des idées intéressantes, mais sans plus.

Difficile alors d'être excité(e) par une lecture sans grande surprise. La narration, la manière d'envisager les personnages dataient des années quarante, cinquante au mieux. 

*

Il en va tout autrement dans ce nouvel opus. 

Impossible de savoir où nous mène le scénariste Jean Dufaux. Nous sommes constamment dans le doute. A chaque page, nous voulons tourner la suivante, comme dans les albums de Jacobs, pour savoir. 

Nous ne comprenons pas tout tout de suite. Et peut-être même jamais. 

*

Mieux, les personnages apparaissent enfin dans leurs contradictions intimes et sociales.

Les scientifiques, cyniques ou bienveillants comme Mortimer, héros de la résistance de la Civilisation Occidentale contre les Asiatiques, les jaunes dixit Jacobs, en arrivent par fascination pour l'invention de Septimus, et malgré tous les dangers pour autrui, à chercher des cobayes humains...

La raison, la morale, ne sont rien face au goût pour le pouvoir, le savoir. Mortimer devient ce qu'il a sans doute toujours été dans tous les albums, mais caché, un scientifique invétéré, prêt à tout pour le savoir.

Désapprouvé par son serviteur Nasir, taisant ses recherches à son meilleur ami Blake par peur de son jugement moral, il poursuit ses recherches malgré tout, ayant obtenu illégalement des restes du laboratoire de Septimus mis sous scellés... 


Blake, croyant être le garant de la Couronne Britanniques au service d'un gouvernement ayant à coeur les intérêts du pays, s'aperçoit que ce gouvernement, du moins un ministre, lui ment, lui a caché une découverte capitale, à lui, le plus honnête serviteur...


Olrik, personnage maléfique, n'est plus qu'une victime, un être déchu, devant se soigner par des drogues dont il dépend. 

Lui et Mortimer n'auront même pas l'occasion de s'affronter. Ils collaboreront, car il n'y a pas d'autre choix. 

*

Sans qu'on le percoive très clairement tout de suite, c'est indéniable. Jean Dufaux a rendu, donné même pour la première fois la liberté aux principaux personnages de la série.

Olrik, Blake et Mortimer sont enfin ce qu'ils sont en vérité, ce qu'ils seraient dans la vraie vie et non dans le monde fictionnel inventé par Edgar P. Jacobs.

 

Par le dessin si similaire aux albums tant aimés des années 50, 60 et 70, nous voilà plongé dans une oeuvre à deux visages, déchirée et donc qui nous trouble véritablement.

Le trait est le même, les personnages sont bien différents, passionnants, redécouverts en quelque sorte à l'aube du 21ème siècle, où le manichéisme de la guerre froide n'est plus.

Où tout est devenu confus, compliqué, où on ne sait plus où se situe le mal, l'ennemi. Sinon en soi ? 

*

Quant à Septimus, il n'existe plus, malgré sa silhouette hantant Londres et les esprits, incapables de se détacher de ce personnage qui a osé défier l'ordre moral, qui a mis la Science par-dessus tout. 

Par lui, la boîte de Pandore a été ouverte. Une découverte scientifique ne peut être enterrée et disparaître, sous prétexte d'une éthique bien improbable...

Mais ce personnage symbolisant le mal, la folie, le démiurge scientifique n'est plus que l'ombre de lui-même, une marionnette. 

Ses véritables disciples, oublieux de tous idéaux , sont les héros d'autrefois qui l'avaient combattu. Tombés de leur piédestal, ils ne sont plus que des êtres soumis à leur pulsions, sans plus de recul moral.

 

blake et mortimer onde septimus 3


Tout le monde échoue. Tout le monde a peur. Personne ne se comprend vraiment. 

Les anglais croient avoir affaire à une invasion hostile, mais est-ce bien le cas, lorsque que le passage mystérieux ne cesse de répéter "asile" ? 

L'onde Septimus nous renvoie là à une Europe obsédée par ses frontières et "l'envahisseur", "l'émigré", venu là apparemment de l'Espace.

Un empire menacé qui ne trouve de solution qu'en détruisant la menace. 

Nous sommes également dans une Grande-Bretagne hantée par ses crimes, ceux de sa civilisation technoscientiste qui a bouleversé le Monde pour le meilleur et le pire.

*

Enfin un album de Blake et Mortimer qui retrouve un véritable et profond sujet, celui de l'essentiel de l'oeuvre de Jacobs sans doute, la folie des grandeurs qui vient au détenteur du savoir, la force que donne la maîtrise de technologies sans cesse plus puissantes et les abus qu'elles entrainent fatalement...


La dernière page, diffère aussi grandement des autres albums, y compris ceux de Jacobs lui-même. La fin est ouverte, appelant à une suite, ou refermant cette histoire singulière sur une énigme à la solution perdue à tout jamais.


Il n'y a pas de morale, aucune. Il n'y a que la souffrance humaine, celle d'hommes allés au combat et que l'on ne peut soulager de leurs cauchemars. Des hommes plus vraiments humains, des victimes de la Science, de la peur, porteur d'un message que personne ne prend le temps d'écouter. 

*

Nous ne pouvons que remercier les auteurs de cette Onde Septimus, particulièrement bien sûr Jean Dufaux, ainsi que les éditions Blake et Mortimer pour enfin avoir eu l'audace paradoxalement de faire du Jacobs.

C'est à dire l'affirmation d'une vision du monde, une vision des personnages bien différente de celle de Jacobs certes, opposée et d'un rare pessimisme, mais qui redonne un souffle à la série, une crédibilité retrouvée. 

Vivement la suite...

Gulzar Joby

 

P.S. : 

Pour voir les cinq premières planches esquissées :

http://www.centaurclub.com/forum/viewtopic.php?f=130&t=1472

La page de l'éditeur :

http://www.dargaud.com/blake-mortimer/album-6486/londe-septimus/

La page facebook de passionné(e)s de la série :

https://www.facebook.com/blake.jacobs.mortimer?fref=ts

 

Evidemment, impossible en ce moment de forte actualité Blake et Mortimer de ne pas signaler une très belle ressortie, L'énigme de l'Atlantide, mais dans la version publiée originellement dans le journal Tintin.

 

blake-et-mortimer-bd-volume-7 Engime atlantide version tint


L'album est un peu onéreux, mais il procure un plaisir de lecture rare. On retrouve les couleurs d'impression de l'époque, la bannière de haut de page avec le résumé de l'histoire donnant l'ambiance feuilletonnesque, un découpage plus poussé de l'histoire que dans l'album publié par la suite. 

http://www.dargaud.com/blake-mortimer/album-6606/enigme-de-latlantide-version-journal-tintin/

 

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