Bonjour à toutes et à tous.
Deuxième chronique consacrée à la série SF Métronom de Gorbeyran et Grun, publiée chez Glénat. J'avais déjà quelques doutes sur la qualité narrative du premier tome et après avoir lu le tome 2, le doute se confirme malheureusement, malgré certaines idées et le dessin qui me paraissent intéressantes.
Pour la chronique du premier tome, c'est par ici.
36quaidufutur.over-blog.com/bd-metronom-corbeyran-grun
Quant au second tome donc, la quête de l'épouse pour retrouver son mari d'astronaute atteint d'une étrange maladie se poursuit. Membre d'une troupe de théâtre clandestine, nous sommes dans une affreuse dictature rappelons-le, elle apprend qu'il est détenu dans l'espace. Elle parvient à rejoindre la station orbitale avec le journaliste rebelle, héritier d'une riche famille propriétaire de journaux mis en coupe réglée par le pouvoir.
De son côté, le flic noir qui est censé traquer toute forme de rébellion, notamment un groupe de résistants continue à diffuser un mystérieux livre de contes auprès des hauts fonctionnaires, commence apparemment à douter. Il rejoint la troupe de théâtre...
Véritablement, la lecture est gâchée par une accumulation de poncifs, de conservatisme social qui confine à la bêtise. J'ai rarement lu une telle bande dessinée que l'on peut assurément qualifier de conservatrice, à défaut d'extrême-droite... Peu importe finalement les bonnes idées SF, tel que ce livre de conte dénonçant le régime autoritaire, l'impression de vieillerie sociale est trop forte pour que le plaisir de lecture l'emporte sur le malaise.
Le seul personnage qui tend à évoluer, à peut-être douter, à changer de camp est un flic noir. Le bon serviteur de l'Etat grâce à la culture va évoluer, devenir plus sensible, etc... On croit rêver, c'est encore "l'esclave noir" qui a à faire des efforts pour évoluer, atteindre un certain niveau de conscience. De plus, un seul livre parviendrait à ce résultat. C'est d'une grande naïveté, pour un récit qui se veut réaliste socialement. Seule la fréquentation régulière, sur le long terme de la culture change un homme...
C'est l'épouse, la femme au foyer, qui fera tout pour sauver son mari cosmonaute. Pas une femme dans l'espace...
Le théâtre n'est qu'une pauvre troupe répétant une pièce d'une rare platitude. Et surtout sans public. Cette vision est celle d'une impuissance, d'un mépris total, ne rendant pas du tout hommage à ce qu'est le théâtre. Une espèce de représentation des cultureux comme peuvent en avoir les gens partisans de l'ordre, rien de plus.
Les auteurs auraient pu faire l'effort de reprendre le texte d'une bonne pièce, du moins s'en inspirer...
La soeur de l'épouse de l'astronaute, haute fonctionnaire, tente de maintenir le contact avec elle, malgré l'opposition violente de son mari, chef de famille et partisan du pouvoir, prêt à dénoncer sa belle-soeur pour protéger soi-disant ses enfants de sa mauvaise influence... Nous sommes de retour aux années 50 où la femme mariée ne pouvait avoir de chéquier sans le consentement de son mari, ou la notion de viol domestique n'existait pas.
Alors, évidemment, je puis me tromper. Metronom est peut-être une fantastique dénonciation d'un monde à venir conservateur, retourné malgré une haute technologie à une société machiste, dominée par l'Homme, rétrograde, anti-culturelle. Dans ce sens alors, c'est une hypothèse crédible et très intéressante.
Le seul souci consiste à savoir s'il est possible de dénoncer ou même simplement évoquer puissamment un univers conservateur et à faire ressentir toute son ignominie dans une oeuvre elle-même totalement conservatrice, rétrograde et sans originalité, sans vision d'avenir.
Pour moi, c'est clairement non.
J'en veux pour preuve le film Starship troopers de Paul Verhoeven, souvent maltraité par la chronique, puisque censé être conservateur, voir pire. Cet excellent film à mes yeux raconte donc une guerre contre des E.T. dans une société fasciste. Sauf qu'elle se situe au Brésil, dans une société multiethnique, avec une égalité hommes femmes dans l'Armée, jusque dans les douches.
Là nous sommes dans une véritable évocation d'un fascisme à venir. Ce genre d'idéologie naît partout, selon certaines circonstances sociales et économiques. Surtout Verhoeven ne nous tire pas vers le passé mais critique finalement justement cette idéologie, ou réalité du comopolitisme social et culturel qui en réalité ne nous protège pas d'une possible dictature...
C'est là un véritable discours d'auteur, critiquable mais puissant, alors que Metronom ne fait que calquer des comportements d'aujourd'hui dans une société future, sans apporter un regard, une distanciation et un respect pour ses personnages et ce qu'il représente socialement.
Car comment imaginer le futur sans imagination, sans volonté de lui faire sa fête, de rendre palpable la différence ?
Métronom, ou la promesse de l'absence totale de progrès social dans le futur... Une bande dessinée qui en tout cas me laisse un goût amer dans la bouche. Il est toujours difficile en effet d'admettre que des auteurs soient aussi rétrogrades dans la conception d'une narration, aussi peu soucieux de sortir leurs lecteurs de leur marécage comportemental, de leur amener une autre vision du monde que celle propagée par les tenants d'une société ordonnée où tout le monde est à sa place.
Quand aux lectrices, je pense qu'ils s'en fichent. C'est bien connu, les filles ne lisent pas de SF.
Gulzar