Bonjour à toutes et à tous.
Courte chronique bande dessinée aujourd’hui, avec une série flamboyante et guerrière, Yiu, de Théy, Guenet et J.M. Vee, aux éditions Soleil. L’ordonnancement de la série est quelque peu compliqué, avec deux parties, Book et Premières missions.
Au prime abord, au vu aussi de l’éditeur peu réputé pour sa SF avant-gardiste, la série ne m’a guère attiré. Pourtant, à force de lire quelques albums, puis une bonne dizaine d’affilé, Yiu a fini par me convaincre, par sa thématique, son traitement graphique, ses personnages finalement pas si gratuits.
La Terre du futur n’est plus que folie religieuse, ravagée par les conflits entre dogmes dérivées des religions monothéistes majoritaires que nous connaissons. Yiu, au corps modifié surpuissant, est un tueuse au service du pouvoir catholique. Nous la suivons donc dans ses missions, qu’elle remplit non par adhésion fanatique à un culte, mais pour sauver son jeune frère, malade.
Ce qui frappe bien sûr au premier abord, c’est l’extrême violence de la série, mais qui exprime au mieux l’ambiance fanatique. Tout y est rougeâtre, sombre, sanguinolent, déchiré, effrayant. Heureusement, le dessin proche de la peinture n’est pas bêtement réaliste et clinique. Bien plus, il se rapproche des fresques de Boch ou les albums hallucinants de Druillet. Le découpage alterne enchaînement de cases classiques et grande case pleine planche, sans aller toutefois jusqu’à n’être qu’une longue fresque.
Toute type d’organisation sociale autre que religieuse a disparu dans Yiu. Ne reste que l’affrontement dément, à coup de complots, de bombes atomiques, de divinités monstrueuses et cruelles. Cela peut paraître restrictif au niveau narratif, mais finalement, cela se révèle à mon goût un choix assez juste. La religion dogmatique omnipotente a de toute façon pour ambition l’annihilation de toute société civile. Son absence dans la série est donc cruelle mais logique dans ce monde paranoïaque, ultra-violent.
Car l’autre grande qualité de Yiu consiste en son axiome narratif de base, que je trouve très intéressant. En réalité, la série répond à une question sous-jacente, que ce serait-il passé si l’inquisition avait disposé de très hautes technologies ? Plus globalement, que font des fanatiques qui ont les moyens de leurs ambitions hégémoniques ? Ils appliquent leurs dogmes, façonnent le monde à leur idée et mobilisent des armées.
Rien de nouveau, en somme, sinon que dans Yiu, le cauchemar a pris forme, que la religion a gagné sur toute la ligne et que l’Humanité n’a plus aucun avenir, ou si peu.
Pour conclure, Yiu n’est pas une série évidente à apprécier à la première lecture. Il faut lire deux, trois albums pour commencer à comprendre l’univers, à l’admettre, pour peu que l‘on supporte cette ambiance de fanatisme et de massacre généralisé, que l‘on n’espère pas prémonitoire.
Gulzar