Aujourd'hui, abordons l'origine de la couleur de la Mer Rouge !
Preuves de la théorie de la Terre
Des Mers & des Lacs
" Ainsi on peut croire que la mer rouge est plus haute que la méditerranée, comme la mer d’Allemagne est plus haute que la mer de Hollande. Quelques anciens Auteurs, comme Hérodote & Diodore de Sicile, parlent d’un canal de communication du Nil & de la Méditerranée avec la mer rouge, & en dernier lieu M. de l’Isle a donné une carte en 1704 dans laquelle il a marqué un bout de canal qui sort du bras le plus oriental du Nil, & qu’il juge devoir être une partie de celui qui faisait autrefois cette communication du Nil avec la mer rouge. Voyez Les Mém. de l’Acad. des Sciences, année 1704.
Dans la troisième partie du Livre qui a pour titre, Connaissance de l’ancien Monde, imprimé en 1707, on trouve le même sentiment, & il y est dit d’après Diodore de Sicile, que ce fut Néco Roi d’Égypte qui commença ce canal, que Darius Roi de Perse le continua, & que Ptolomée II. l’acheva & le conduisit jusqu’à la ville d’Arsinoé ; qu’il le faisait ouvrir & fermer selon qu’il en avait besoin.
Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je suis obligé d’avouer qu’ils me paraissent douteux, & je ne sais pas si la violence & la hauteur des marées dans la mer rouge ne se seraient pas nécessairement communiquées aux eaux de ce canal, il me semble qu’au moins il aurait fallu de grandes précautions pour contenir les eaux, éviter les inondations, & beaucoup de soin pour entretenir ce canal en bon état ; aussi les Historiens qui nous disent que ce canal a été entrepris & achevé, ne nous disent pas s’il a duré, & les vestiges qu’on prétend en reconnaître aujourd’hui sont peut-être tout ce qui en a jamais été fait.
On a donné à ce bras de l’océan le nom de mer rouge, parce qu’elle a en effet cette couleur dans tous les endroits où il se trouve des madrépores sur son fond. Voici ce qui est rapporté dans l’Histoire générale des Voyages, tome I, pages 198 & 199.
« Avant que de quitter la mer rouge D. Jean examina quelles peuvent avoir été les raisons qui ont fait donner ce nom au golfe Arabique par les anciens, & si cette mer est en effet différente des autres par la couleur ; il observa que Pline rapporte plusieurs sentiments sur l’origine de ce nom ; les uns le font venir d’un Roi nommé Érythros qui régna dans ces cantons, & dont le nom en grec signifie rouge ; d’autres se sont imaginé que la réflexion du soleil produit une couleur rougeâtre sur la surface de l’eau, & d’autres que l’eau du golfe a naturellement cette couleur. Les Portugais qui avaient déjà fait plusieurs voyages à l’entrée des détroits, assuraient que toute la côte d’Arabie étant fort rouge, le sable & la poussière qui s’en détachaient & que le vent poussait dans la mer, teignaient les eaux de la même couleur.
Dom Jean qui, pour vérifier cette opinion, ne cessa point jour & nuit depuis son départ de Socotora, d’observer la nature de l’eau & les qualités des côtes jusqu’à Suez, assure que loin d’être naturellement rouge, l’eau est de la couleur des autres mers, & que le sable ou la poussière n’ayant rien de rouge non plus, ne donnent point cette teinte à l’eau du golfe. La terre sur les deux côtes est généralement brune, & noire même en quelques endroits ; dans d’autres lieux elle est blanche : ce n’est qu’au delà de Suaquen, c’est-à-dire, sur des côtes où les Portugais n’avaient point encore pénétré, qu’il vit en effet trois montagnes rayées de rouge, encore étaient-elles d’un roc fort dur, & le pays voisin étoit de la couleur ordinaire.
La vérité donc est que cette mer, depuis l’entrée jusqu’au fond du golfe, est partout de la même couleur, ce qu’il est facile de se démontrer à soi-même en puisant de l’eau à chaque lieu ; mais il faut avouer aussi que dans quelques endroits elle parait rouge par accident, & dans d’autres verte & blanche, voici l’explication de ce phénomène. Depuis Suaquen jusqu’à Kossir, c’est-à-dire, pendant l’espace de 136 lieues, la mer est remplie de bancs & de rochers de corail ; on leur donne ce nom, parce que leur forme & leur couleur les rendent si semblables au corail, qu’il faut une certaine habileté pour ne pas s’y tromper ; ils croissent comme des arbres, & leurs branches prennent la forme de celles du corail ; on en distingue deux sortes, l’une blanche & l’autre fort rouge ; ils sont couverts en plusieurs endroits d’une espèce de gomme ou de glue verte, & dans d’autres lieux, orange foncé.
Or l’eau de cette mer étant plus claire & plus transparente qu’aucune autre eau du monde, de sorte qu’à 20 brasses de profondeur l’œil pénètre jusqu’au fond, sur-tout depuis Suaquen jusqu’à l’extrémité du golfe, il arrive qu’elle parait prendre la couleur des choses qu’elle couvre ; par exemple, lorsque les rocs sont comme enduits de glue verte, l’eau qui passe par-dessus, paraît d’un vert plus foncé que les rocs mêmes, & lorsque le fond est uniquement de sable, l’eau paraît blanche ; de même lorsque les rocs sont de corail, dans le sens que j’ai donné à ce terme, & que la glue qui les environne, est rouge ou rougeâtre, l’eau se teint, ou plutôt semble se teindre en rouge ; ainsi comme les rocs de cette couleur sont plus fréquents que les blancs & les verts, Dom Jean conclut qu’on a dû donner au golfe Arabique le nom de mer rouge plutôt que celui de mer verte ou blanche ; il s’applaudit de cette découverte avec d’autant plus de raison, que la méthode par laquelle il s’en était assuré ne pouvait lui laisser aucun doute. Il faisait amarrer une flûte contre les rocs dans les lieux qui n’avaient pas assez de profondeur pour permettre aux vaisseaux d’approcher, & souvent les matelots pouvaient exécuter ses ordres à leur aise, sans avoir la mer plus haut que l’estomac à plus d’une demie-lieu des rocs ; la plus grande partie des pierres ou des cailloux qu’ils en tiraient dans les lieux où l’eau paroissoit rouge, avaient aussi cette couleur ; dans l’eau qui paraissait verte, les pierres étaient vertes, & si l’eau paraissait blanche, le fond était d’un sable blanc, où l’on n’apercevait point d’autre mélange. » "