Aujourd'hui, abordons l'origine des marées !
PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE
Du Flux & du Reflux.
" L’eau n’a qu’un mouvement naturel qui lui vient de sa fluidité ; elle descend toujours des lieux les plus élevés dans les lieux les plus bas, lorsqu’il n’y a point de digues ou d’obstacles qui la retiennent ou qui s’opposent à son mouvement, & lorsqu’elle est arrivée au lieu le plus bas, elle y reste tranquille & sans mouvement, à moins que quelque cause étrangère & violente ne l’agite & ne l’en fasse sortir. Toutes les eaux de l’océan sont rassemblées dans les lieux les plus bas de la superficie de la terre ; ainsi les mouvements de la mer viennent de causes extérieures. "
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" Pour bien entendre ceci il faut faire attention à la nature de la force qui produit le flux & le reflux, & réfléchir sur son action & sur ses effets. Nous avons dit que la lune agit sur la terre par une force que les uns appellent attraction, & les autres pesanteur ; cette force d’attraction ou de pesanteur pénètre le globe de la terre dans toutes les parties de sa masse, elle est exactement proportionnelle à la quantité de matière, & en même temps elle décroit comme le carré de la distance augmente : cela posé, examinons ce qui doit arriver en supposant la lune au méridien d’une plage de la mer.
La surface des eaux étant immédiatement sous la lune, est alors plus près de cet astre que toutes les autres parties du globe, soit de la terre, soit de la mer, dès-lors cette partie de la mer doit s’élever vers la lune, en formant une éminence dont le sommet correspond au centre de cet astre ; pour que cette éminence puisse se former, il est nécessaire que les eaux, tant de la surface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent, ce qu’elles font en effet à proportion de la proximité où elles sont de l’astre qui exerce cette action dans la raison inverse du carré de la distance : ainsi la surface de cette partie de la mer s’élevant la première, les eaux de la surface des parties voisines s’élèveront aussi, mais à une moindre hauteur, & les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet & s’élèveront par la même cause ; en sorte que toute cette partie de la mer devenant plus haute, & formant une éminence, il est nécessaire que les eaux de la surface & du fond des parties éloignées, & sur lesquelles cette force d’attraction n’agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer les eaux qui se sont élevées ; c’est là ce qui produit le flux, qui est plus ou moins sensible sur les différentes côtes, & qui, comme l’on voit, agite la mer non seulement à sa surface, mais jusqu’aux plus grandes profondeurs.
Le reflux arrive ensuite par la pente naturelle des eaux ; lorsque l’astre a passé & qu’il n’exerce plus sa force, l’eau qui s’était élevée par l’action de cette puissance étrangère, reprend son niveau & regagne les rivages & les lieux qu’elle avoit été forcée d’abandonner, ensuite lorsque la lune passe au méridien de l’Antipode du lieu où nous avons supposé qu’elle a d’abord élevé les eaux, le même effet arrive ; les eaux dans cet instant où la lune est absente & la plus éloignée, s’élèvent sensiblement, autant que dans le temps où elle est présente & la plus voisine de cette partie de la mer ; dans le premier cas les eaux s’élèvent, parce qu’elles sont plus près de l’astre que toutes les autres parties du globe ; & dans le second cas c’est par la raison contraire, elles ne s’élèvent que parce qu’elles en sont plus éloignées que toutes les autres parties du globe, & l’on voit bien que cela doit produire le même effet ; car alors les eaux de cette partie étant moins attirées que tout le reste du globe, elles s’éloigneront nécessairement du reste du globe & formeront une éminence dont le sommet répondra au point de la moindre action, c’est-à-dire, au point du ciel directement opposé à celui où se trouve la lune, ou, ce qui revient au même, au point où elle était treize heures auparavant, lorsqu’elle avait élevé les eaux la première fois ; car lorsqu’elle est parvenue à l’horizon, le reflux étant arrivé, la mer est alors dans son état naturel, & les eaux sont en équilibre & de niveau ; mais quand la lune est au méridien opposé, cet équilibre ne peut plus subsister, puisque les eaux de la partie opposée à la lune étant à la plus grande distance où elles puissent être de cet astre, elles sont moins attirées que le reste du globe, qui étant intermédiaire, se trouve être plus voisin de la lune, & dès-lors leur pesanteur relative, qui les tient toujours en équilibre & de niveau, les pousse vers le point opposé à la lune, pour que cet équilibre se conserve.
Ainsi dans les deux cas lorsque la lune est au méridien d’un lieu ou au méridien opposé, les eaux doivent s’élever à très-peu près de la même quantité, & par conséquent s’abaisser & refluer aussi de la même quantité lorsque la lune est à l’horizon, & son coucher ou à son lever.
On voit bien qu’un mouvement dont la cause & l’effet sont tels que nous venons de l’expliquer, ébranle nécessairement la masse entière des mers, & la remue dans toute son étendue & dans toute sa profondeur ; & si ce mouvement parait insensible dans les hautes mers, & lorsqu’on est éloigné des terres, il n’en est cependant pas moins réel ; le fond & la surface sont remués à peu près également, & même les eaux du fond, que les vents ne peuvent agiter comme celles de la surface, éprouvent bien plus régulièrement que celles de la surface, cette action, & elles ont un mouvement plus réglé & qui est toujours alternativement dirigé de la même façon. "
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" Pour donner une idée de l’effort que fait la mer agitée contre les hautes côtes, je crois devoir rapporter un fait qui m’a été assuré par une personne très-digne de foi, & que j’ai cru d’autant plus facilement, que j’ai vu moi-même quelque chose d’approchant.
Dans la principale des isles Orcades il y a des côtes composées de rochers coupés à plomb & perpendiculaires à la surface de la mer, en sorte qu’en se plaçant au dessus de ces rochers, on peut laisser tomber un plomb jusqu’à la surface de l’eau, en mettant la corde au bout d’une perche de 9 pieds. Cette opération, que l’on peut faire dans le temps que la mer est tranquille, a donné la mesure de la hauteur de la côte, qui est de 200 pieds.
La marée dans cet endroit est fort considérable, comme elle l’est ordinairement dans tous les endroits où il y a des terres avancées & des isles ; mais lorsque le vent est fort, ce qui est très ordinaire en Écosse, & qu’en même temps la marée monte, le mouvement est si grand & l’agitation si violente, que l’eau s’élève jusqu’au sommet des rochers qui bordent la côte, c’est-à-dire, à 200 pieds de hauteur, & qu’elle y tombe en forme de pluie ; elle jette même à cette hauteur, des graviers & des pierres qu’elle détache du pied des rochers, & quelques-unes de ces pierres, au rapport du témoin oculaire que je cite ici, sont plus larges que la main.
J’ai vu moi-même dans le port de Livourne, où la mer est beaucoup plus tranquille, & où il n’y a point de marée, une tempête au mois de décembre 1731 où l’on fut obligé de couper les mâts de quelques vaisseaux qui étaient à la rade, dont les ancres avaient quitté ; j’ai vu, dis-je, l’eau de la mer s’élever au dessus des fortifications, qui me parurent avoir une élévation très-considérable au dessus des eaux, & comme j’étais sur celles qui sont les plus avancées, je ne pus regagner la ville sans être mouillé de l’eau de la mer beaucoup plus qu’on ne peut l’être par la pluie la plus abondante.
Ces exemples suffisent pour faire entendre avec quelle violence la mer agit contre les côtes ; cette violente agitation détruit, use, ronge & diminue peu à peu le terrain anciennement taillé en beaucoup d’endroits en forme d’auges de deux ou trois aunes de longueur, & larges à proportion, pour y recevoir l’eau de la mer & en faire du sel par l’évaporation, mais nonobstant la dureté de la pierre, ces auges sont à l’heure qu’il est presqu’entièrement usées & aplanies par le battement continuel des vagues. "