Aujourd'hui, continuons dans un lon extrait à explorer les tréfonds de notre bonne vieille Terre, secoués par les vents souterrains !
PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE.
ARTICLE XVI.
Des Volcans & des Tremblements de terre.
" Au Mexique il y a plusieurs volcans dont les plus considérables sont Popochampèche & Popocatepec, ce fut auprès de ce dernier volcan que Cortés passa pour aller au Mexique, & il y eut des Espagnols qui montèrent jusqu’au sommet où ils virent la bouche du volcan qui a environ une demi-lieue de tour. On trouve aussi de ces montagnes de soufre à la Guadeloupe, à Tercère & dans les autres isles des Açores ; & si on voulait mettre au nombre des volcans toutes les montagnes qui fument ou desquelles il s’élève même des flammes, on pourrait en compter plus de soixante ; mais nous n’avons parlé que de ces volcans redoutables, auprès desquels on n’ose habiter, & qui rejettent des pierres & des matières minérales à une grande distance.
Ces volcans qui sont en si grand nombre dans les Cordillères causent, comme je l’ai dit, des tremblements de terre presque continuels, ce qui empêche qu’on y bâtisse avec de la pierre au dessus du premier étage, & pour ne pas risquer d’être écrasés les habitants de ces parties du Pérou ne construisent les étages supérieurs de leurs maisons qu’avec des roseaux & du bois léger. Il y a aussi dans ces montagnes plusieurs précipices & de larges ouvertures dont les parois sont noires & brûlées, comme dans le précipice du mont Ararat en Arménie, qu’on appelle l’Abyme ; ces abymes sont les bouches des anciens volcans qui se sont éteints.
Il y a eu dernièrement un tremblement de terre à Lima dont les effets ont été terribles ; la ville de Lima & le port de Callao ont été presqu’entièrement abîmés, mais le mal a encore été plus considérable au Callao. La mer a couvert de ses eaux tous les édifices, & par conséquent noyé tous les habitants, il n’est resté qu’une tour ; de vingt-cinq vaisseaux qu’il y avait dans ce port, il y en a eu quatre qui ont été portés à une lieue dans les terres, & le reste a été englouti par la mer.
A Lima, qui est une très grande ville, il n’est resté que vingt-sept maisons sur pied, il y a eu un grand nombre de personnes qui ont été écrasées, sur-tout des Moines & des Religieuses, parce que leurs édifices sont plus exhaussés, & qu’ils sont construits de matières plus solides que les autres maisons : ce malheur est arrivé dans le mois d’octobre 1746 pendant la nuit, la secousse a duré 15 minutes. "
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" Il n’y aurait donc pas d’impossibilité absolue à supposer que les montagnes ont été élevées par des tremblements de terre, si leur composition intérieure aussi-bien que leur forme extérieure, n’étaient pas évidemment l’ouvrage des eaux de la mer.
L’intérieur est composé de couches régulières & parallèles, remplies de coquilles ; l’extérieur a une figure dont les angles sont partout correspondants, est-il croyable que cette composition uniforme & cette orme régulière aient été produites par des secousses irrégulières & des explosions subites ?
Mais comme cette opinion a prévalu chez quelques Physiciens, & qu’il nous parait que la Nature & les effets des tremblements de terre ne sont pas bien entendus, nous croyons qu’il est nécessaire de donner sur cela quelques idées qui pourront servir à éclaircir cette matière.
La terre ayant subi de grands changements à sa surface, on trouve même à des profondeurs considérables, des trous, des cavernes, des ruisseaux souterrains & des endroits vides qui se communiquent quelquefois par des fentes & des boyaux.
Il y a de deux espèces de cavernes, les premières sont celles qui sont produites par l’action des feux souterrains & des volcans ; l’action du feu soûlève, ébranle & jette au loin les matières supérieures, & en même temps elle divise, fend & dérange celles qui sont à côté, & produit ainsi des cavernes, des grottes, des trous & des anfractuosités, mais cela ne se trouve ordinairement qu’aux environs des hautes montagnes où sont les volcans, & ces espèces de cavernes produites par l’action du feu sont plus rares que les cavernes de la seconde espèce, qui sont produites par les eaux.
Nous avons vu que les différentes couches qui composent le globe terrestre à sa surface, sont toutes interrompues par des fentes perpendiculaires dont nous expliquerons l’origine dans la suite ; les eaux des pluies & des vapeurs, en descendant par ces fentes perpendiculaires, se rassemblent sur la glaise & forment des sources & des ruisseaux ; elles cherchent par leur mouvement naturel toutes les petites cavités & les petits vuides, & elles tendent toujours à couler & à s’ouvrir des routes, jusqu’à ce qu’elles trouvent une issue ; elles entraînent en même temps les sables, les terres, les graviers & les autres matières qu’elles peuvent diviser, & peu à peu elles se font des chemins ; elles forment dans l’intérieur de la terre des espèces de petites tranchées ou de canaux qui leur servent de lit ; elles sortent enfin, soit à la surface de la terre, soit dans la mer, en forme de fontaines : les matières qu’elles entraînent, laissent des vuides dont l’étendue peut être fort considérable, & ces vuides forment des grottes & des cavernes produites par les tremblements de terre.
Il y a deux espèces de tremblements de terre, les uns causés par l’action des feux souterrains & par l’explosion des volcans, qui ne se font sentir qu’à de petites distances & dans les temps que les volcans agissent, ou avant qu’ils s’ouvrent ; lorsque les matières qui forment les feux souterrains, viennent à fermenter, à s’échauffer & à s’enflammer, le feu fait effort de tous côtés, & s’il ne trouve pas naturellement des issues, il soulève la terre & se fait un passage en la rejetant, ce qui produit un volcan dont les effets se répètent & durent à proportion de la quantité des matières inflammables.
Si la quantité des matières qui s’enflamment, est peu considérable, il peut arriver un soulèvement & une commotion, un tremblement de terre, sans que pour cela il se forme un volcan ; l’air produit & raréfié par le feu soûterrain, peut aussi trouver de petites issues par où il s’échappera, & dans ce cas il n’y aura encore qu’un tremblement sans éruption & sans volcan, mais lorsque la matière enflammée est en grande quantité, & qu’elle est resserrée par des matières solides & compactes, alors il y a commotion & volcan ; mais toutes ces commotions ne sont que la première espèce des tremblements de terre, & elles ne peuvent ébranler qu’un petit espace.
Une éruption très-violente de l’Etna causera, par exemple, un tremblement de terre dans toute l’isle de Sicile, mais il ne s’étendra jamais à des distances de 3 ou 400 lieues.
Lorsque dans le mont Vésuve il s’est formé quelques nouvelles bouches à feu, il s’est fait en même temps des tremblements de terre à Naples & dans le voisinage du volcan ; mais ces tremblements n’ont jamais ébranlé les Alpes & ne se sont pas communiqués en France ou aux autres pays éloignez du Vésuve ; ainsi les tremblements de terre produits par l’action des volcans, sont bornés à un petit espace, c’est proprement l’effet de la réaction du feu, & ils ébranlent la terre, comme l’explosion d’un magasin à poudre produit une secousse & un tremblement sensible à plusieurs lieues de distance.
Mais il y a une autre espèce de tremblement de terre bien différente pour les effets & peut-être pour les causes, ce sont les tremblemens qui se font sentir à de grandes distances, & qui ébranlent une longue suite de terrain sans qu’il paraisse aucun volcan ni aucune éruption.
On a des exemples de tremblements qui se sont fait sentir en même temps en Angleterre, en France, en Allemagne & jusqu’en Hongrie ; ces tremblements s’étendent toujours beaucoup plus en longueur qu’en largeur, ils ébranlent une bande ou une zone de terrain avec plus ou moins de violence en différents endroits, & ils sont presque toujours accompagnés d’un bruit sourd, semblable à celui d’une grosse voiture qui roulerait avec rapidité.
Pour bien faire entendre quelles peuvent être les causes de cette espèce de tremblement, il faut se souvenir que toutes les matières inflammables & capables d’explosion, produisent, comme la poudre, par l’inflammation, une grande quantité d’air ; que cet air produit par le feu est dans l’état d’une très-grande raréfaction, & que par l’état de compression où il se trouve dans le sein de la terre, il doit produire des effets très violents. supposons donc qu’à une profondeur très considérable, comme à cent ou deux cens toises, il se trouve des pyrites & d’autres matières sulphureuses, & que par la fermentation produite par la filtration des eaux ou par d’autres causes elles viennent à s’enflammer, & voyons ce qui doit arriver, d’abord ces matières ne sont pas disposées régulièrement par couches horizontales, comme le sont les matières anciennes qui ont été formées par le sédiment des eaux, elles sont au contraire dans les fentes perpendiculaires, dans les cavernes au pied de ces fentes & dans les autres endroits où les eaux peuvent agir & pénétrer.
Ces matières venant à s’enflammer, produiront une grande quantité d’air, dont le ressort comprimé dans un petit espace, comme celui d’une caverne, non seulement ébranlera le terrain supérieur, mais cherchera des routes pour s’échapper & se mettre en liberté. Les routes qui se présentent, sont les cavernes & les tranchées formées par les eaux & par les ruisseaux soûterrains ; l’air raréfié se précipitera avec violence dans tous ces passages qui lui sont ouverts, & il formera un vent furieux dans ces routes souterraines, dont le bruit se fera entendre à la surface de la terre, & en accompagnera l’ébranlement & les secousses ; ce vent souterrain produit par le feu s’étendra tout aussi loin que les cavités ou tranchées souterraines, & causera un tremblement plus ou moins violent à mesure qu’il s’éloignera du foyer & qu’il trouvera des passages plus ou moins étroits ; ce mouvement se faisant en longueur, l’ébranlement se fera de même, & le tremblement se fera sentir dans une longue zone de terrain ; cet air ne produira aucune éruption, aucun volcan, parce qu’il aura trouvé assez d’espace pour s’étendre, ou bien parce qu’il aura trouvé des issues & qu’il sera sorti en forme de vent & de vapeur ; & quand même on ne voudrait pas convenir qu’il existe en effet des routes souterraines par lesquelles cet air & ces vapeurs souterraines peuvent passer, on conçoit bien que dans le lieu même où se fait la première explosion, le terrain étant soulevé à une hauteur considérable, il est nécessaire que celui qui avoisine ce lieu, se divise & se fende horizontalement pour suivre le mouvement du premier, ce qui suffit pour faire des routes qui de proche en proche peuvent communiquer le mouvement à une très grande distance ; cette explication s’accorde avec tous les phénomènes.
Ce n’est pas dans le même instant ni à la même heure qu’un tremblement de terre se fait sentir en deux endroits distants, par exemple, de cent ou de deux cents lieues ; il n’y a point de feu ni d’éruption au dehors par ces tremblements qui s’étendent au loin, & le bruit qui les accompagne presque toujours, marque le mouvement progressif de ce vent souterrain."