Aujourd'hui, préoccupons-nous de la naissance des îles...
PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE.
ARTICLE XVII.
Des Isles nouvelles, des Cavernes,
des Fentes perpendiculaires, &c.
" Les Isles nouvelles se forment de deux façons, ou subitement par l’action des feux souterrains, ou lentement par le dépôt du limon des eaux. Nous parlerons d’abord de celles qui doivent leur origine à la première de ces deux causes.
Les anciens Historiens & les voyageurs modernes, rapportent à ce sujet des faits, de la vérité desquels on ne peut guère douter. Sénèque assure que de son temps l’isle de Thérasie parut tout d’un coup à la vue des mariniers. Pline rapporte qu’autrefois il y eut treize isles dans la mer méditerranée qui sortirent en même temps du fond des eaux, & que Rhodes & Délos sont les principales de ces treize isles nouvelles ; mais il parait par ce qu’il en dit, & par ce qu’en disent aussi Ammian Marcellin, Philon, &c. que ces treize isles n’ont pas été produites par un tremblement de terre, ni par une explosion souterraine : elles étaient auparavant cachées sous les eaux, & la mer en s’abaissant a laissé, disent-ils, ces isles à découvert ; Délos avoit même le nom de Pelagia, comme ayant autrefois appartenue à la mer.
Nous ne savons donc pas si l’on doit attribuer l’origine de ces treize isles nouvelles à l’action des feux souterrains ou à quelqu’autre cause, qui aurait produit un abaissement & une diminution des eaux dans la mer méditerranée ; mais Pline rapporte que l’isle d’Hiéra près de Thérasie, a été formée de masses ferrugineuses & de terres lancées du fond de la mer ; & dans le chap. 89, il parle de plusieurs autres isles formées de la même façon, nous avons sur tout cela des faits plus certains & plus nouveaux.
Le 23 mai 1707 au lever du soleil, on vit de cette même isle de Thérasie ou de Santorin, à deux ou trois milles en mer, comme un rocher flottant ; quelques gens curieux y allèrent, & trouvèrent que cet écueil, qui était sorti du fond de la mer, augmentait sous leurs pieds ; & ils en rapportèrent de la pierre ponce & des huîtres que le rocher qui s’était élevé du fond de la mer, tenait encore attachées à sa surface.
Il y avait eu un petit tremblement de terre à Santorin deux jours auparavant la naissance de cet écueil : cette nouvelle isle augmenta considérablement jusqu’au 14 juin, sans accident, & elle avait alors un demi-mille de tour & 20 à 30 pieds de hauteur ; la terre était blanche & tenait un peu de l’argile, mais après cela la mer se troubla de plus en plus, il s’en éleva des vapeurs qui infectoient l’isle de Santorin, & le 16 juillet on vit 17 ou 18 rochers sortir à la fois du fond de la mer, ils se réunirent. Tout cela se fit avec un bruit affreux qui continua plus de deux mois, & des flammes qui s’élevaient de la nouvelle isle ; elle augmentait toujours en circuit & en hauteur, & les explosions lançaient toujours des rochers & des pierres à plus de sept milles de distance. "
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" On est donc assuré par ces faits & par un grand nombre d’autres semblables à ceux-ci, qu’au dessous même des eaux de la mer les matières inflammables renfermées dans le sein de la terre, agissent & font des explosions violentes.
Les lieux où cela arrive, sont des espèces de volcans qu’on pourrait appeller sous marins, lesquels ne diffèrent des volcans ordinaires que par le peu de durée de leur action, & le peu de fréquence de leurs effets ; car on conçoit bien que le feu s’étant une fois ouvert un passage, l’eau y doit pénétrer & l’éteindre ; l’isle nouvelle laisse nécessairement un vide que l’eau doit remplir, & cette nouvelle terre, qui n’est composée que des matières rejettées par le volcan marin, doit ressembler en tout auMonte di Cenere, & aux autres éminences que les volcans terrestres ont formées en plusieurs endroits ; or dans le temps du déplacement causé par la violence de l’explosion, & pendant ce mouvement, l’eau aura pénétré dans la plupart des endroits vides, & elle aura éteint pour un temps ce feu souterrain.
C’est apparemment par cette raison que ces volcans sous marins agissent plus rarement que les volcans ordinaires, quoique les causes de tous les deux soient les mêmes, & que les matières qui produisent & nourrissent ces feux souterrains, puissent se trouver sous les terres couvertes par la mer en aussi grande quantité que sous les terres qui sont à découvert.
Ce sont ces mêmes feux souterrains ou sous marins, qui sont la cause de toutes ces ébullitions des eaux de la mer, que les voyageurs ont remarquées en plusieurs endroits, & des trombes dont nous avons parlé ; ils produisent aussi des orages & des tremblements qui ne sont pas moins sensibles sur la mer que sur la terre.
Ces isles qui ont été formées par ces volcans sous marins, sont ordinairement composées de pierres ponces & de rochers calcinées, & ces volcans produisent, comme ceux de la terre, des tremblements & des commotions très violentes. "