Aujourd'hui, découvrons pourquoi les vallées sont pleines de rochers...
PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE.
ARTICLE XVIII.
De l’effet des Pluies, des Marécages,
des Bois souterrains, des Eaux souterraines.
" Nous avons dit que les pluies & les eaux courantes qu’elles produisent, détachent continuellement du sommet & de la croupe des montagnes les sables, le serres, les graviers, &c. & qu’elles les entraînent dans les plaines, d’où les rivières & les fleuves en charrient une partie dans les plaines plus basses, & souvent jusqu’à la mer ; les plaines se remplissent donc successivement & s’élèvent peu à peu, & les montagnes diminuent tous les jours & s’abaissent continuellement, & dans plusieurs endroits on s’est aperçu de cet abaissement.
Joseph Blancanus rapporte sur cela des faits qui étaient de notoriété publique dans son temps, & qui prouvent que les montagnes s’étaient abaissées au point que l’on voyait des villages & des châteaux de plusieurs endroits, d’où on ne pouvait pas les voir autrefois.
Dans la province de Darby en Angleterre, le clocher du village Craih n’était pas visible en 1572 depuis une certaine montagne, à cause de la hauteur d’une autre montagne interposée, laquelle s’étend en Hopton & Wirksworth, & 80 ou 100 ans après on voyait ce clocher, & même une partie de l’église.
Le Docteur Plot donne un exemple pareil d’une montagne entre Sibbertost & Ashby dans la province de Northampton. Les eaux entraînent non seulement les parties les plus légères des montagnes, comme la terre, le sable, le gravier & les petites pierres, mais elles roulent même de très gros rochers, ce qui en diminue considérablement la hauteur ; en général, plus les montagnes sont hautes & plus leur pente est raide, plus les rochers y sont coupés à pic.
Les plus hautes montagnes du pays de Galles ont des rochers extrêmement droits & fort nus, on voit les copeaux de ces rochers (si on peut se servir de ce nom) en gros monceaux à leurs pieds ; ce sont les gelées & les eaux qui les séparent & les entraînent ; ainsi ce ne sont pas seulement les montagnes de sable & de terre que les pluies rabaissent, mais, comme l’on voit, elles attaquent les rochers les plus durs, & en entraînent les fragments jusque dans les vallées.
Il arriva dans la vallée de Nant-phrancon en 1685, qu’une partie d’un gros rocher qui ne portait que sur une base étroite, ayant été minée par les eaux, tomba & se rompit en plusieurs morceaux avec plus d’un millier d’autres pierres, dont la plus grosse fit en descendant une tranchée considérable jusque dans la plaine, où elle continua à cheminer dans une petite prairie, & traversa une petite rivière de l’autre côté de laquelle elle s’arrêta.
C’est à de pareils accidents qu’on doit attribuer l’origine de toutes les grosses pierres que l’on trouve ordinairement çà & là dans les vallées voisines des montagnes. On doit se souvenir, à l’occasion de cette observation, de ce que nous avons dit dans l’article précédent, savoir, que ces rochers & ces grosses pierres dispersées sont bien plus communes dans les pays dont les montagnes sont de sable & de grès, que dans ceux où elles sont de marbre & de glaise, parce que le sable qui sert de base au rocher, est un fondement moins solide que la glaise.
Pour donner une idée de la quantité de terre que les pluies détachent des montagnes & qu’elles entraînent dans les vallées, nous pouvons citer un fait rapporté par le Docteur Plot : il dit dans son Histoire Naturelle de Stafford, qu’on a trouvé dans la terre, à 18 pieds de profondeur, un grand nombre de pièces de monnoie frappées du temps d’Édouard IV, c’est-à-dire, 200 ans auparavant, en sorte que ce terrain, qui est marécageux, s’est augmenté d’environ un pied en onze ans, ou d’un pouce & un douzième par an.
On peut encore faire une observation semblable sur des arbres enterrés à 17 pieds de profondeur, au dessous desquels on a trouvé des médailles de Jules César ; ainsi les terres amenées du dessus des montagnes dans les plaines par les eaux courantes, ne laissent pas d’augmenter très considérablement l’élévation du terrain des plaines. "