Aujourd'hui, nous verrons qu'il est difficile de distinguer clairement les animaux des végétaux... Ce qui évidemment ne facilite pas le classement des espèces vivantes. Ce qui suit est à rapprocher de récentes découvertes de "sauts de gènes" entre animaux, voir même de plantes à animaux.
HISTOIRE NATURELLE.
HISTOIRE DES ANIMAUX.
CHAPITRE PREMIER.
Comparaison des Animaux et des Végétaux.
" La différence la plus apparente entre les animaux et les végétaux parait être cette faculté de se mouvoir et de changer de lieu, dont les animaux sont doués, et qui n’est pas donnée aux végétaux : il est vrai que nous ne connaissons aucun végétal qui ait le mouvement progressif, mais nous voyons plusieurs espèces d’animaux, comme les huîtres, les galle-insectes, etc. auxquelles ce mouvement parait avoir été refusé ; cette différence n’est donc pas générale et nécessaire.
Une différence plus essentielle pourrait se tirer de la faculté de sentir qu’on ne peut guère refuser aux animaux, et dont il semble que les végétaux soient privés ; mais ce mot sentir renferme un si grand nombre d’idées qu’on ne doit pas le prononcer avant que d’en avoir fait l’analyse ; car si par sentir nous entendons seulement faire une action de mouvement à l’occasion d’un choc ou d’une résistance, nous trouverons que la plante appellée Sensitive est capable de cette espèce de sentiment, comme les animaux ; si au contraire on veut que sentir signifie apercevoir et comparer des perceptions, nous ne sommes pas sûrs que les animaux aient cette espèce de sentiment, et si nous accordons quelque chose de semblable aux chiens, aux éléphants, etc. dont les actions semblent avoir les mêmes causes que les nôtres, nous le refuserons à une infinité d’espèces d’animaux, et sur-tout à ceux qui nous paraissent être immobiles et sans action ; si on voulait que les huîtres, par exemple, eussent du sentiment comme les chiens, mais à un degré fort inférieur, pourquoi n’accorderait-on pas aux végétaux ce même sentiment dans un degré encore au dessous ?
Cette différence entre les animaux et les végétaux non seulement n’est pas générale, mais même n’est pas bien décidée.
Une troisième différence parait être dans la manière de se nourrir ; les animaux par le moyen de quelques organes extérieurs saisissent les choses qui leur conviennent, ils vont chercher leur pâture, ils choisissent leurs alimens ; les plantes au contraire paraissent être réduites à recevoir la nourriture que la terre veut bien leur fournir, il semble que cette nourriture soit toujours la même, aucune diversité dans la manière de se la procurer, aucun choix dans l’espèce, l’humidité de la terre est leur seul aliment.
Cependant si l’on fait attention à l’organisation et à l’action des racines et des feuilles, on reconnaitra bientôt que ce sont-là les organes extérieurs dont les végétaux se servent pour pomper la nourriture, on verra que les racines se détournent d’un obstacle ou d’une veine de mauvais terrain pour aller chercher la bonne terre ; que même ces racines se divisent, se multiplient, et vont jusqu’à changer de forme pour procurer de la nourriture à la plante ; la différence entre les animaux et les végétaux ne peut donc pas s’établir sur la manière dont ils se nourrissent.
Cet examen nous conduit à reconnaître évidemment qu’il n’y a aucune différence absolument essentielle et générale entre les animaux et les végétaux, mais que la nature descend par degrés et par nuances imperceptibles d’un animal qui nous paroît le plus parfait à celui qui l’est le moins, et de celui-ci au végétal. Le polype d’eau douce sera, si l’on veut, le dernier des animaux et la première des plantes.
En effet, après avoir examiné les différences, si nous cherchons les ressemblances des animaux et des végétaux, nous en trouverons d’abord une qui est générale et très essentielle, c’est la faculté commune à tous deux de se reproduire, faculté qui suppose plus d’analogies et de choses semblables que nous ne pouvons l’imaginer, et qui doit nous faire croire que pour la nature les animaux et les végétaux sont des êtres à peu près du même ordre.
Une seconde ressemblance peut se tirer du développement de leurs parties, propriété qui leur est commune, car les végétaux ont, aussi bien que les animaux, la faculté de croître, et si la manière dont ils se développent, est différente, elle ne l’est pas totalement ni essentiellement, puisqu’il y a dans les animaux des parties très considérables, comme les os, les cheveux, les ongles, les cornes, etc. dont le développement est une vraie végétation, et que dans les premiers temps de sa formation le fœtus végète plutôt qu’il ne vit.
Une troisième ressemblance, c’est qu’il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes, et par les mêmes moyens ; la multiplication des pucerons qui se fait sans accouplement, est semblable à celle des plantes par les graines, et celle des polypes, qui se fait en les coupant, ressemble à la multiplication des arbres par boutures.
On peut donc assurer avec plus de fondement encore, que les animaux et les végétaux sont des êtres du même ordre, et que la nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, puisqu’ils ont entre eux des ressemblances essentielles et générales, et qu’ils n’ont aucune différence qu’on puisse regarder comme telle. "