Aujourd'hui, nous découvrirons la vision de la reproduction d'Hippocrate. Nous sommes encore loin d'une vision réaliste d ela reproduction...
HISTOIRE NATURELLE.
HISTOIRE DES ANIMAUX.
CHAPITRE V.
Exposition des Systèmes sur la génération.
Aristote admettait, comme Platon, les causes finales et efficientes ; ces causes efficientes sont les ames sensitives et végétatives, lesquelles donnent la forme à la matière qui d’elle-même n’est qu’une capacité de recevoir les formes, et comme dans la génération la femelle donne la matière la plus abondante, qui est celle des menstrues, et que d’ailleurs il répugnoit à son système des causes finales, que ce qui peut se faire par un seul soit opéré par plusieurs, il a voulu que la femelle contînt seule la matière nécessaire à la génération ; et ensuite, comme un autre de ses principes était que la matière d’elle-même est informe, et que la forme est un être distinct et séparé de la matière, il a dit que le mâle fournissait la forme, et que par conséquent il ne fournissait rien de matériel.
Descartes au contraire, qui n’admettait en philosophie qu’un petit nombre de principes mécaniques, a cherché à expliquer la formation du fœtus par ces mêmes principes, et il a cru pouvoir comprendre et faire entendre aux autres comment par les seules loix du mouvement il pouvait se faire un être vivant et organisé ; il differait, comme l’on voit, d’Aristote dans les principes qu’il employait, mais tous deux au lieu de chercher à expliquer la chose en elle-même, au lieu de l’examiner sans prévention et sans préjugés, ne l’ont au contraire considérée que dans le point de vûe relatif à leur système de philosophie et aux principes généraux qu’ils avoient établis, lesquels ne pouvaient pas avoir une heureuse application à l’objet présent de la génération, parce qu’elle dépend en effet, comme nous l’avons fait voir, de principes tout différents. Je ne dois pas oublier de dire que Descartes differait encore d’Aristote, en ce qu’il admet le mélange des liqueurs séminales des deux sèxes, qu’il croit que le mâle et la femelle fournissent tous deux quelque chose de matériel pour la génération, et que c’est par la fermentation occasionnée par le mélange de ces deux liqueurs séminales, que se fait la formation du fœtus.
Il parait que si Aristote eût voulu oublier son système général de philosophie, pour raisonner sur la génération comme sur un phénomène particulier et indépendant de son système, il auroit été capable de nous donner tout ce qu’on pouvait espérer de meilleur sur cette matière ; car il ne faut que lire son traité pour reconnaître qu’il n’ignoroit aucun des faits anatomiques, aucune observation, et qu’il avait des connaissances très approfondies sur toutes les parties accessoires à ce sujet, et d’ailleurs un génie élevé tel qu’il le faut pour rassembler avantageusement les observations et généraliser les faits.
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Voici comment se fait, selon Hippocrate, la formation du fœtus : les liqueurs séminales se mêlent d’abord dans la matrice, elles s’y épaississent par la chaleur du corps de la mère, le mélange reçoit et tire l’esprit de la chaleur, et lorsqu’il en est tout rempli, l’esprit trop chaud sort au dehors, mais par la respiration de la mère il arrive un esprit froid, et alternativement il entre un esprit froid et il sort un esprit chaud dans le mélange, ce qui lui donne la vie et fait naître une pellicule à la surface du mélange qui prend une forme ronde, parce que les esprits agissant du milieu comme centre, étendent également de tous côtés le volume de cette matière. J’ai vu, dit ce grand Médecin, un fœtus de six jours, c’étoit une bulle de liqueur enveloppée d’une pellicule, la liqueur étoit rougeâtre et la pellicule étoit semée de vaisseaux, les uns sanguins, les autres blancs, au milieu de laquelle était une petite éminence que j’ai cru être les vaisseaux ombilicaux par où le fœtus reçoit l’esprit de la respiration de la mère, et la nourriture : peu à peu il se forme une autre enveloppe de la même façon que la première pellicule s’est formée.
Le sang menstruel qui est supprimé, fournit abondamment à la nourriture, et ce sang fourni par la mère au fœtus, se coagule par degrés et devient chair ; cette chair s’articule à mesure qu’elle croit, et c’est l’esprit qui donne cette forme à la chair. Chaque chose va prendre sa place, les parties solides vont aux parties solides, celles qui sont humides vont aux parties humides, chaque chose cherche celle qui lui est semblable, et le fœtus est enfin entièrement formé par ces causes et ces moyens.
Ce système est moins obscur et plus raisonnable que celui d’Aristote, parce qu’Hippocrate cherche à expliquer la chose particulière par des raisons particulières, et qu’il n’emprunte de la philosophie de son temps qu’un seul principe général, savoir, que le chaud et le froid produisent des esprits, et que ces esprits ont la puissance d’ordonner et d’arranger la matière ; il a vu la génération plus en Médecin qu’en Philosophe, Aristote l’a expliquée plutôt en Métaphysicien qu’en Naturaliste, c’est ce qui fait que les défauts du système d’Hippocrate sont particuliers et moins apparents, au lieu que ceux du système d’Aristote sont des erreurs générales et évidentes.