Aujourd'hui, faisons appel à M. Needham et son microscope. En effet, Buffon semble voir des animaux spermatiques partout...
CHAPITRE VI.
Expériences au sujet de la génération.
Mon premier soupçon fut que les animaux spermatiques qu’on voyait dans la semence de tous les mâles, pouvoient bien n’être que ces parties organiques, et voici comment je raisonnais. Si tous les animaux et les végétaux contiennent une infinité de parties organiques vivantes, on doit trouver ces mêmes parties organiques dans leur semence, et on doit les y trouver en bien plus grande quantité que dans aucune autre substance, soit animale, soit végétale, parce que la semence n’étant que l’extrait de tout ce qu’il y a de plus analogue à l’individu et de plus organique, elle doit contenir un très-grand nombre de molécules organiques, et les animalcules qu’on voit dans la semence des mâles ne sont peut-être que ces mêmes molécules organiques vivantes, ou du moins ils ne sont que la première réunion ou le premier assemblage de ces molécules ; mais si cela est, la semence de la femelle doit contenir, comme celle du mâle, des molécules organiques vivantes et à peu près semblables à celles du mâle, et l’on doit par conséquent y trouver, comme dans celle du mâle, des corps en mouvement, des animaux spermatiques ; et de même, puisque les parties organiques vivantes sont communes aux animaux et aux végétaux, on doit aussi les trouver dans les semences des plantes, dans le nectareum, dans les étamines, qui sont les parties les plus substantielles de la plante, et qui contiennent les molécules organiques nécessaires à la reproduction.
Je songeai donc sérieusement à examiner au microscope les liqueurs séminales des mâles et des femelles, et les germes des plantes, et je fis sur cela un plan d’expériences : je pensai en même temps que le réservoir de la semence des femelles pouvoit bien être la cavité du corps glanduleux, dans laquelle Valisnieri et les autres avaient inutilement cherché l’œuf : après avoir réfléchi sur ces idées pendant plus d’un an, il me parut qu’elles étaient assez fondées pour mériter d’être suivies ; enfin je me déterminai à entreprendre une suite d’observations et d’expériences qui demandoit beaucoup de temps.
J’avais fait connaissance avec M. Needham, fort connu de tous les Naturalistes par les excellentes observations microscopiques qu’il a fait imprimer en 1745. Cet habile homme, si recommandable par son mérite, m’avait été recommandé par M. Folkes Président de la Société royale de Londres ; m’étant lié d’amitié avec lui, je crus que je ne pouvais mieux faire que de lui communiquer mes idées, et comme il avoit un excellent microscope, plus commode et meilleur qu’aucun des miens, je le priai de me le prêter pour faire mes expériences ; je lui lu toute la partie de mon ouvrage qu’on vient de voir, et en même temps je lui dis que je croyais avoir trouvé le vrai réservoir de la semence dans les femelles, que je ne doutais pas que la liqueur contenue dans la cavité du corps glanduleux ne fut la vraie liqueur séminale des femelles, que j’étais persuadé qu’on trouverait dans cette liqueur, en l’observant au microscope, des animaux spermatiques, comme dans la semence des mâles, et que j’étais très fort porté à croire qu’on trouverait aussi des corps en mouvement dans les parties les plus substantielles des végétaux, comme dans tous les germes des amandes des fruits, dans le nectareum, etc. et qu’il y avoit grande apparence que ces animaux spermatiques qu’on avoit découverts dans les liqueurs séminales du mâle, n’étaient que le premier assemblage des parties organiques qui devaient être en bien plus grand nombre dans cette liqueur que dans toutes les autres substances qui composent le corps animal.
M. Needham me parut faire cas de ces idées, et il eut la bonté de me prêter son microscope, il voulut même être présent à quelques unes de mes observations.