Aujourd'hui, suite des expériences sur la semence, cette fois-ci sur le lapin...
CHAPITRE VI.
Expériences au sujet de la génération.
PREMIERE EXPERIENCE.
XVII.
J’ai fait ouvrir successivement, et à différents jours, dix lapins, pour observer et examiner avec soin leur liqueur séminale : le premier n’avait pas une goutte de cette liqueur, ni dans les testicules, ni dans les vésicules séminales ; dans le second je n’en trouvai pas davantage, quoique je me fusse cependant assuré que ce second lapin était adulte, et qu’il fût même le père d’une nombreuse famille ; je n’en trouvai point encore dans le troisième, qui étoit cependant aussi dans le cas du second. Je m’imaginais qu’il fallait peut-être approcher ces animaux de leur femelle pour exciter et faire naître la semence, et je fis acheter des mâles et des femelles que l’on mit deux à deux dans des espèces de cages où ils pouvaient se voir et se faire des caresses, mais où il ne leur était pas possible de se joindre.
Cela ne me réussit pas d’abord, car on en ouvrit encore deux, où je ne trouvai pas plus de liqueur séminale que dans les trois premiers : cependant le sixième que je fis ouvrir en avoit une grande abondance, c’étoit un gros lapin blanc qui paroissait fort vigoureux ; je lui trouvai dans les vésicules séminales autant de liqueur congelée qu’il en pouvoit tenir dans une petite cuillière à caffé, cette matière ressemblait à de la gelée de viande, elle était d’un jaune citron et presque transparente ; l’ayant examinée au microscope, je vis cette matière épaisse se résoudre lentement et par degrés en filaments et en gros globules, dont plusieurs paroissaient attacher les uns aux autres comme des grains de chapelet, mais je ne leur remarquais aucun mouvement bien distinct, seulement comme la matière se liquéfiait, elle formait une espèce de courant par lequel ces globules et ces filaments paraissaient tous être entraînés du même côté : je m’attendais à voir prendre à cette matière un plus grand degré de fluidité, mais cela n’arriva pas ; après qu’elle se fut un peu liquéfiée, elle se dessécha, et je ne pus jamais voir autre chose que ce que je viens de dire, en observant cette matière sans addition ; je la mêlai donc avec de l’eau, mais ce fut encore sans succès d’abord, car l’eau ne la pénétrait pas tout de suite, et semblait ne pouvoir la délayer.
XVIII.
Ayant fait ouvrir un autre lapin, je n’y trouvai qu’une très petite quantité de matière séminale, qui était d’une couleur et d’une consistance différente de celle dont je viens de parler, elle était à peine colorée de jaune, et plus fluide que celle-là ; comme il n’y en avait que très-peu, et que je craignais qu’elle ne se desséchât trop promptement, je fus forcé de la mêler avec de l’eau dès la première observation, je ne vis pas les filamens ni les chapelets que j’avais vs dans l’autre, mais je reconnus sur le champ les gros globules, et je vis de plus qu’ils avaient tous un mouvement de tremblement et comme d’inquiétude ; ils avaient aussi un mouvement de progression, mais fort lent, quelques-uns tournaient aussi autour de quelques autres, et la plupart paroissaient tourner sur leur centre. Je ne pus pas suivre cette observation plus loin, parce que je n’avois pas une assez grande quantité de cette liqueur séminale, qui se desséchat promptement.
XIX.
Ayant fait chercher dans un autre lapin, on n’y trouva rien du tout, quoiqu’il eût été depuis quelques jours aussi voisin de sa femelle que les autres ; mais dans les vésicules séminales d’un autre on trouva presque autant de liqueur congelée que dans celui de l’observation XVII.
Cette liqueur congelée, que j’examinai d’abord de la même façon, ne me découvrit rien de plus, en sorte que je pris le parti de mettre infuser toute la quantité que j’en avais pu rassembler, dans une quantité presque double d’eau pure, et après avoir secoué violemment et souvent la petite bouteille où ce mélange était contenu, je le laissai reposer pendant dix minutes, après quoi j’observai cette infusion en prenant toujours à la surface de la liqueur les gouttes que je voulois examiner : j’y vis les mêmes gros globules dont j’ai parlé, mais en petit nombre et entièrement détachés et séparés, et même sort éloignés les uns des autres ; ils avaient différents mouvemens d’approximation les uns à l’égard des autres, mais ces mouvements étaient si lents, qu’à peine étaient-ils sensibles.
Deux ou trois heures après il me parut que ces globules avaient diminué de volume, et que leur mouvement étoit devenu plus sensible, ils paroissaient tous tourner sur leurs centres ; et quoique leur mouvement de tremblement fût bien plus marqué que celui de progression, cependant on apercevoit clairement qu’ils changeaient tous de place irrégulièrement les uns par rapport aux autres, il y en avait même quelques-uns qui tournaient lentement autour des autres.
Six ou sept heures après les globules étaient encore devenus plus petits, et leur action était augmentée ; ils me parurent être en beaucoup plus grand nombre, et tous leurs mouvemens étoient sensibles. Le lendemain il y avait dans cette liqueur une multitude prodigieuse de globules en mouvement, et ils étaient au moins trois fois plus petits qu’ils ne m’avaient paru d’abord.
J’observais ces globules tous les jours plusieurs fois pendant huit jours, il me parut qu’il y en avait plusieurs qui se joignaient et dont le mouvement finissoit après cette union, qui cependant ne paroissait être qu’une union superficielle et accidentelle ; il y en avait de plus gros, de plus petits, la plupart étoient ronds et sphériques, les autres étaient ovales, d’autres étaient longuets, les plus gros étaient les plus transparents, les plus petits étoient presque noirs ; cette différence ne provenoit pas des accidents de la lumière, car dans quelque plan et dans quelque situation que ces petits globules se trouvassent, ils étaient toujours noirs, leur mouvement éaoit bien plus rapide que celui des gros, et ce que je remarquai le plus clairement et le plus généralement sur tous, ce fut leur diminution de grosseur, en sorte qu’au huitième jour ils étoient si petits que je ne pouvois presque plus les apercevoir, et enfin ils disparurent absolument à mes yeux sans avoir cessé de se mouvoir.
XX.
Enfin ayant obtenu avec assez de peine de la liqueur séminale d’un autre lapin, telle qu’il la fournit à sa femelle, avec laquelle il ne reste pas plus d’une minute en copulation, je remarquais qu’elle était beaucoup plus fluide que celle qui avoit été tirée des vésicules séminales, et les phénomènes qu’elle offrit étoient aussi sort différents ; car il y avait dans cette liqueur les globules en mouvement dont j’ai parlé, et des filamens sans mouvement, et encore des espèces de globules avec des filets ou des queues, et qui ressemblaient assez à ceux de l’homme et du chien, seulement ils me parurent plus petits et beaucoup plus agiles ; ils traversaient en un instant le champ du microscope ; leurs filets ou leurs queues me parurent être beaucoup plus courtes que celles de ces autres animaux spermatiques, et j’avoue que, quelque soin que je me sois donné pour les bien examiner, je ne suis pas sûr que quelques-unes de ces queues ne fussent pas de fausses apparences produites par le sillon que ces globules mouvants formaient dans la liqueur qu’ils traversaient avec trop de rapidité pour pouvoir les bien observer ; car d’ailleurs cette liqueur, quoiqu’assez fluide, se desséchait fort promptement.