Bon jour à toutes et à tous.
Petit chronique sur l’écriture d’Anticipation aujourd’hui. Les plus anciennes sont dans les archives du Carnet de notes, il faut fouiner !
Plus précisément, je voudrais évoquer le choix difficile des noms des personnages de récits d’Anticipation ! Difficile pour moi en tout cas lors de l’écriture de mes premiers textes…
Car comment ne pas donner dans le ridicule, involontairement bien entendu ? Comment arriver à rendre compte de l’éloignement dans le temps, tout en restant compréhensible, original, avec la nécessité de faire sens ?
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Au début, j’ai fait avec ce que j’avais sous la main, l’annuaire téléphonique ! C’est bête, mais pratique, puisqu’il contient un nombre impressionnant de noms et prénoms.
Mais très vite, la limite de l’exercice m’est apparue, par l’impossibilité de connaître la provenance géographique des noms et le temps perdu à chercher ce qu’il me fallait !
J’ai donc commencé à me fabriquer ma propre documentation, grâce à de nombreux sites internet, un ou deux livres également, du genre qu’achètent de futurs parents pour trouver un prénom à leur enfant à venir.
C’est ainsi que j’ai pour travailler désormais une intégrale des Saints Chrétiens (des milliers de références, bien plus que le calendrier si restrictif !), des listes de prénoms de toutes originess ans donner la priorité particulière à l‘Europe, de noms de familles de nombreux pays.
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Mais le travail n’est pas fini pour autant… Il ne s’agit pas pour moi de simplement trouver un prénom parmi les milliers disponibles, mais de le magnifier, de lui donner un sens, de lui faire porter une charge émotionnelle ou intellectuelle la plus forte possible.
La simple prononciation phonétique fait déjà une première sélection. Un nom bien en bouche, ou au contraire selon le besoin de revêche, c’est presque gagné !!!
L’origine géographique aussi, même si là, il faut être très prudent. Chaque pays possède beaucoup d’émigrants, de nationaux d’origine étrangère. Il n’est plus question d’avoir une pureté de noms, à supposer d’ailleurs que cela ait existé un jour !
De plus, les nations en tant que telles seront-elles aussi présentes dans le futur ? Quelle sera la séparation entre groupes ethniques, entre régions ?
Le duo prénom-nom sera-t-il vraiment pertinent également ? En France, il y a à peine deux ou trois siècles, le nom de famille n’existait pas ! On se servait d’autres prénoms, de surnoms, de la profession pour distinguer deux personnes ayant le même prénom. Un nom de famille stable, officiel n’était pas encore en vigueur, car sans grande utilité… La possibilité de conserver le nom de la mère comme du père rallonge également les noms de famille.
Pourquoi pas ajouter alors au nom de famille à nouveau sa profession, sa maladie, ses rêves, etc..?
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D’autres traditions dans d’autres parties du monde offrent également des possibilités sympathiques pour nommer ses personnages.
Par exemple, un enfant chinois change de prénom en passant à l’adolescence, puis encore s’il le souhaite pour devenir adulte, car il est considéré que la personne n’est plus la même, qu’elle évolue avec le temps, et qu’il convient donc de changer de prénom ! Même si encore une fois, ce n’est pas un processus absolu, mais plutôt une possibilité offerte aux individus.
Cette évolution du nom est étonnante pour un européen, mais narrativement très intéressant…
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L’appellation des personnages relève pleinement donc de l’écriture d‘Anticipation, ce dont j’ai fini par m’apercevoir avec joie !
Prenons, au hasard, le feuilleton La fin des Haricots que vous pouvez suivre sur ce blog. Le héros, un jeune rebelle brésilien, très porté sur les femmes, un membre de la Résistance agricole et paysanne qui rêve de chambouler l’ordre établi se nomme Victorio. Signe d’une victoire attendue, porteur du passé colonisateur européen en Amérique du Sud, ce prénom exprime au mieux non seulement sa personnalité, mais aussi le pays, le mouvement auquel il appartient.
La chef de la résistance, une vieille femme dépassée, que Victorio ambitionne de remplacer, se nomme Binette. Ce prénom étrange fait sourire, rappelle bien sûr l’outil obsolète de jardinage au temps des entité cultivatrices robotisées !
C’est aussi un prénom féminin porté en Afrique, rappelant cette fois la présence d’esclaves africains au Brésil, dont les descendants constituent une part importante du Pays.
Un nom ne peut donc être donné à un personnage par simple lubie…
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Il m’est aussi apparu une nécessité, ne pas se contenter de s’inspirer de listes, aussi complètes soient-elles.
D’autres sources de noms existent, en plus de la tradition. Et ses sources sont évidentes ! Il s’agit tout simplement de la production d’autres auteurs de littérature, des films de fiction !
Il s’agit là bien sûr alors de rendre un hommage, un clin d’œil discret. Mais il peut être très intéressé…
Je travaille ces jours-ci par exemple sur un histoire entre deux bandes rivales de gamins. Et bien, j’ai ressorti ce livre formidable de Louis Pergaud, La guerre des boutons ! Une fois listés tous les gamins du roman, j’ai retravaillé en profondeur leurs noms, en pensant évidemment au nouveau contexte de ma propre narration originale, sans copier.
L’effet est saisissant ! Je suis certain qu’une partie des lecteurs, sans s’en rendre compte distinctement, sera sensible à ce parallèle. Ma nouvelle emmènera un peu du passé dans le Futur, avec cette envie de signifier que les gosses restent des gosses, malgré tout…
C’est une méthode que je pratique de plus en plus, emmener du passé littéraire, cinématographique dans mes écrits. C’est quelque chose qui dépasse complètement l’hommage révérencieux, mais qui est destiné à toucher l’inconscient des lectrices et lecteurs.
L’essentiel étant que mes personnages fonctionnent même si bien entendu les lectrices te lecteurs ne connaissent pas du tout mes sources d’inspiration ! Cela se passe à un autre niveau que la lecture littérale des mots.
Voilà, vous savez désormais comment je travaille les noms de mes personnages !
A bientôt, avec d’autres réflexions sur l’écriture, même si j’ai peu de temps à y consacrer.
Gulzar