Bonsoir à toutes et tous !
Petite réflexion ce soir sur la notion de vraisemblance dans la littérature d'imagination.
Le mot a le mérite de décrire soigneusement ce que l'auteur et le lecteur a besoin ! Certes, peu importe "la véracité" de ce qui est écrit, ce n'est jamais que de la fiction, qui par définition est fausse !
Pour illustration, il me revient un exemple extrait d'un grand classique, "De la Terre à la Lune" de Jules Verne. Faute d'une fusée pour emmener les explorateurs sur notre satellite, ces derniers utilisent un canon creusé dans le sol, capable d'envoyer un obus creux et capitonné abritant les courageux qui s'apprêtent à affronter le froid de l'espace !
Jules Verne sait très bien que la vitesse d'éjection de l'obus tuera dans la seconde ses occupants, écrasés sous des centaines de G !! Et les lecteurs de l'époque aussi, du moins y penseront-ils certainement.
Donc jules Verne, de mémoire, invente un magnifique système de plancher à l'intérieur de l'obus reposant sur une série de ressorts compensant les effets de la poussée initiale. L'idée étant que le plancher s'enfonce, tandis que l'obus est éjecté du canon.
Autant vous dire que c'est pure délire ! Un tel système ne peut fonctionner ! Je me demande même si la vitesse d'éjection de l'obus permettrait à des bactéries de survivre !
Mais pour la lecture du roman, cela n'a aucune importance ! L'essentiel étant que les explorateurs "aient l'air d'avoir résolu le problème"...
D'où la notion de vraisemblance. Une explication, une solution a un problème sérieux est nécessaire dans une bonne histoire bien écrite, mais nul besoin "réel" que cela fonctionne !!!
Car le plaisir de lecture passe avant tout.
Mieux même, si l'on réfléchit, le lecteur doit avoir confiance dans l'auteur. c'est vrai après tout ! Il achète les livres, se déplace dans une bibliothèque pour l'emprunter, il est prêt à consacrer des heures à le lire.
Mais l'auteur doit aussi avoir confiance dans le lecteur, dans sa capacité à admettre l'invraisemblable, à se contenter parfois de vagues explications, ou bien alors d'un long et compliqué processus qui n'a guère de chance d'exister, voir de fonctionner, mais qui apporte tant de poésie, de possibilités narratives !
La série "Fondation" d'Asimov fonctionne je trouve sur lemême principe d'une grande invention très justifiée, à la limite de la crédibilité, la Psychohistoire d'Hari Seldon. Magnifique possibilité de prévoir l'Histoire, à laquel l'on adhère encore plus fort que les ressorts de Jules Verne !
Socialement, il est légitime également de se demander si les auteurs de SF, et de fiction en général, sont bien les seuls à employer la notion de "vraisemblance"...
Par exemple, il est vraisemblable que les banques sont aux services de leurs clients. Il est vraisembable que les gouvernements luttent contre la faim dans le monde, contre la pauvreté. Il est vraisemblable que... Tout les discours officiels ne cesse de nous le répéter....
En fait, nous vivons dans le vraisemblable sans bien nous en rendre compte, pour qui n'a guère ou pas de recul sur son environnement social.
Mensonge et vérité nous tiennent en tenailles...
La vraisemblance aux mains des auteurs de SF est éminement sympathique. Dans d'autres mains, je n'en dirais pas autant...
A demain !
Gulzar