Documentaire I wish i knew de Jia Zhang-ke

Bonjur à toutes et tous.

Courte chronique d'un documentaire que je viens juste de voir au cinéma, I wish i knew sur la ville de Shanghai, réalisé par Jia Zhang-ke. Toujours friand de mieux connaître toutes les régions du monde, je n'ai pas manqué l'occasion d'un regard sur cette ville dont on parle tant !

De principe assez classique, le film consiste en la parole d'habitants de la ville, depuis ceux qui ont connu les années trente, la colonisation anglaise, l'nvasion japonaise, la guerre civile, le départ pour certains vers Taïwan ou Hong Kong, la révolution culturelle, jusqu'à l'ouverture économique...

Esthétiquement, le film est magnifique ! La lumière si particulière de Shanghai, constamment plongée dans une brume offre une ambiance unique, faite de béton, des remous du fleuve.

Clairement, il ne s'agit pas là de vouloir à tout prix rendre compte de tout, mais bien plus d'une expérience picturale, de pure sensation. Jia Zhang-ke ne cherche pas à tout prix à échapper à ce qui fait l'image de la ville, les hautes tours, le fleuve, l'ancien quartier colonial, la démolition, la construction prodigieuse, pour de l'anedoctique. Il reste dans le fondamental.

Le film donne clairement la parole à des habitants sinon huppés, du moins qui ont socialement de l'importance, ancienne actrice, ancien cadre du PC, descendants d'entrepreneurs, parvenus, romancier à succès faisant des courses de rallye... Parole intéressante, parfois drôle comme ce militaire chargé de suivre le réalisateur Antonioni venu faire un documentaire sur la ville dans les années 70 ou cet ouvrier misérable qui a fait fortune dans les années 90 en jouant au tout début de la Bourse ! Mais aussi dramatique avec la guerre civile, la révolution culturelle, plus encore que la domination japonaise.

L'évolution du pays à travers l'une de ses villes les plus emblématiques se révèle... Une ville totalement en phase avec l'Occident et totalement chinoise à la fois. Où l'évolution des moeurs, des rapports entre femmes et hommes tiennent une place aussi importante que la politique et l'économie.

Le film malgré son classicisme, ses propos jamais offensants pour le Parti Communiste, est passionnant et subtilement parvient à évoquer la réalité sociale de la Chine, d'aujourd'hui et d'antan, la classe besogneuse, les paysans venus chercher du travail en ville et sans qui rien n'est possible, rien ne se bâtit.

Comme dans la vraie vie, le cinéaste ne leur donne pas la parole. Ils sont filmés, mais ne disent rien, contrepoint puissant à la prise de parole des gens autorisés, eux, à parler...

Dominants et dominés sont là, ensemble, par un procédé sans doute destiné à faciliter le financement du film ! Mais qui offre malgré tout une vision juste de la ville par du cinéma, de l'image. Les dockers qui se retrouvent sous l'orage annonce peut-être bien plus qu'une simple tempête passagère... A certains moments même, l'on ne sait plus s'il s'agit de plans contemporains ou bien des évocations du travail des coolies d'antan. Le passé et le présent se mêlent.

Autre formalisme intriguant et très beau, parmi tant d'autres dont je vous réserve la surprise, une jeune femme vêtue de blanc, symbole du deuil en Asie, traverse le film de bout en bout, symbole de ce que n'est plus là, d'une mémoire aussi...

Beau long métrage à découvrir si vous vous intéressez à la Chine !

Gulzar