Bonjour à toutes et à tous.
Courte chronique cinéma portant sur Agora d’Alejandro Amenábar, récemment sorti en salle puis en dvd. Un excellent film, non pas SF, mais qui aborde avec intelligence et un sens du spectaculaire intéressant un épisode authentique de l’Histoire des Sciences.
Le long métrage retrace la vie d’une savante du 5ème siècle après J.C., d'Hypatie d'Alexandrie, mathématicienne, astronome et philosophe, fille du conservateur de la Bibliothèque d’Alexandrie, l’Egypte étant alors sous la domination politique de l’Empire romain d’Orient déclinant. Face à la montée de l’extrémisme chrétien, la bibliothèque se trouve menacée comme symbole du pouvoir élitiste méprisant le peuple et de l’intelligence, de la science s’opposant au pouvoir religieux montant, intolérant et misogyne.
Après l’attaque et le pillage de la bibliothèque, Hypatie finira par passer en procès inique, que le pouvoir romain, converti au christianisme par opportunisme n’empêche pas. Elle est condamnée à la lapidation…
Disons-le tout de suite, ce qui frappe immédiatement, et c’est évidemment le sens premier du film, c’est la similarité entre l’extrémisme chrétien de cette époque pas si lointaine, en lutte pour la suprématie sur les juifs et le polythéisme romain et l’extrémisme islamique en lutte contre les régimes corrompus d’Orient et le mode de vie occidental.
Et cela est très concret à l’écran tout simplement par l’apparence physique. Les sectaires chrétiens sont barbus, portent des habits sombres, ont le regard farouche de gens qui n’ont rien à perdre… La haine commune des femmes et de leur liberté individuelle finit de les réunir au panthéon du fanatisme…
Et ni l’amour, le pouvoir romain tolérant religieusement et attaché aux Sciences ne pourra l’empêcher.
Le trouble s’installe. Et c’est l’un des forces d’Agora. Nous sommes bel et bien au 5ème siècle après J.C., mais aussi aujourd’hui, au 21ème siècle ! Nous naviguons fréquemment entre deux périodes, avec notamment la scène d’émeute, d’assaut de la Grande Bibliothèque absolument réussies, comme rarement au cinéma ! Alejandro Amenábar réussit à y mettre du sens autre que purement illustrateur de la fureur populaire.
À plusieurs reprises, d’un coup, la caméra quitte la foule bruyante, le son devient ténu et nous nous retrouvons dans des scènes aériennes, tournées par hélicoptère. Nous survolons les rues d’Alexandrie remplies du peuple en colère. Prodigieusement, cela nous ramène à aujourd’hui, aux scènes d’émeute en Palestine, aux révolutions arabes en cours en ce moment même ! L’effet est frappant, d’une rare force cinématographique !
Je ne vous narrerai pas la relation avec son père, joué par Michael Longsdale, décidément toujours là dans les grands films, les intrigues amoureuses qui composent également le film, dans une tradition classique mais qui amène tout de même du sens. Deux scènes clés du film tout de même pour vous donner encore plus envie de visionner Agora !
Tout d’abord la dramatique fin du film, avec donc la lapidation d’Hypatie. Scène terrible qu’Alejandro Amenábar a su tourner à mon avis de la bonne manière, loin de tout voyeurisme. C’est aussi à ce genre de refus que l’on ressent un film comme grand.
Le réalisateur s’est en effet refusé à montrer le calvaire de cette femme à l’écran, tout en le montrant malgré tout… Fausse historiquement ou pas, peu importe, l’astuce narrative qu’il a employé prive en fait les fanatiques chrétiens de leur victoire sur tout ce qu’ils haïssent, la femme, la beauté, l’intelligence.
Pendant qu’ils sont partis chercher des pierres, et oui il faut se donner un peu de mal pour mettre à mort une femme, l’un des hommes qui aura été l’un de ses prétendants durant sa courte existence la tue avec son consentement pour la laisser morte à l’arrivée des hommes chargés d’appliquer la sentence.
Sans même s’en rendre compte, ils ne lapideront qu’un corps sans vie...
Enfin, tout du long du film, tant durant les cours qu’elle dispense que lors de discussions philosophique et scientifiques, Hypatie cherche à déterminer les lois exactes qui régissent la révolution de la Terre au sein du système solaire, ce que l’on nomme l'héliocentrisme. Intriguée avec d’autres par les défauts de trajectoires circulaires des planètes, dont la Terre, autour du Soleil, ils cherchent ensemble une solution à cette épineuse énigme, tandis que en dehors des murs de la bibliothèque, le peuple gronde…
Scène peut-être trop courte à mon goût; mais qui reste magique, avec simplement du sable, deux bâtons et une ficelle, elle trouve la seule solution plausible de ce comportement, et invente là l’ellipse, encore inconnue jusqu’à présent ! Les planètes suivent autour du soleil une trajectoire non pas circulaire mais elliptique !
Agora, un film à découvrir et à faire connaître donc, puisque les films consacrés à l’Histoire de la Science sont si rares ! Un grand merci à Alejandro Amenábar…
Gulzar
P.S. :
De par sa grande qualité, Agora m’a fait aussi penser à la série Rome, produite par HBO, absolument magnifique sur l‘Empire Romain durant la période du règne de Jules césar. Pas de saison trois malheureusement… Encore une merveille à visionner, même si là, la Science est quasi absente, sauf celle de diriger les peuples, de prendre et de conserver le pouvoir !
Le dossier pdf de la chronique d'Agora, avec une galerie photo.
archive-host.com/Gulzar_Dossiers_FILMS/CHRONIQUE_agora.pdf