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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 16:46

Charisma le film

Bonjour à toutes et tous !

Petite chronique cinéma ce matin, avec deux films japonais fantastiques vus à la suite !
Il s'agit de Karïo et Charisma, tous deux de Kiyoshi Kurosawa, disponible ensemble en dvd chez Arte Vidéo.

 

Je n'évoquerai pas ici Karïo, que j'ai eu beaucoup de mal à apprécier. sans doute trop éloigné des codes du film fantastique, d'horreur que je connais. Imaginez un film de Carpenter ou Sam Raimi qui se déroule en plans fixes ou très calmes, dans une ambiance très polie à la japonaise, dans des décors lumineux, propres et dépouillés... C'est là, avec de tels films, que l'on comprend mieux l'idée même de "code" entre humains.
Ce film qui évoque la possibilité d'un "ghost informatique tuant des humains", effrayé par l'idée de mourir seul d'après ce que j'ai pu comprendre, utilise une manière de filmer si éloigné du film d'horreur auquel nous sommes habitués, qu'il en devient "autre"...
Le film lui-même est un fantôme de film d'horreur, et c'est sans doute trop demandé à des spectateurs occidentaux !

Par contre Charisma, avec une histoire plus humaine, mais également plus proche de thématiques SF plus pragmatiques dirons-nous, m'a beaucoup plu !
Je vous résume le début du film... Après une prise d'otage qui tourne mal, l'officier de police Goro Yabuike reçoit l'ordre de prendre quelques jours de repos. Il s'exile dans une forêt, loin de la ville.
Yabuike y découvre une galerie de personnages se disputant autour d'un arbre appelé Charisma... Mais qui se révèle être un arbre venu du continent, menaçant la forêt par la subtance que produisent ses racines... Ce qui peut effectivement se produire avec certaines plantes exogènes à un milieu.
Certains veulent le conserver, d'autres le détruire, d'autres le vendre...

Autour de thèmes très contemporains, le film construit une histoire attachante, parfois drôle, entre des personnages jamais gratuits.
Les espèces animales ou végétales importées (métaphore de la crainte japonaise de l'immigration) menaçant les espèces locales, l'appât du gain, les rapports des citadins avec la nature sauvage, le phénomène sectaire, la rédemption d'un homme, tous ces thémes s'entremêlent avec une rare grâce !
L'esthétique, le rythme du film est souvent proche de celle de Takeshi Kitano, mais mêle aussi celle du western moderne, ou les 4x4 remplacent les chevaux...

Je ne voudrais pas trop en dire, au cas ou vous ne connaissiez pas ce film, mais sa force, c'est son foissonnement philosophique, l'exploration quasi clinique du comportement humain, mais sans trace de psychologie de bazar ! L'on sent se dessiner les grands thèmes au fur et à mesure du visionnage.

La scientifique rationaliste qui habite la forêt avec sa fille adolescente refuse de manger les aliments du coin, sois-disant malsains, et achète tout en ville...

Le jeune gardien de l'arbre Charisma est prêt à tuer pour le défendre... Et tuera, mais pour une valise de billets...

L'espèce de secte plus ou moins paramilitaire, plus ou moins écologique, qui replante la forêt cherche à détruire l'arbnre charisma. Puis à le vendre...

L'acheteur de l'arbre, pour un riche amateur ,se balade avec une valise de billets, croyant acheter quiconque...

Le policier se transforme en justicier de l'inutile, rattrapant là sa faute professionnelle; cherchant à déterminer le juste de l'injuste...

Finalement, je pourrais résumer le film d'une formule. Nul besoin de vivre en ville pour devenir dingue !!! L'espèce humaine comporte en elle sa propre démence. Quelque soit le lieu, nous y amenons nos passions, notre rationnalisme, notre irrationnalité. Notre bêtise. Notre goût pour l'affrontement.
C'est là je trouve où ce film est très fort. Il détruit ce mythe du retour à la Nature, à la campagne, devenu véritable fantasme de pureté dans un japon ultra urbanisé.
Des citadins dans la forêt restent des citadins... Avec leurs préjugés, leur croyance en la civilisation, leur égoïsme, leur incapacité à s'adapter sereinement à un environnement somme toute pas si hostile.

Kiyoshi Kurosawa nous rappelle justement que la nature n'est pas un refuge, c'est un révélateur des faiblesses humaines. Il vaut mieux rester en ville, qui est bel et bien devenu l'habitat naturel des humains...
A condition là aussi de ne pas le détruire...

Le film pose aussi la question fondamentale de la Résistance. Mais à quoi exactement ? Vouloir préserver cet arbre nuisible n'a pas de sens ! Il faut l'abattre pour préserver la forêt. Pourtant, il se trouvera un jeune homme à la dérive pour prendre sa défense, et trouver là un sens à sa vie d'ermite. Le policier fera de même en défendant un autre arbre, une fois Charisma détruit..

Le film semble nous dire que le comportement humain peut être complétement déconnecté de son sujet. C'est sans doute très vrai ! Nous collectionnons n'importe quoi, des capsules de bière aux Rolls, nous nous battons pour du pétrole ou une place de parc de stationnement, nous nous disputons sur l'avenir de la Planète ou trois lignes malheureuses dans un livre que nous ne lirons plus l'année prochaine...

Un film à voir donc ! A bientôt avec d'autres chroniques filmiques.
Je viens justement d'acheter le coffret de Carlos d'Olivier Assayas, utile réalisateur français qui ose s'attaquer à des sujets économiques, avec Demonlover, Bording Gate. Ces 5 heures de films me paraisent très alléchants !
Gulzar

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