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3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 08:04

Bonjour à toutes et à tous.

 

Aujourd’hui, contrairement à l’habitude de ce blog, je vais chroniquer un film introuvable en dvd, quasiment impossible à voir…

Que j’ai eu la chance toutefois de visionner à la cinémathèque de ma ville, après qu’elle ait obtenu l’autorisation des ayant-droits et payé une assurance pour le transport de la pellicule. 

 

croisieres siderales

 

Curiosité donc que cette comédie de Science-fiction français tournée en 1942 aux studios d’Epinay-sur-Seine près de Paris, Croisières sidérales d’André Zwobada ; un film qui mériterait vraiment d’être édité en dvd, tant il est plaisant et plein de trouvailles de qualité, esthétiques et narratives.

Evidemment soumis à la censure du régime de Vichy, Croisières sidérales parvient tout de même à travers une fable scientifique à exprimer l‘air du temps d‘alors, assez fétide politiquement comme l‘on sait... Au visionnage, le film oscille sans cesse entre critique de la France de la collaboration et du Monde en guerre et défense des valeurs du Maréchal Pétain, sans pour autant qu’on soit sûr qu’il s’agisse bien d’une défense…

 

croisieres siderales 26

 

Un couple de scientifiques, Françoise et Robert Monier, s’apprête à rejoindre et explorer la stratosphère à bord d’un ballon pressurisé, fierté de la Science Française. Malheureusement, Robert a un accident de camion et doit rester à l’hôpital. Comme le départ ne peut être remis, Françoise part avec Lucien, un assistant de laboratoire dont l’épouse s’apprête à accoucher. 

L’ascension se passe bien, jusqu’à un malheureux accident qui propulse le ballon dans les cieux intersidéraux à très grande vitesse. Heureusement, Françoise parvient à inverser la trajectoire, et voilà nos deux héros redescendus sur Terre, guère loin de Paris.

Sauf qu’ils sont revenus vingt-cinq années après leur départ, en 1966… 

 

croisieres siderales 19

 

Françoise retrouve donc son époux Robert bien plus vieux qu‘elle et Lucien un fils plus grand que lui...

Après une période de doute, la Science constate donc la véracité des théories de relativité du temps. Un ancien collègue de Lucien, devenu financier s’intéresse alors de près à ce nouveau marché, le voyage dans le temps, la jeunesse préservée. 


croisieres siderales 17

 

Se monte alors une vaste entreprise de voyage. De la gare sidérale, Robert Monier repart pour un voyage avec un ballon croisière afin de retrouver Françoise quinze jours sidéraux plus tard. Tous deux auront alors le même âge…

Chaque passager ayant payé fort cher le voyage a ses raisons ; toucher l’héritage d’un oncle qui oh ! surprise lui aussi fait la croisière, un voleur voulant échapper à la police, un jeune couple très amoureux, une femme qui n’a plus envie de vivre, un vieux monsieur misanthrope, une actrice passée de mode, etc...  

 

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Suite de nouveau à un accident provoqué par Lucien désirant supprimer la gravité artificielle pour blaguer, le ballon croisière se retrouve sur Vénus, où vivent des indigènes pacifiques, refusant de suivre la voie de la Terre en désordre constant, incapable de contrôler ses avancées scientifiques. 

Malgré tout, les voyageurs repartent, hormis le jeune couple amoureux, hors du temps…

De retour à la gare sidérale, Françoise et Robert Monier se promettent de repartir, mais cette fois pour la campagne, sur notre bonne vieille Terre…

 

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Voilà pour l’histoire. 

Le film, lui, oscille sans cesse entre comédie jubilatoire, critique sociale, grossières ficelles scénaristiques et réalisme technologique.

Comme expliqué en préambule du film par un carton, Croisières sidérales est basé sur un vrai principe d’astrophysique, la relativité du temps théorisé depuis peu. En voyageant très vite, près de la vitesse de la lumière, puis en revenant sur Terre, les voyageurs seraient effectivement plus jeunes que les terriens restés sur place, dans l'espace-temps référentiel…

 

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La part de véracité ne s’arrête pas là.  

Le réalisme du premier ballon très allongée est frappante, avec sa cabine de forme sphérique, très semblable au ballon du tour du monde de Bertrand Picard et Brian Jones ou celui du saut de Felix Baumgartner.

Les plans larges du ballon au-dessus des paysages nuageux sont très réalistes, bien que réalisés évidemment en studio. Le charme opère. L’on se prend vraiment à croire à ce voyage.

Mieux, lorsque François et Lucien se retrouve dans l’espace intersidéral et parviennent à freiner leur ballon devenu bolide, l’apesanteur est bien représentée à l’écran. Les deux aventuriers marchent au plafond…

L’astuce utilisée est la même que celle, réutilisée donc, dans 2001, l’Odyssée de l’Espace, un décor circulaire tournant sur son axe, avec une caméra fixée au décor mouvant. L’illusion de l’absence de gravité est ainsi spectaculaire. 

 

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Mêlée à la comédie principalement apportée par les personnages de Lucien, joué par le célèbre Carette, et le voyageur misanthrope, joué par Jean Dasté, la véracité se fait aussi sociale… Et sonne très juste. 

Tout d’abord, le film commence par l’inauguration du ballon, dans un nationalisme scientifique qui fait écho aux prix Nobels, à la compétition technoscientifique débutée au dix-neuvième siècle entre les nations européennes, les USA et le Japon. 

Vaincue, occupée en 1942, la France de fiction conserve toute son indépendance perdue…

 

Croisières sidérales se conclut également sur un message très clair du retour à la terre, au terroire français, idéologie importante du régime de Vichy, prônant l'amour de la Patrie, de ses racines paysannes. L'on peut y trouver là une fin susceptible de plaire à la censure, histoire de faire passer le reste du film, beaucoup plus tendancieux.

Mais pour autant, si on oublie cet aspect historique, la fin reste simplement doucereuse...


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Ensuite, la folie médiatique, omniprésente tout au long du film. Lucien avant de monter dans le ballon, donne même des photos qu’il avait pris soin de préparer à un journaliste pour être bien sûr d’être à la une ; journalistes qui disposent même de téléphone portable en 1966…

Les journaux s’emparent aussi bien sûr du fabuleux retour de Françoise et Lucien, plus jeunes de vingt-cinq ans, et alimentent la polémique, canular ou réalité ? 

 

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Mi anticipation, mi allusion à la France de 1942, le film donne à voir une Police assez présente. Mais loin d’être uniquement un instrument d’oppression d’une dictature elle répond plutôt à la demande de nombre de personnages, notamment les passagers aisés du ballon croisière, qui réclament à corps et à cris de la sécurité, exprimant à maintes reprises leur besoin irrépréhensible d’Ordre… Sans en préciser d’ailleurs la nature. 

 

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Croisières sidérales traite aussi longuement dans la seconde partie de l’exploitation commerciale exacerbée d’un phénomène d’astrophysique, ce qui à ma connaissance, ne s’est encore jamais fait, hormis peut-être la vente de lunettes astronomiques aux particuliers. Et encore s’agit-il là plus d’Astronomie. Jamaisencore l'énergie des trous noirs n'a été exploitée...

le film aborde véritablement un sujet SF, traité sur le fond très sérieusement.

L’entrepreneur qui décide de construire une gare stellaire, des ballons croisière est d’un rare cynisme, s’adressant par ces mots à Robert Monier, Vous, vous explorez, moi j’exploite !  

 

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La longue scène de réunion avec le couple Monier, Lucien et ses conseillers techniques et artistiques vaut son pesant d’or. Un véritable hymne à l’exploitation des masses, des pulsions humaines essentielles à seule fin de faire de l’argent.

Scène d’une rare modernité, tandis que par les baies vitrées, des engins volants traversent le ciel du Paris de 1966…

 

croisieres siderales 14

 

Enfin, plus philosophiquement, les besoins d’échapper à la Terre, au monde réel jugé insoutenable, de ralentir le temps, d’échapper illusoirement à la vieillesse, sont très bien traités à travers les différents passagers du ballon croisière, qui se croisent au bar. 

La visite sur Vénus trouve alors sa place dans le film, même si aujourd'hui, c'est certainement la partie du film la plus naïve, la plus cliché cinématographique du genre SF des années 30 à 50. 

Avec peu de choses, les différents caractères apparaissent et nous touchent, tandis que l’équipage, composé essentiellement de jeunes hôtesses, reste anonyme. Leurs motivations sont profonde, cynique ou superficielle, mais reflètent très bien finalement l’ambiance de la France occupée, déchirée entre sombre réalité et désir d’évasion. 

 

croisieres siderales 7

 

C’est ce mélange de gouaille de titi parisien, de comique de situation servi par des répliques à la Sacha Guitry, d’avancée technologique, de véritable théorie d’astrophysique, de ficelles grossières de scénario, d’anticipation et de critique sociale qui fait le charme de Croisières sidérales, film refusant de se prendre au sérieux et assumant totalement son côté divertissant ; pour au final parvenir à parler du monde réel avec une certaine dureté.

Celui de la France de 1942, où nombre de personnes n’ont pas eu la chance de s’envoler dans les étoiles pour échapper à leur funeste destin

 

Gulzar

 

croisieres siderales 25

 

Photos inédites du tournage

Ayant lu la chronique publiée sur le blog 36, Pierre Zwobada, le fils du réalisateur, m'a fort gentiment envoyé quelques photos du tournage en sa possession. Je vous les offre donc.

On peut faire le parallèle dans les trucages avec 2001, l'Odysée de l'Espace, afin de recréer la sensation d'apesanteur dans le décor...

 

Croisiere Sidérale tournage 4

Croisiere Sidérale tournage 3

Croisiere Sidérale tournage 5

Croisières sidérales tournage 1

Croisières sidérales tournage 2

Croisières sidérales tournage 6

Grande taille...

Croisières sidérales tournage 6


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commentaires

Z
Très intéressant.<br /> Je partage.
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