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2 janvier 2011 7 02 /01 /janvier /2011 17:20

Bonjour à toutes et à tous !


Pour bien commencer l'année, débutons par la chronique d'un film absolument pas SF ! Il s'agit toutefois d'un long métrage sur la création, en l'occurence picturale, La jeune fille à la perle, réalisé par Peter Webber en 2003, d'après un roman de Tracy Chevalier et au final donc d'après le fameux tableau de Johannes Vermeer !

 

la jeune fille a la perle


Je connaissais l'existence du film, mais je ne l'avais pas encore visionné... C'est une belle découverte ! Le film rend avec grâce et simplicité de plusieurs réalités du XVII siècle, mais aussi finalement intemporels concernant la création artistique, le rapport entre maître et serviteur, la portée d'une oeuvre qui n'est finalement qu'un peu de couleurs sur une toile, la position sociale des artistes, le financement des oeuvres d'art...

 

Le film porte donc sur la création du tableau La jeune fille à la perle, qui est le portrait d'une servante de la maison Vermeer, famille catholique de Delft, religion minoritaire dans une Hollande protestante. La jeune fille, Griet, est destinée à rester une simple domestique dans une famille nombreuse, dominée par la belle-mère du peintre, entremetteuse entre l'artiste et son mécène, un notable de la ville collectionneur de peinture.

Mais Johannes Vermeer, en attente d'une commande, cherchant un sujet de peinture, souhaite réalier son portrait. Ce qui met alors en porte-à-faux la jeune fille, qui de domestique devient l'assistante du Maître, bien esseulé dans sa propre maison, où personne ne comprend son Art, même s'il est respecté pour l'argent qu'il apporte.

L'épouse du peintre prendra ombrage de ne pas être celle retenue pour être portraiturée...

 

Ce petit résumé est bien insuffisant pour donner une idée de la qualité du film ! Tant par la musique d'Alexandre Desplat que la lumière, le tournage des extérieurs dans la ville même de Delft, la maison parfaitement reconstituée en studio, le montage et le jeu retenu des acteurs, l'on retrouve l'ambiance des peintures du peintre hollandais ! C'est déjà un plaisir certain !

 

Toutefois, Peter Webber n'essaie pas non plus désespérément dans son cadrage de "refaire" les tableaux de Vermeer ! La manière de filmer garde sa propre cohérence, sa propre logique, dictée par les lieux physiques, la maison Vermeer à plusieurs étages et les canaux de Delft.

 

Mais ce n'est pas suffisant pour expliquer la force de ce film. Elle provient aussi d'axiomes narratifs de grande qualité.

 

Tout d'abord, tout film portant sur la peinture, d'ailleurs tant de fiction que documentaire, doit se confronter à la même question. Faut-il peindre l'artiste au travail, faut-il montrer le pinceau courant sur la toile ?

La réponse esthétique est évidemment non... C'est la plupart du temps catastrophique, purement illustratif, sans intérêt ! L'acte de peindre est infilmable, ce n'est pas de la danse ou du chant... Ou bien alors, il faut user d'astuces esthétiques, comme le documentaire de Clousot sur Picasso, mais qui n'ont pas leur place dans un film comme La jeune fille à la perle.

Peter Webber l'a parfaitement compris. Mieux, il contourne très intelligemment le problème en s'attardant sur la fabrication des couleurs, que le Maître effectue au grenier avec l'aide de Griet, la composition des tableaux, l'usage d'une caméra obscura. Ce qui permet d'ailleurs d'approfondir la relation entre le peintre et son modèle. Ainsi que pour le spectateur de comprendre pourquoi Vermeer peint si peu. C'est tout simplement que sa technique l'exige, et non par "caprice d'artiste"

 

Les personnages sont aussi formidablement utiles au film ! Rien n'est gratuit, exagéré, manichéen. En terme de narration, le film est une merveille, vraiment ! Chacun a sa place, contribue à créer de l'Art, même s'il n'est pas artiste...

Plus fort encore, le film ne gravite même pas autour de Johannes Vermeer. Il est là, il est le créateur, mais c'est tout. Humainement, il n'est pas supérieur aux autres, pas mis sur un piédestal, tant par le scénario que par le montage.

La jeune servante Griet est sans doute logiquement celle autour de laquelle est construit le film, puisqu'elle amène à l'existence du tableau. Mais là encore, c'est très léger, à peine sensible à la vision du film. Elle n'est pas l'héroïne. Car dans La jeune fille à la perle, il n'y a pas de héros, juste des personnes qui s'aiment, souffrent, éprouvent des joies trop brèves...


Johannes Vermeer est un génie, un être dédié à sa peinture, un rebelle par le simple fait de s'être marié à une catholique, un homme qui cherche la tranquilité pour mener à bien ce qu'il a à produire durant son passage sur Terre. Il cherche la beauté, il cherche quelque chose qui dépasse les convenances, qui dépasse le bon goût bourgeois habituel. Mais il doit aussi se conformer à une vie bourgeoise, qui seule lui permet matériellement de peintre...

Son épouse l'aime d'un amour sincère, mais ne comprend pas vraiment sa peinture. Elle tient à son rang social, ne pouvant admettre la relation platonique qui lie son mari à cette simple servante qui lui sert de modèle à sa place...

La belle-mère catholique de Johannes Vermeer tient les bourses de la famille, lui sert en fait d'agent artistique. C'est elle qui fera en sorte que Vermeer finisse son portrait de la servante, afin qu'il se remette au plus vite à travailler sur une commande, malgré le risque que sa fille n'en prenne gravement ombrage... L'artiste doit produire avant tout...

Griet la jeune servante est l'élément qui manquait pour que le tableau prenne naissance. Elle est le hasard, la chance, la muse. Elle ne sortira pas pour autant de sa condition sociale, mais se sera enrichie personnellement.

Enfin, Pieter van Ruijven le mécène prend commande et achète les tableaux du Maître, faisant vivre lamaisonnée. Bien sûr, il peut changer de peintre favoris, il faut satisfaire ses goûts, ne pas trop le faire attendre...


Toute la création est là résumée par ses personnages. Celle d'hier et d'aujourd'hui, celle de demain. Celle des mécènes privés devenus subventions d'Etat, Musées, etc...

 

Le film est aussi une histoire d'amour entre deux êtres qui ne peuvent sortir de leur condition sans prendre de grands risques tant sociaux que moraux. La peinture sublimera ce désir à peine conscient.

Ou peut-être même ne s'agit-il à aucun moment de cela, mais bel et bien d'une relation unique entre un peintre et son modèle, incompréhensible à qui ne peint pas ou n'a pas été modèle. Le film laisse planer le doute avec intelligence une fois encore...

 

La jeune fille à la perle nous plonge complétement dans le XVIIème siècle, même si la version définitive du film n'aborde pas certains sujets, comme la peste notamment qui est passée par Delft. Et dans le même temps, la sensation de modernité est constante

Il ne pouvait en être autrement pour ce film, car il est temps de regarder ce fameux portrait, qui même si je n'ai pas eu la chance de le voir réellement m'a toujours laissé grand impression.

 

la jeune fille ala perle tableau

 

Ce fond noir et ces habits simples annihilent complétement tout décor, toute époque, toute classe sociale. Il ne reste plus qu'un être humain, un femme, morte depuis si longtemps et pourtant si réelle. Vermeer a trouvé ce qu'il cherchait sans doute dans ce tableau extraordinairement dérangeant à son époque, un portrait d'un individu et non de codes sociaux, tels qu'il pouvait et devait les peindre dans les commandes de riches mécènes.

A tel point que dans le film, l'épouse de Johannes Vermeer le traite d'obscène !

Effectivement, il est "obscène" de mettre sur un plan d'égalité dominants et dominés, au risque de remettre en cause toute la société...

 

Ce portrait très modeste en apparence a donc traversé les siècles pour finir par donner naissance a un très bon film, complétement accessible à tous, y compris d'ailleurs les enfants. Il se veut aussi universel que le portrait qui justifie son existence, loin des clichés quelque peu imbéciles de "l'artiste solitaire et incompris qui peint ce qui lui passe par la tête".

 

Johannes Vermeer savait très bien ce qu'il peignait...

 

La jeune fille à la perle, tant le tableau, le roman que le film, nous rappelle aussi un fait un fait essentiel de la création artistique, tout bête. On crée avec ce qu'on a sous la main. En l'occurence, une jolie servante...

 

Gulzar

 

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commentaires

N
Il est plus que probable que le personnage du tableau soit la plus âgée des filles de Vermeer, qui aurait été à la fin de son adolescence au moment de l’exécution. Elle pourrait apparaître dans plusieurs de ses tableaux en fait, bien qu’il soit difficile de le déterminer avec certitude à cause du style de Vermeer et de son travail sur la lumière qui peut représenter les traits d’une personne différemment selon les tableaux.
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L
<br /> J'aime beaucoup le livre "La Jeune Fille à la Perle" de Tracy Chevalier... Et j'aimerais bien voir le film ! L'histoire est vraiment très prenante, il est impossible de poser le livre tant qu'on ne<br /> l'a pas terminé !<br /> Je viens d'ailleurs de poster mon avis sur mon blog...<br /> <br /> Joli article, je reviendrais ;)<br /> Bonne continuation !!<br /> <br /> <br />
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3
<br /> <br /> le film a été aussi pour moi une ravissante surprise. j'aimais déjà beaucoup le travail d'actrice de Scarlett Johansson et vraiment ce long métrage est d'une rare intelligence, le livre ayant été<br /> une base de travail formidable. le film est disponible en dvd, c'est sûr !<br /> quelque est votre blog, je n'e l'ai pas trouvé sur internet ?<br /> à bientôt Luna !<br /> <br /> <br /> <br />