Bonjour à toutes et à tous.
Nouveau film iranien, certes pas de SF, mais vraiment intéressant sur la jeunesse actuelle de Téhéran, Les chats persans de Bahman Ghobadi, sorti en 2009, que je viens de visionner avec grand plaisir en dvd.
Faisant je pense dans sa traduction française ouvertement référence aux Chats Sauvages, groupe de rock des années 60, Les chats persans est un film musical, non une comédie mais véritablement un film sur la musique et sa difficulté d’exister en Iran sous le régimes de la République Islamique rétrograde culturellement, où il est interdit de faire publiquement de la musique, pour résumer rapidement la situation.
Le film raconte donc les tribulations d’un petit groupe pop pour tenter d’aller jouer dans un festival en Europe. Tandis que leur manager tentent d’acheter des visas de contrebande auprès de vieux trafiquants tout droit sorti d‘un film d‘Henri Verneuil, la chanteurs et son ami aux claviers tentent de recruter le nombre de musiciens et de femmes choristes requis par l’administration pour obtenir l’autorisation de voyager à l’étranger. Parallèlement, ils organisent dans une villa un concert de soutien pour financer l’achat des visas.
Sans vous en dire plus, le film finira dramatiquement.
Sans compter la lumière, le montage vraiment réussi, Les chats persans possèdent de grande qualité narratives.
Tout d’abord, les personnages sont bien campés, très crédibles. Le manager à moitié mythomane mais qui revend sans rien dire sa moto pour payer des frais, la jeune chanteuse qui fait son repassage en attendant le concert, les adolescents qui se sont construits une cabane sur le toit de leur immeuble, décoré des photos des Beatles, qui leur sert pour répéter lorsque les voisins d’en face sont absents, le producteur aussi surprenant et émouvant chanteur de blues composent un film surprenant et parfois drôle.
Le réalisateur, qui a aussi coécrit le scénario, a su habillement trouver comment montrer la répression. Ainsi les adolescents qui se sont construits une cabane sur le toit de leur immeuble voient régulièrement la police débarquer et leur donner une amende. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’un jeune gamin de l’immeuble qui s’ennuie appelle tout le temps les flics… Evocation parfaite de l’ambiance de délation, d’appel aux bonnes mœurs islamiques que tentent de faire régner le pouvoir politique sur l’Iran, sans grand succès visiblement dans la sphère privée, du moins en ville.
Autre scène, plus dur celle-ci mais subtilement filmée, un contrôle routier, banal à souhait en Iran, où d‘invisibles gardiens de la Révolution arrête la chanteurs du groupe en voiture. Le délit n’a rien de routier. La jeune femme a tout simplement son petit chien avec elle. Et vous n’êtes pas sans savoir, qu’en théorie, l’Islam considère le chien comme un animal impur. Il n’en suffira pas plus pour qu’on lui ordonne de faire examiner son chien, qu’elle passe par la fenêtre. Tout va alors très vite. Elle crie, l’on comprend que les gardiens de la Révolution partent avec le chien…
La scène s’arrête là, brutalement. Que deviendra le chien, nous ne le saurons pas. Petite angoisse certes, mais qui courra tout du long dur restant du film, annonçant la fin dramatique.
Fondamentalement, Les chats persans repose pour moi sur trois forces extraordinaires. D’abord l’absence des parents, totalement absents ; il y a des adultes, managers, producteurs mais c’est bien tout. Nous sommes pleinement avec ces adolescents, ces jeunes adultes, aux prises avec la société où ils vivent. Les parents ne font que donner de l’argent de poche, une voiture, parfois un emploi bien utile.
Ensuite sur la place réellement laissée à la musique. Nous avons droit à une répétition entière de hard-rock dans une grange à côté des vaches, au clip entier de rapp, au concert clandestin dans un appartement de deux chanteuses et joueuses de tambours. Et c’est un vrai plaisir, une vraie jouissance cinématographique, balayant tout sur son passage.
Enfin et surtout, la justesse sociale du film. Ces jeunes gens ne sont absolument pas politisés. Ce sont justes des gamins des classes moyennes, des citadins éveillés qui luttent contre le système politico-religieux, forcés et contraint, pour simplement pouvoir jouer la musique qu‘ils aiment, qu‘elle soit d‘inspiration occidentale ou plus iranienne. Puisque cela leur est interdit. Ils font partie de celles et ceux qui sont descendus dans la rue il y a peu pour protester contre les élections volés et qui ont été tués, arrêtés, mis en prison, torturés sur ordre du gouvernement.
Les chats persans, ou l’Iran d’aujourd’hui et sans doute de demain, où ce n’est décidément pas la fête pour la musique.
Gulzar