Bonjour à toutes et à tous.
Courte chronique cinéma aujourd'hui, avec un film d'horreur au ton singulier, Nouvelle Cuisine, de Fruit Chan, sorti en 2006. Fruit Chan est réalisateur Hongkongais, cela a son importance.
Le film revisite avec goût le thème ancien de lutte contre la vieillesse, cette fois-ci non par le sang, mais par la consommation de raviolis, dont la viande provient de foetus humain, que la cuisinière clandestine ramène de Chine pour ses riches clients de Honk-Kong, en l'occurence une ancienne actrice de feuilletons qui souhaite rajeunir pour reconquérir son mari et sa jeunesse perdue. Alors d'ailleurs qu'elle a à peine quarante ans...
Je ne vous en dit pas plus, pour ne pas gâcher votre plaisir si vous n'avez pas encore visionné ce film, délicatement filmé, sans effets gratuits. Sachez juste que la fin est je trouve bien écrite, avec une logique narrative qui ouvre sur un récit sans fin...
La force du film tient surtout dans son ancrage social, tant dans le lien économique et historique entre la Chine continentale et l'île d'Hong Kong, que dans les moeurs humaines universelles. Le scénario s'inspire des rumeurs, voir de la réalité, de ventes d'organes humains de prisonniers condamnés à mort et exécutés, de la formidable envie des chinois de pouvoir avoir un passeport pour Hong Kong après les années 60 tragiques, tandis qu'aujourd'hui, la Chine prend sa revanche économique.
Ainsi que la rigoureuse politique de l'enfant unique, qui provoque de nombreux avortements en Chine continentale, d'où une source d'approvisonnement facile en foetus pour notre cuisinière clandestine.
Esthétiquement, ce lien entre deux communautés aux liens si forts s'exprime par l'usage répété du travelling, souvent entre deux pièces, deux endroits. La lumière est formidable, comme dans nombre de films asiatiques.
La différence architecturale entre les suites d'hôtels de luxe, la villa somptueuse du couple qui ne veut pas vieillir, et les immeubles dégradés où réside la cuisinière clandestine, exprime simplement la différence sociale entre les personnages, sans que d'ailleurs cela se retrouve dans leurs rapports.
Celle qui quémande n'est pas celle que l'on croit. L'une croit acheter un rêve possible, l'autre le vend à son profit.
D'ailleurs, le film est intéressant aussi sur un point, est-ce vraiment possible de rajeunir en mangeant de la vie intra-utérine ? Va-t-on vraiment assister à un rajeunissement de la cliente, ou pas ? Est-ce une métaphore de tout le branle-bas de combat technico-médical actuel pour lutter contre le vieillissement, ou bien la prolongation de rites ancestraux ?
Nouvelle cuisine aborde aussi franchement les terribles histoires de cannibalisme d'enfants par les adultes en Chine durant de grandes et longues famines au cours des derniers siècles, qui ne font que rendre cynique et horrifique la consommation de foetus par de riches Hong Kongaises, pour un usage futile.
Sans être un spécialiste ou un grand amoureux du genre, il me semble que Nouvelle cuisine renouvelle le genre horrifique, en tout cas en offre un usage culinaire troublant car complétement ancré dans la vie réelle. L'on ne peut s'empêcher de penser à d'autres films, comme La grande bouffe de Marco Ferreri, qui lui aussi a comme base narrative la nourriture mêlée à la sexualité, à la peur de mourir.
La nouvelle cuisine n'est donc désormais plus seulement un mouvement culinaire français, mais un film à voir.
Gulzar