Bonsoir à toutes et tous !
Chronique enthousiaste ce soir pour un film que je viens juste de voir dans une toute petite salle, tenue par des passionné(e)s de bons films !
Il s'agit de Tabu, dernier film de Murnau, réalisateur allemand du temps du muet, émigré aux USA. Le film est disponible chez MK2 en dvd...
Tabu est tourné en polynésie française, avec des acteurs locaux, des amateurs. Il raconte l'histoire de deux jeunes gens amoureux. La jeune fille est choisie comme prêtresse sacrée par le sorcier, et doit donc rester vierge. Elle est déclarée "tabou", et tout homme qui la ravira sera menacé de mort...
Le couple s'enfuit sur une autre île, où le jeune homme devient pêcheur de perles au profit des occidentaux, brisant la tradition et poursuivi par le sorcier...
Le film, divisé en deux parties, "le paradis" suivi du "paradis perdu", qui commence après la fuite, est bien filmé, bien monté, sans l'aide de panneaux dialogués. Seules des panneaux explicatifs nous aident à comprendre la tradition. J'ai déjà visionner deux fois L'aurore, film magnifique aussi, et à nouveau rien n'est en trop, rien n'est inutile, tout est documenté, la narration coule de source, avec une fin qui suit la logique humaine.
C'est d'abord ce que je perçois de Murnau. Il ne me semble pas très préoccupé de faire une fin optimiste ou pessimiste, mais plutôt une fin qui est l'aboutissement d'une logique interne au film, développée tout du long de l'histoire. C'est très intéressant à ressentir !
Murnau, un peu comme Stanley Kubrick, fusionne complétement l'art de raconter une histoire universel et un grand souci esthétique. Tabu est vraiment un film à voir pour sa modernité, son humanité, son souci de véracité historique qui vient appuyer une histoire d'amour impossible...
Le film est déjà multiculturel. Dans cette polynésie du début du 20ème siècle se mêlent les polynésiens bien sûr, mais aussi le colonisateur français sous forme d'un fonctionnaire corruptible, le navigateur anglais, les commerçant français et chinois qui escroquent le polynésien, peu au fait du système de l'argent...
D'ailleurs, dans sa logique narrative irréprochable, Murnau commence le film par l'essentiel, sans quoi la vie n'est pas possible en polynésie, la pêche !
Surtout, rien n'est naïf, tout est vu du point de vue polynésien. L'habillement, les colliers de fleurs, les danses, les praos, ne sont pas exotiques mais vont de soi. L'histoire universelle, qui pourrait être japonaise ou berbère, contribue à nous rendre les personnages proches de nous. Même les petits cochons qui servent d'animaux de compagnie, l'équivalent des chiens, finissent par ne plus surprendre !
Ce mélange d'esthétique du cinéma allemand du début du 20ème siècle et du monde polynésien est vraiment surprenant, envoûtant. J'adore découvrir des films muets qui s'éloignent de la comédie, telle celle de Chaplin ou Keaton. ces films nous donnent une vue plus réaliste du cinéma muet, nous offrent des histoires formidables, d'une rare puissance narrative.
A bientôt, avec un prochain film !
Gulzar