Bonjour à toutes et à tous.
Courte réflexion aujourd’hui à propos de l‘image animée, qui m’est venu lors de mes recherches habituelles sur les thématiques SF qui nourrissent mes textes. Intuition serait d’ailleurs plus juste, car je ne suis pas vraiment certain d’avoir raison, à vrai dire.
Pourquoi donc l’image animée, du cinéma mais surtout l’image télévisuelle, fascine autant l’être humain, et au-delà d’une fascination parfois réjouissante, ne parvient-il que très difficilement à l’appréhender, à douter de sa véracité et de l’honnêteté de celles et ceux qui la fabrique ?
En clair, le cinéma et la série télévisée, la fiction donc, reste de l’ordre de la cérémonie, d’un moment à part. Nous savons dès l’enfance, pour peu que l’on veuille bien nous l’expliquer, la différence entre la réalité, le monde physique, et l’image fictionnelle.
Par contre, il n’en est pas de même pour l’image télévisuelle censée représenter la réalité, qu’il semble bien difficile à mettre en doute. Cette distanciation nécessaire pour ne pas finir idiot dans ce flot incessant sur les écrans, les tablettes, les portables, les caisses de supermarché, les gares, les bars, relèvent d’une éducation, d’un effort, d’une chance sans doute peu accessible à une majorité de l’espèce humaine.
L’image animée sans but fictionnelle assumée est partout, au service de qui, de quoi ? La duperie ultime consistant depuis longtemps à faire croire que le journal d’actualité télévisé est le reflet le plus exacte possible de la fameuse réalité, mieux même qu’il se veut objectif.
Pour avoir totalement arrêté de regarder tous programmes télévisuels depuis longtemps, la vie d’auteur de SF demande certaines exigences, je reste stupéfait par l’infantilisation, la perte de contact avec le réel que prodigue allègrement une bonne partie de la production industrielle d’imagerie télévisuelle.
Et c’est là que l’interrogation majeure arrive. Pourquoi une telle incompréhension parmi la population de l’effet de l’imagerie télévisuelle, hors fiction je le répète bien ? Évidemment, des explications tout à fait crédibles existent, le manque d‘éducation culturelle, le besoin de se distraire sans effort après une rude journée de travail, la difficulté de nombre de parents à élever leurs enfants et préférant les mettre devant la fameuse télé, nouvelle lampe d’Aladin, le mépris et l’ignorance des choses intelligentes.
Toutefois, ces justifications ne me satisfont pas véritablement. Il me semble qu’il y a à chercher plus en amont. En effet, si j’insulte quelqu’un, il va se rebeller, contrer mes insultes. Si je vole un commerçant, il va me courir après. Si je mens, j’encours une réprimande. Et pourtant, si j’insulte des personnes et leur intégrité morale, si je mens effrontément par l’imagerie télévisuelle, si je cause du tort à autrui, il n’y a pas de réactions véritables. Pourquoi ?
En premier lieu, il y a cette distanciation géographique. Celles et ceux qui causent dans le poste sont inaccessibles, inatteignables. On ne peut répliquer à des fantômes, drapés dans leur célébrité.
En second lieu, et c’est mon hypothèse, ma sensation, c’est que l’espèce humaine n’est tout simplement pas adaptée pour percevoir correctement les images animées. Cette technologie est si récente, si en dehors de tout phénomène naturel que nous sommes démunis face à ce déferlement de sensations que notre cerveau ne sait vraiment analyser et traiter.
Quand un taureau nous fonce dessus dans un champ, nous ne l’acceptons pas, par une saine peur du danger, et nous fuyons.
Quand nous subissons l’assaut d’images mensongères, nous ne fuyons pas, pas en masse en tout cas, alors que nous devrions refuser abruptement cette agression inacceptable de médiocrité, ce mensonge. Peu de gens n’ont aucun poste de télévision chez eux et choisissent soigneusement ce qu’ils regardent.
Nous sommes et resterons pour très longtemps une espèce animal, malgré toute l’espérance de rêveurs scientistes, adapté à un environnement naturel, où l’image animée émergeant d’un monde lui-même animé par le vent, les animaux, la végétation n’existe pas. Dans la Nature, il n’y a qu’une seule réalité, pas deux, ou trois. Nous ne pouvons donc qu’en traiter une seule à la fois.
Pour l’espèce humaine, tout est réel, même ce qui est faux.
Notre cerveau est certes adapté, façonné même par le langage et le dessin, qui ont accompagnés tous deux très tôt l’humanité, qu’elle soit nomade ou sédentaire. Nous sommes faits d'abord pour un monde physique, certes par la vision, mais aussi par le toucher, le goût, l'odorat.
C'est pour cela qu'il est fortement déconseillé par le corps médical, par les études scientifiques et le bon sens de mettre un bébé, un jeune enfant devant le poste de télévision. Son cerveau en train de se former est incapable de ressentir l'image correctement, d'en tirer un apprentissage en quoi que ce soit utile pour sa vie d'adulte. Deux ans et demi, trois ans est la limite où l'enfant commence à pouvoir apprécier l'image, et encore durant un court moment qui ne va guère au-delà d'une demi-heure.
Je sais qu'il existe plusieurs chaînes télévisuelles anglo-saxonnes pour les bébés, proposant des émissions, des flux d'images plutôt, simplifiés à l'extrême, censée participer à l'éducation enfantine. Il était question de les interdire ou de restreindre leur diffusion en France, car constituant un danger de santé publique. Un bébé qui regarde de l'image télévisuelle à forte dose quotidienne, au lieu d'entrer corporellement en contact avec le monde, dépérit, subit des manque cérébraux en terme de développement intellectuel, relationnel et cognitif.
Surtout, leur vraie et terrible vocation est de soulager les parents débordés ou incapables d'élever un enfant, de remplacer l'humain par l'image. Un jeune enfant peut très bien regarder de tant à autre, voir régulièrement des émissions qui lui sont destinées, mais avec un adulte qui pourra expliquer, partager avec lui ses émotions.
L’image animée est une étrangère, une invention technologique qui demande d’être instruit(e) et d’avoir le mode d’emploi pour comprendre sa nature profonde.
J’en veux pour preuve édifiante une anecdote racontée par Jean-Claude Carrière, immense scénariste, qu’il tenait de Luis Bunuel. En Espagne, au début du 20ème siècle, et donc du tout début du cinéma muet, en plus du pianiste ou des musiciens qui jouaient en direct la musique des films projetés, un homme se tenait à côté de l’écran avec une grande baguette. Que faisait-il là ? Tout simplement pour expliquer l’histoire aux spectateurs ignorant des codes cinématographiques et dépassés par ce qu‘ils voyaient à l‘écran.
Exemple, un homme regarde par la fenêtre, il est heureux. Second plan, on voit passer une jeune femme aux bras d’un homme, le couple paraît amoureux. Troisième plan, l’homme à la fenêtre est très triste. Évidemment, il s’agit du mari ou d’un amoureux éconduit, qui surprend la femme qu’il aime avec un autre homme.
Et bien, ce montage qui nous paraît très compréhensible, classique même, n’était pas compris encore à l’époque. Ce qui n’a rien d’étonnant. Les spectateurs devaient tout simplement apprendre le langage cinématographique, inconnu, n’ayant rien à voir avec la peinture, le théâtre ou l’opéra.
L’humanité a fini par apprendre les principaux codes fictionnels de l’image animée, très rapidement d‘ailleurs, mais pas encore ceux de l’autre type d’image animée, celle qui prétend retranscrire la réalité et qui conserve obstinément son statut d‘objet magique. L’effort d’éducation est insuffisant, ne touche qu’une partie trop faible de la population, restant sans défense face au taureau télévisuel.
Et sans défense, on peut être blessé, tuer même. L’image télévisuelle est une arme, je ne vous apprends rien.
En tant qu’espèce, nous n’avons pas encore compris que l’image animée n’est pas la réalité, ne le sera jamais. Il est pourtant plus que temps.
Gulzar
Annexe sur les chaînes TV pour bébés
Extrait du blog de jean-Marc Morandini, animateur radio et télé :
"La chaîne BabyFirst, destinée aux enfants de six mois à trois ans, sera lancée en France le 16 octobre sur CanalSat et proposera des programmes conçus spécifiquement pour cette tranche d'âge, sans publicité, ont annoncé mardi au Mipcom ses dirigeants.
Sur BabyFirst, disponible dans le pack famille de CanalSat, les programmes sont très courts (2 à 7 minutes), les couleurs vives, les mouvements plus lents et les images simples, afin de capter l'attention des petits. Elle diffuse 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
"C'est l'outil ludo-éducatif que les parents attendaient", a assuré Sharon Rechter, co-fondatrice de BabyFirst. Les tout petits regardent le plus souvent une télévision destinée à leurs aînés, et BabyFirst leur offre "un environnement sûr et positif", a-t-elle expliqué.
L'enfant pourra ainsi "apprivoiser les chiffres", "appréhender les signes et les mots", "s'intéresser au monde qui l'entoure", selon le dossier de presse. BabyFirst veut également "sensibiliser les enfants à l'amitié et à l'altruisme" et les "aider à s'endormir avec des berceuses et des images réconfortantes".
La chaîne s'est dotée d'un conseil d'orientation, où siègent "des experts de la petite enfance" et Marc Tessier, l'ancien président de France Télévisions, ont indiqué ses dirigeants. Les abonnés se verront remettre un "Guide des parents" pour "enrichir cette expérience télévisuelle".
BabyFirst, créée en 2004 aux Etats-Unis, existe dans 28 pays. Les programmes sont pour la plupart semblables d'un pays à l'autre mais les comptines et les musiques sont adaptées selon les pays. BabyFirst France émet de Grande-Bretagne."
A lire aussi sur le sujet, des avis guères enthousiastes :
http://www.collectifciem.org/articletelebebes
rue89.com/babyfirst-une-chaine-de-tele-pour-les-moins-de-3-ans