Bonjour à toutes et à tous.
Chronique livre aujourd’hui, avec un court et pertinent livre de vulgarisation, La baignoire d’Archimède, aux Éditions Points Sciences, écrit à quatre mains par Swen Ortoli, docteur en physique des solides et créateur de Science& Vie junior, et Nicolas Witkoswki, écrivain et éditeur.
Vulgarisation donc, c’est bien le propos. Car ce recueil de courts textes raconte la naissance des mythes scientifiques qui relient les sciences au grand public. Bien souvent, s’ils n’ont pas eu la possibilité de faire des longues études ou même le lycée, s’ils n’ont pas du goût pour les Sciences, c’est bien tout ce qui constitue la représentation du domaine scientifique pour nombre de citoyens.
J’en ai retrouvé que je connaissais, ou croyais connaître, j’en ai découvert d’autres. Tour à tour, la baignoire d’Archimède, les meubles de Bernard Palissy, la pomme de Newton, le chaînon manquant, le tableau de Mendeleïev, E=mc2, le chat de Schrödinger, le Big Bang, les trous noirs reprennent leur sens originel.
Rien n’est gratuit, rien n‘arrive pas hasard. Remettre ces mythes dans leur véritable contexte historique, même s’il est parfois de connaître leur exacte naissance, permet non de les renier ou de les mépriser, mais d’en savourer la pertinence, la force, la durabilité, l’utilité enfin.
La grande force aussi de ce court ouvrage de 158 pages, soyons précis, est de relier ces mythes au cinéma, à l’économie, la politique, qui savent à merveille s’emparer de ces mythes pour leur donner une ampleur sociale, les transformer à l'occasion ; voir pire, les créer de toutes pièces, avec un succès pas forcément au rendez-vous.
Car le mythe, comme le distinguent les auteurs, n’est pas une légende ou un conte. Un mythe par définition est basé sur une réalité physique, sur un fait historique réel.
Ensuite se fait le travail de mythification, qui répond à divers formes d’intérêt et peut conduire à n’en pas douter à la mystification, comme dans le cas du chaînon manquant entre le singe et le premier humain, que l’on a trouvé à plusieurs reprises, notamment en Angleterre industrielle et triomphante du 9ème siècle, forcément lieu de la naissance de l’Humanité… Le fameux crâne de Piltdown n’était qu’un faux.
C’est une loi inflexible semble-t-il. Toute idée, toute production humaine est déformée par le temps, par le moulinage médiatique et la vox populi.
Un exemple frappant me revient de mes cours de littérature française, le Romantisme. Devenu sirupeux, synonyme de douceur et de doux baisers, il s’agissait en réalité au 19ème siècle de traiter de la violence extrême des sentiments, pas du tout de mièvrerie rosâtre. Un affreux complot a renié les origines de ce mot pour le transformer en argument de vente de tout et n’importe quoi…
Pour avoir lu un livre de l’un des astronomes physiciens des années ayant œuvré sur les trous noirs, j’ai retrouvé dans l’article de La baignoire d’Archimède consacré à cette invention de la physique relativiste la même fascination pour la fabrication de ce mot "trou noir", qui obsède désormais le grand public, au point d’avoir peur d’en voir naître dans l’accélérateur du CERN et dévorer la Terre, en commençant par la Suisse…
Fabrication est le bon mot pour rendre compte du souhait du physicien John Archibald Wheeler de toucher un vaste public. Il a consacré plusieurs semaines à trouver ce fameux mot dans les années 70 je crois.
Rappelons qu’auparavant un trou noir s’appelait une singularité, mot qu’à titre personnel je trouve tout aussi beau et mystérieux. Une chose singulière, défiant les lois ordinaires de la relativité…
Mais "trou noir" fait penser à un puits sans fond, à l’obscurité, à l’absence tragique de lumière. Deux mots d’une grande simplicité, qui accolés vont en constituer un nouveau, d’une rare force littéraire, puis médiatique.
Toutefois, le mot n’est pas la réalité, pour peu que cette dernière existe de manière définitive et observable sans en déformer la substance. La Physique n’est pas la réalité physique, c’est son étude, sa représentation mathématique et conceptuelle, parfois utilisable matériellement.
C’est un principe à ne jamais oublier, même lorsque l’on traite par la fiction la Science.
Au final, ce petit livre est fort salutaire pour tout le monde, auteur de SF comme citoyen(ne)s. Il nous permet de mieux comprendre la naissance et l’usage des mythes scientifiques, qui fonctionnent à priori à peu près comme d’autres mythes, avec le souci de rassurer par une explication, un mot qui à lui seul englobe tout un pan d’Histoire, de Savoir, inaccessible aux communs des mortels.
Un mot pour simplifier à l’extrême la complexité du vaste univers, nous confiner dans notre ignorance ou allumer notre curiosité ?
Gulzar