Bonjour à toutes et à tous !
Je vais à présent entreprendre de vous parler d'un livre que je n'ai pas lu..! Mais il me semble intéressant de le signaler pour le moins.
Il s'agit de Total Recall de Gordon Bell et Jim Gemmell, aux éditions Flammarion, ouvrage qui vient de sortir en librairie.
Gordon Bell, chercheur qui gravite dans l'orbite de Microsoft, fait là oeuvre de prédiction de notre futur vie numérique. Prenant comme hypothèse la baisse constante des prix des mémoires, de l'amélioration et de la miniaturisation des capteurs de toutes sortes, il pense qu'il sera très bientôt possible à un être humain d'enregistrer sa vie entière sous une forme numérique accessible à lui, à sa descendance ! Une forme de journal intime poussé au paroxysme, qui bien entendu poserait des problèmes existentiels, juridiques, philosophiques assez inédits.
Personnellement, Gordon Bell aurait lui aussi commencé à enregistrer sur disque dur, scanner tous ses écrits, tout ce qu'il mange (je suppose les emballages, les facturettes...), ce qu'il voit...
Est-ce effrayant, jubilatoire, réaliste, grotesque ? Quel est surtout l'objectif de cette démarche qui finalement ne paraît pas si folle technologiquement, d'où sans doute l'intérêt du livre ?
Dans l'esprit de ses "visionnaires", le "Total Recall", ou "mémoire totale" en français, permettrait d'objectiver notre vie... D'obtenir une meilleure productivité (de quoi ?), une espérance de vie accrue (comment ?), une forme d'immortalité sur Terre (nous y voilà !)...
Cette idée d'une vie mémorisée (images, sons, relevés corporels, etc...) relève sans doute de l'idéologie développé depuis quelques temps dans le monde anglo-saxon mais qui se diffuse un peu partout, de "L'Homme Amélioré ou Augmenté", technologiquement s'entend.
Ce qui est troublant reste aussi cette volonté d'accumulation, de tout garder, tout concerver, comme si la vie n'était plus un passage, un flux, mais une montagne de données... Car il ne s'agit pas là de la volonté des bibliothécaires de la Grande Bibliothèque d'Alexandrie et de ses suivantes d'archiver le savoir humain, les livres essentiels, mais la vie de tout à chacun, la banalité absolue...
Il est bien agréable, nécessaire de se savoir utile. De là à conserver nos vies pour les générations futures... Sommes-nous donc tous des chefs-d'oeuvres en péril qu'il faudrait sauver, garder trace ? Si tel est le cas, alors effectivement, le sens de l'Humanité va changer ! Fini le collectif, vive l'individu !
Alors, il convient d'être un peu honnête intellectuellement. Cette volonté d'accumulation frôlant l'absurde n'a pas attendu l'apparition du numérique pour exister. Sans parler de collectionnite aigüe de particuliers, L'INA conserve des dizaines de milliers d'heures de programmes audiovisuelles dont on peut douter de leur importance... La Bibliothèque de France conserve en théorie tout ce qui est édité, mais au nom de quelle logique ? Pourquoi tout garder en un seul endroit ? Certes, cela intéresse les historiens, mais c'est bien tout...
L'invention de la photographie argentique, puis numérique, du cinéma amateur Super 8 puis vidéo, nous a permis de garder des traces inédites de nos proches, de nous les rendre encore étrangement présents même décédés.
Les partisans d'une mémorisation totale, parfaite, de nos vies n'ont donc pas "inventé" cette tendance de conservation d'instants de vie, d'accumulation de traces. Ils la prolongent, l'emmène vers une perfection, un absolu, une folie peut-être... Surtout, me semble-t-il, ils changent la notion même de Culture, d'échange entre les êtres humains.
Alors faut-il lire Total Recall ? Pas forcément nécessaire, mais en tous cas, il faut bien savoir que les puissances créatrices d'informatique, de numérique crèent notre monde de demain, du moins une large partie, sans trop nous demander notre avis...
Surtout, la fascination qu'exerce le numérique et ses possibilités dantesques sur le commun des mortels nous empêchent de bien réfléchir, de parvenir à définir un objectif de développement maîtrisé, un refus également de certaines possibilités.
Le numérique n'aura rien de démocratique, soyons-en sûr. L'important surtout est de ne pas calquer nos vieilles représentations de dictatures avec militaires et chars d'assaut sur un mode de contrôle qui a dépassé cela depuis bien longtemps...
Oh, bien sûr, il nous restera la possibilté de ne pas acheter tous ce fatras numérique... Mais qui va résister à la tentation, à la pression sociale, avec quelle mode de pensée ?
Gulzar
Pour en savoir plus, un excellent blog tenu par un journaliste, Sur mon écran radar !
http://monecranradar.blogspot.com/2011/01/total-recall-votre-vie-numerisee-pour.html