Bonjour à toutes et à tous !
Aujourd'hui, je vous propose de plonger dans l'univers complexe et stupéfiant de Leiji Matsumoto, le créateur de la plus célèbre de ses oeuvres, Albator, du moins pour le grand public européen. Un amoureux de la SF ne peut passer à côté de ses séries et films, au graphisme original et à la narration parfois naïve, ce sont des oeuvres destinées aussi aux enfants il ne faut pas l'oublier, mais aussi d'une rare force par ses thèmes humanistes et technologiques.
Je vous écrirai d'ailleurs bientôt une chronique sur la série Albator 78, première du nom, mais commençons par deux dvd de moyen métrage de 40mn approximativement vendus ensemble actuellement à un prix raisonnable, Maetel Legend, de 2002, et Fire Force DNA sights 999.9, de 1998 !
En quelque sorte, ces deux histoires racontent l'origine de personnages importants de la Série Albator et de la série Galaxy Express 999, qui existe toutes deux en série animé et en manga. Je suis d'ailleurs en train d'acquérir et de lire Galaxy Express 999, 21 tomes passionnants, là encore une futur longue chronique en prévision pour 2011 !
Commençons par Maetel Legend... Nous sommes sur une planète perdue dans l'espace, échappée de son orbite, sans plus de soleil pour la réchauffer. Le peuple meurt de faim, dans le froid et la neige... Suivant les conseils d'un éminent savant, la reine décide de robotiser son corps, le rendant ainsi insensible aux tourments du corps biologique. Le peuple entier suivra... Mais ses deux filles refusent, désirant farouchement conserver leurs propres corps. Bien leur en prend ! Le savant n'a pour idée que de robotiser le peuple entier, tandis que la reine désespérée voit son corps se transformer...
Au-delà de trouvailles esthétiques toujours aussi pertinentes, du décorum propre à toute son oeuvre, notamment ces fameux cadrans omniprésents, le film aborde de grands thèmes,
Le premier est donc cette transformation du corps humain en robot, avec une technologie effrayante, proche des nanos technologies. Tout l'intérêt narratif vient que la raison de cette transformation est crédible, échapper à la famine. Au départ, nous ne sommes pas dans un délire d'un "quelconque fou", mais dans l'utilisation d'une technologie possible, rationnelle, suivant une logique en apparence salvatrice mais entraînant un changement brutal de statut de l'être humain.
L'analyse politique est là d'une rare lucidité ! Car sauver le peuple consiste comme toujours à le conformer, ici sous une forme ultime robotisé. Certaines scènes terribles se rapprochent d'ailleurs d'images de la Soah. Tels ces milliers de corps robotisés entassé, sortant de la chaîne de transformation, ces rats qui dévorent les corps biologiques devenus inutiles...
Le second thème majeur est celui du pouvoir politique, l'aveuglement que peut procurer le pouvoir absolu, ici une reine et un scientifique, Peut importe finalement si la personne qui l'exerce est pervers ou non, agit pour de bonnes raisons ou non. La catastrophe arrivera tout de même, de part la nature même du pouvoir, une réduction du peuple, des individus à une abstraction, une chose qui se doit d'obéir à une idéologie...
Y compris par le sacrifice de la Reine, qui se laisse convaincre de se robotiser pour donner l'exemple, montrer la voie à suivre au peuple... Matsumoto est là très intelligent. Le vrai pouvoir, sournois, totalitaire, oppressant, n'est pas le pouvoir politique, mais le pouvoir scientifique quasiment militarisé, qui manipule le pouvoir politique, simple instrument entre ses mains !
Sa vision du pouvoir est donc très juste. Il n'est pas là où on le montre au peuple... Le pouvoir se dissimule, se fait discret, se fabrique des paravents bien utiles pour fasciner et se faire obéir d'une population.
Voir éventuellement pour catalyser la fureur ou la haine du peuple sur les mauvais responsables en cas de révolte... Ce qui n'arrivera pas dans Maetel Legend, renforçant son aspect sombre, sans espoir...
Le plus terrible dans Maetel Legend est qu'il faut bien sauver le peuple de la famine, des grands froids ! La volonté de la Reine de perpétuer son peuple est noble, digne. Elle se dévoue, tout en l'entraînant dans une catastrophe aussi terrible que la famine, la robotisation totale d'un peuple entier... Et que le peuple comme la Reine se laisse robotiser sans protester, hormis les deux filles de la Reine...
Tout en conservant une rudesse des sentiments parfois manichéens, le moyen métrage aborde une ultime question. un humain peut-il exister en dehors de son corps ? S'il en change, que devient-il ? Qu'a-t-il de plus précieux qu'un assemblage de milliards de cellules ?
Fire Force DNA sights 999.9 lui nous ramène sur Terre, une Terre ravagé par la Comète Noire, qui disloqué a ravagé la surface de la planète. Les survivants tentent de reconstruire, sous la férule d'une dictature militaire. Survient une mystérieuse femme venue d'une lointaine planète qui a déviée la trajectoire de cette funeste comète. Elle rencontre un jeune homme qui a perdu sa mère lors du cataclysme.
Il découvre alors qu'avec une autre jeune femme et un mystérieux troisième être, il possède des pouvoirs spéciaux, une promesse d'une nouvelle Humanité. Seuls rescapés de la Comète Noire, habitants juste au bord du cratère, ils ont été influencés par la matière même de la Comète funeste...
Grâce à l'aide d'un vieux professeur de médecine et d'une infirmière alcoolique, en réalités membres de la résistance à la dictature militaire, notre jeune héros partira loin de la Terre, encore incapable d'accueillir une nouvelle ère, pour y revenir plus tard, après un long voyage...
Ce second moyen métrage est quelque peu moins sombre que le premier, notamment par le duo comique entre le vieux professeur et l'infirmière. Même si cette Terre ravagé par la Comète Noire est une métaphore du Japon après la seconde guerre mondiale, détruit, frappé par deux bombes atomiques. Matsumoto, comme d'autres manganas de sa génération, a connu cette époque, en a souffert. Cela se retranscrit souvent dans leurs oeuvres.
Là encore, nous allons de surprises en surprises, rien n'est jamais simple... La chef de la dictature militaire dirigeant le restant d'Humanité n'est autre qu'une habitante de la même planète ayant déviée la Comète Noire vers la Terre ! Nous nous poserons la question tout du long du film, cet incident était-il involontaire, ou volontaire afin d'envahir la Terre ? Nous ne le saurons pas...
Matsumoto se permet aussi de faire du troisième être aux pouvoirs surhumains une vraie surprise ! Je ne vous la révèle pas, afin de ne pas gâcher votre plaisir.
Autre conséquence de l'arrivée de la Comète Noire, et belle invention graphique, un nouvelle espèce intelligente apparaît, le peuple du manteau. celui-ci vit sous la surface de la Terre, entre magma et surface.
Pour qui pencheront-ils ? Sont-ils à même de comprendre tous les enjeux humains, si différents par leur forme glaiseuse ?
Enfin, pour finir, la maison du vieux professeur se transforme en vaisseau spatial ! mais il n'y a rien là que de très normal après tout...
Le combat se résume finalement entre deux étrangères, l'Humanité étant prise entre deux feux, réduits à l'état de pions sur un échiquier trop grand pour elle... Cette Comète Noire symbolise le destin, la destinée hasardeuse d'humains, toujours à la merci d'une guerre, d'un cataclysme naturel, typhon, tremblement de terre, de l'envahissement par des étrangers...
Ces deux femmes, deux soeurs peut-être, sont la métaphore des USA occupant le Japon, bons et mauvais à la fois, détruisant un ordre ancien pour en créer un nouveau au beau milieu de villes détruites... Sauf que dans le film, la Terre est innocente, simple victime d'un enjeu qui la dépasse. Alors que la Japon militarisé est quelque peu responsable, coupable, de son sort par sa très violente colonisation de l'Asie...
Dernier petit reproche sur la narration, l'arrivée inopinée d'Albator, qui à la surprise générale vient sauver nos trois héros à la toute fin du film ! C'est un peu trop ! Mais bon, quand on aime comme moi énormément le travail de Matsumoto, on pardonne tout, sachant son art du recyclage de ses personnages !
Pour les passionné(e)s de Matsumoto, ces deux moyens métrages sont un vrai plaisir, une découverte d'une excroissance de son oeuvre protéiforme.
Je vous parlerai dans un prochain article plus précisément du dessin même de Matsumoto, qui évidemment influence grandement ses histoires. Notamment des femmes qui semblent toutes se ressembler, ne faire qu'une...
Gulzar
Petit précis sur notre grand maître sur :
http://www.captainherlock.tv/dvd/dvd_leiji_matsumoto.php