20 avril
Je viens de lire quelques pages de Sous le vent du monde, premier tome des cinq romans préhistorique de Pierre Pelot, assisté d’Yves Coppens, paléontologue, découvreur entre autre de Lucy, abusivement nommée mère de l‘Humanité.
Puis je me suis arrêté.
Je lisais en effet à peine de la littérature, mais bien plus une thèse scientifique romancée, une illustration des dernières avancées scientifiques.
Un documentaire par l’écrit.
Cette lecture rébarbative à mon goût m’a grandement confirmé dans mes propres choix littéraires pour mon récit préhistorique.
J’admire les écrits de Science-fiction de Pierre Pelot, notamment Delirium circus. Mais avec ces romans préhistoriques, impossible de retrouver son imagination, prisonnier qu’il semble être d’une vérité scientifique non plus seulement à respecter mais qui constitue le fondement, la raison d’être de ces romans.
Bien sûr, il y a des bonnes pages, de bonnes scènes. C’est inévitable avec Pierre Pelot.
Par contre, que d’absurdité dans ces noms incongrus de personnages, censés faire « préhistorique », dans les dialogues fait de mots inconnus.
Pour être exotique, c’est exotique. Certainement, ces sonorités ont été plus ou moins tirés de l’examen des formes de la voûte palatine des crânes retrouvés. Certains logiciels recréent même en trois dimensions le larynx et à partir de là d’autres logiciels permettent d’obtenir les sons possibles d’être émis par nos lointains ancêtres.
D’où un langage soit disant « authentique ».
Ce souci de véracité scientifique, ou du moins une tentative de véracité, incorporé à une pseudo fiction donne le pire des résultats à mon sens, une mise à distance des personnages au lieu de nous les rendre plus proches.
Voir bien pire, ces mots, ce langage, les ridiculisent.
Autant dans les romans de Rosny Aîné, pris dans l’enthousiasme du style emphatique, des débuts de la Préhistoire comme science, les noms et dialogues exotiques passent bien ; autant dans l’œuvre de Pelot soumise à la véracité scientifique qui n’a rien à faire en fiction, cela passe mal.
Sous prétexte de faire « authentique », doit-on alors dans un roman abordant l’Algérie Française systématiquement traiter les personnages algériens de « sales bicots » ? Je vous laisse le soin de la réponse…
Cette question de la subordination ou de l’insubordination aux Sciences, à la Technoscience toute puissante, est fondamentale, pour un récit préhistorique comme d’anticipation. Et plus que de critiquer sévèrement ou de vanter avec flagornerie, il s’agit de savoir avec quel mode de pensée écrire.
Dans une publication scientifique, l’imagination doit être laissé de côté, ou alors se présenter clairement sous formes de conjonctures. Seuls les faits comptent.
Dans une fiction, la priorité doit être donné à la littérature, à l’imagination sur de prétendues vérités scientifiques qui seront remises en cause un jour prochain sans doute.
Un roman, bon ou moins bon, n’est lui jamais remis en cause. Il existe.
Surtout, un roman n’a pas à être écrit pour des spécialistes. Donner à instruire passe par autre chose qu’une romance scientifique.
Insoumission indispensable donc ; non plus à l’Eglise, non plus à la Royauté, non plus à l’Armée, mais à la Technoscience, notre nouveau Maître. J’écris de la fiction, je ne prétends aucunement être publié dans une revue de paléontologie. Je ne suis pas un scientifique mais un romancier.
Jamais aucun paléontologue n’écrira la moindre préface à mon récit préhistorique. Je n’ai pas besoin de ses services, de son autorisation, de sa caution morale. Je me débrouille très bien tout seul, merci.
À bientôt, Gulzar