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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 11:07

 Bonjour à toutes et à tous.

 

Le virtuel. Voilà un thème de SF qui est passé dans la vie courante, bien avant la fusée atomique ou le pistolet laser… A moins que cela ne soit l’inverse, les possibilités des ordinateurs influençant la littérature, ouvrant de nouvelles voies narratives. 

Pourtant, au-delà des romans de William Gibson, des mondes récréatifs des Mentaux de la Culture de Ian M. Banks, de films comme Summer wars, le trop peu connu Nirvana, la trilogie Matrix et les trois extraordinaires films d'après les mangas de Shirow Masamune Ghost in the shell I et II et Avalon réalisés par Mamoru Oshii, le virtuel reste bel et bien une notion encore très mystérieuse, un vaste territoire à explorer, exploration commencée avec le mythe de la caverne de Platon et ses ombres incertaines… Tant mieux certainement pour la fiction, qui n’en a pas encore finie avec cette thématique, mais qui devra pourtant un jour venir à la dépasser.

 

Alors pour les consommateurs actuels de numérique, le virtuel, c’est quoi ?

C’est d’abord du ridicule et du malaise.

En effet, voir s’agiter des gens à faire du ski, à jouer au tennis dans leur salon devant leur console de jeux vidéos au lieu de pratiquer réellement un sport tient du pitoyable, de la réduction de l’humain pour le coup à un pantin… Cette virtualité ne s’adresse qu’à des citadins overbookés n’ayant pas le temps de rien, à des gens que l’image, l’écran fascine.

Les plus malins économiseront trois ans pour se payer une semaine de ski véritable au grand air…

 

C’est ensuite une énorme déception fondamentale.

Jeux vidéos, cinéma 3D, mondes virtuels comme Second Life, tournent à la foire commerciale. Rien n’est nouveau. Rien n’est excitant ; rien n’est inventé. Tout n’est que reproduction fallacieuse d’une réalité fantasmée, propre, colorée, sympathique, nouvelle utopique hygiéniste. Un paradis nouveau, accessible sans grands efforts. Tout est expliqué, tout est conviviale. Certes, l’on peut changer de personnalité. Et alors ? Si c’est pour acheter la même paire de baskets ou la même voiture que vous auriez acheté en magasin, l’intérêt me semble quelque peu limité…

Rien à voir donc avec des œuvres d’art, du cinéma d’animation numérique, œuvres qui elles relèvent de l’imaginaire, pas de la bête reproduction d‘un comportement social.

 

Est-ce si étonnant d’ailleurs ? Voici la définition que donne le dictionnaire Larousse du mot virtuel. (du latin médiéval virtualis, de virtus, mérite, force). 1. Qui n’existe qu’en puissance et reste sans effet réel. 2. Qui concerne la simulation d’un environnement réel par des images de synthèse tridimensionnelles : Un monde virtuel (contr : réel). Des images virtuelles.

 

À la lecture de la seconde définition, l’on comprend mieux la pauvreté qu’entraîne le virtuel conçu ainsi. L‘établissement de mondes virtuels numériques ne s’opère que dans un cadre de grimage d’une réalité. Car l’objectif de ces mondes numérisés n’est pas tant de nous emmener ailleurs que de nous mentir sur le monde réel, physique sociale où nous vivons et mourrons, de l‘enjoliver, dans l‘espoir que la populace croit là trouver un nouvel opium du peuple.

Il s’agit de nous priver de nos corps, seul possibilité de ressentir véritablement le monde réel, la Nature. Le cerveau seul n’est rien.

Ces mondes virtuels sont un investissement dans l’avenir pour ceux qui les financent. Il ne s’agit en aucun cas d’un acte gratuit mais d’un nouveau moyen non de contrôle mais de l’établissement d’une fausse liberté, d'un exutoire payant qui remplacera avec cynisme toute tentative de libération des corps et des esprits.

Les caisses automatiques, les distributeurs de billets et de tickets, les cartables informatiques ne sont que du personnel virtuel, chassant ainsi impitoyablement l’Humain, supprimant en masse des emplois. En théorie même service offert, en pratique l’’habitude prise de côtoyer des écrans plutôt que nos semblables.

 

La première définition est également d’une grande justesse théorique. Théorie battue en brèche par la réalité sociale. La tentative de remplacer le monde physique par un monde désincarné se fait avec des objectifs peu avouables. Un compte bancaire, une déclaration d’impôts sur internet n’ont plus rien de virtuel. Ce sont devenus des objets légaux, reconnus juridiquement. L’absence de papier ne signifie aucunement là un autre monde, simplement des économies…

Economies qui peuvent aller très loin dans les techniques managériales par l’humiliation des employés. Pour preuve dans l’administration, dans nombres d’entreprises, l’usage de la photocopie estréduit à une pénurie savamment organisée, sous le vague prétexte de sauver les forêts… Les individus sont obligés de se battre pour avoir l’usage de l’unique photocopieuse autorisée par étage, l’achat d’une rammette A4 relève de l’exploit. Il faut quémander, supplier pour obtenir du papier. Ou bien alors imprimer soi-même avec son propre argent à l’extérieur de son lieu de travail, encore une économie réalisée pour l‘employeur public ou privé.

Pire encore, la hiérarchie refuse de parler désormais dans les couloirs, le matin en arrivant au travail, même au téléphone. Toute relation doit passer par le courriel, même avec un collègue dans le bureau d’à côté, comportement fréquent aujourd‘hui.

L’individu se retrouve seul, absolument seul, apeuré devant ce déferlement de déni relationnel, l‘absence de support visuel papier. L’employé de bureau travaille désormais les mains vides, ce qui est totalement nouveau pour l‘espèce humaine, habituée à manier l‘outil. C’est la réalité sociale de millions d’employés aujourd’hui, par l‘usage abusif et cruel du virtuel. Et cette immatérialité entraîne de graves dépressions, beaucoup ne s’adaptent pas.

 

Pour le coup, les petits Tamagotchis que les enfants devaient nourrir sous peine de les voir mourir relevaient du merveilleux. Cet apprentissage ludique du vivant et du mort à travers un animal imaginaire possédait la simplicité des contes pour enfants. Leur succès foudroyant dans le monde entier a sans doute été l’un des tous premiers mondes virtuels informatisés vraiment adoptés par l’Humanité en culottes courtes. Et quelques adultes aussi….

 

Fuyant l’utilisation mercantile, managériale de reproduction sans grande imagination d’une réalité physique en virtualité informatique, la Science Fiction à mon sens doit de se tenir éloignée du virtuel dans ses formes artistiques. Absolument. Sous peine alors de se réduire à portion congrue, à n’être qu’un vague artifice, prisonnier d’une obligation de divination du futur.

La SF, c’est l’échappée belle.

 

Certes, la fiction peut parfois se concevoir comme une forme de virtualité, du moins lorsqu’elle tente de nous restituer fidèlement une réalité vécue comme inaltérable, solide comme un roc, tel qu‘à pu l‘entreprendre Emile Zola ou John Steinbeck par exemple, à l‘instar de ces peintres hyperréalistes dont les tableaux sont impossibles à distinguer d‘une scène réelle. Malgré mon admiration pour ces grands auteurs, il ne me semble pas véritablement que l’on puisse résumer la littérature à une peinture fidèle d’une réalité bien réelle, du virtuel donc. Abe, Lovecraft, Pérec nous ont prouvé le contraire. Il n’y a même pas uniquement à chercher du côté des auteurs d’Anticipation.

 

Autre prison mental, nous en sommes réduits malgré nous à considérer que le virtuel n’est que numérique, qu’informatisé. L’usage de drogues, l’art de la conversation et du conte, le théâtre, trois modes opératoires ancestraux, permettent pourtant d’atteindre des mondes inaccessibles, inenvisageables. Mais s’agit-il là de virtuel ? Certes non, car c’est là l’imagination au pouvoir et non la reproduction d’un monde réel. 

Alors, existe-t-il d’autres formes de virtualités possibles ? L’Humanité inventera-t-elle une autre forme d’informatique, celle qualifiée de quantique par exemple ? Ou tout autre chose ? Voilà bien un domaine ou la SF peut partir en quête.

 

À côtoyer et analyser même sommairement, le seul virtuel proposé actuellement à l’Humanité n’a rien d’une imagination libératrice. L’art narratif se doit d’être une autre réalité, jamais une pâle copie du vrai faux vrai monde dans lequel nous vivons.

Minable artifice, le virtuel numérique vanté par les puissances économiques n’est pas un espoir, plutôt un abrutissement, un asservissement volontaire, un esseulement de l’individu, gage de réussite du contrôle social. Puisse-t-il un jour devenir divertissement pur, joie de la création.

Mais alors ce ne sera plus du virtuel, mais autre chose, encore à inventer. Une véritable révolution cette fois.

Gulzar

 

tomagotchi 2

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