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9 juillet 2011 6 09 /07 /juillet /2011 07:05

Bonjour à toutes et à tous.

Chronique littéraire aujourd’hui avec un très court roman de Clifford D. Simak, Le dernier cimetière, paru dans la collection Présence du futur, aux éditions Denoël en 1975. Je poursuis épisodiquement la lecture de l’œuvre de cet auteur, après avoir lu déjà à plusieurs reprises son fameux récit Demain les chiens

 

le dernier cimetiere simak


La terre ravagée par une terrible guerre opposants deux blocs, USA contre Russie, voit ses habitants survivants prendre la route des étoiles, se disperser dans la galaxie. Générant un important business, servant aussi de lien symbolique entre toutes ces communautés, la Terre est devenu un cimetière où les gens se font enterrer sur la planète originelle. Cimetière très bien entretenu, le restant de la planète bleue étant considérée comme un désert sans intérêt par la compagnie Terre Dernière.
Un opérateur de compositeur, machine intelligente capable de généré un spectacle complet, parvient à aller sur Terre pour y ramener une œuvre magistrale rendant compte de la terre telle qu’elle est, des millénaires après la fin du conflit destructeur.
En proie à l’hostilité de Terre Dernière qui craint pour son image de marque, découvrant la rudesse de la vie des humains vivants dans la Nature Sauvage ayant repris le dessus sur la pollution, la radioactivité, notre artiste s’enfonce plus en avant dans les ennuis…
Accompagné d’un robot millénaire, Elmer, de la machine compositeur nommée Bronco, de l’assistante d’un archéologue à la recherche de fabuleux vestiges enfouis dans l’Ohio sous une petite cabane, il va même remonter le temps puis avancer dans le lointain futur, grâce aux ombres qui hantent la Terre. Le trésor archéologique a été accumulé au fil des siècles par un représentant d’une mystérieuse civilisation dont il ne subsiste que quelques traces dans la galaxie.

L’on retrouve dans Le dernier cimetière la même capacité de Simak de prendre une hypothèse forte et structurante pour écrire son récit. Cette idée d’une Terre réduite à un cimetière pour riches, aux stèles bien alignées sur des étendues de pelouse, après avoir été un affreux cimetière de cadavres est vraiment frappante et sonne très juste.
L’idée aussi d’envoyer un artiste, enfin plutôt un assistant d’une machine artistique pose clairement la question de la représentation là d’une planète, mais qui est en fait celle d’une nation. Qui parviendra à vaincre, la puissance, ici économique et non plus politique, ou la sensibilité ? La simple idée qu’une œuvre raconte la réalité amène la Compagnie Terre Dernière aux dernières extrémités, à l’assassinat même. 

Les premiers chapitres  du dernier cimetière sont vraiment jouissives, ironiques, dressent un tableau intelligent de la situation.
Elmer le robot mécanicien, construit sur Terre pour fabriquer les toutes dernières machines de guerre, puis emmené avec les colons rescapés du conflit a obtenu son statut juridique d’humain. Il peut donc aller et venir, voyager de planète en planète. Ce n’est pas Fletcher Carson, l’assistant du Bronco qui va chercher le robot, c’est le robot qui vient à lui, car il a entendu parler qu’il voulait aller sur Terre. Elmer souhaitant vivement retourner sur sa planète d’origine, il propose à l’artiste fauché de payer avec ses économies la construction du Bronco, machine à huit pattes ressemblant à s’y méprendre aux prototypes de robots tout terrain actuels…
Elmer est donc l’archétype du robot en ferraille indestructible qui cause et devient humain, mais Simak parvient à tourner la chose de telle manière que cela ne semble pas être un redit.

Paysans, braconniers, trafiquants de vestiges archéologiques qui peuplent le fameux désert, en réalité une luxuriante forêt pleine de ressources pour y vivre, sont bien introduits. La Terre méprisée par la Compagnie Funéraire est retournée à l’ère primitive, dont on comprend à quel point Simak la préfère en fait à la technologie de toute sorte. C’est un trait littéraire permanent chez Simak, l’importance de la nature sauvage, du moins de la campagne, de la forêt.
Une SF à la campagne, voilà ce que nous propose cet auteur. C'est sans doute ce qui retient notre attention, suscite notre intérêt pour ses récits, bien que nous en comprenions l’origine à la première lecture.

Nature menacée par des machines de guerre, dirigées par des cerveaux humains conjointement avec des cerveaux électroniques. Deux survivantes du conflit finiront par faire la paix, témoins de l’ancien temps avec laquelle cohabitent les terriens du prétendu désert.
Rejetées par les survivants du conflit effrayés, ayant refusé leur proposition d’aide, elles errent désormais dans une solitude complète depuis de millénaires, ayant perdu toute utilité… Là encore, Simak parvient avec grâce à évoquer les destins de ces machines que l’on nous prédit de plus en plus intelligentes, fusionnées même avec l’esprit humain. 

Dans la seconde partie du roman, le goût prononcé de Simak pour le conte, une dose de fantastique, d’irrationalité au milieu de faits cyniques, se fait sentir, nous ramenant franchement dans la SF passée. Nous y retrouvons la télépathie des braconniers, des ombres qui seraient des morts refusant d’être nommés fantômes, un voyageur immortel recueillant des objets de l’antiquité, du voyage dans le temps… 
J’y ai perdu quelque peu la trame narrative du début, rationnelle et séduisante, pour une histoire peut-être pas plus confuse, mais qui nous éloigne des problématiques obsédantes du départ. Que deviendrait Terre Dernière, ruinée ou finissant par transformer toute la terre émergée en cimetière, terrifiante terraformation funéraire ? Qu’aurait pu décider Elmer, rester sur Terre, repartir ailleurs ? Et ce spectacle, à quoi aurait-ressemblé, qui l’aurait vu ?
Le voyage dans le temps n’apporte rien, sinon une astuce de récit bien artificielle, qui ne résout rien, qui ne dégage aucune morale, du moins l'ais-je ressenti aujourd’hui ainsi.

Au-delà de la fin du roman qui s’éloigne franchement du ton des premiers chapitres, Le dernier cimetière me paraît être clairement une métaphore du régime capitaliste régnant. Pour résumer, les USA, la Terre entière, deviendra un cimetière si on laisse le business l’emporter, avec quelques marginaux vivants dans la forêt… La vision est saisissante.
Roman qui reste contemporain donc, malgré une seconde partie qui date par son accumulation de thématiques guères exploitées en SF aujourd’hui.
Gulzar

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