Bonjour à toutes et tous !
Avec beaucoup de retard, voici la chronique du roman Permission de Céline Curiol, aux éditions Babel (Actes Sud), auteur que j‘ai eu la chance de rencontrer lors du concours de nouvelles SF 2084.
La courte histoire de 250 pages environ tend vers l’Anticipation, sans pourtant en être totalement, au sens où l’histoire ne comporte aucune quincaillerie SF dans le vocabulaire ou les thèmes, et s’intéresse plus au comportement d’un individu dans un système qu’à l’évolution de ce système, inamovible.
Pourtant l’idée centrale est véritablement angoissante. Le livre n’est pas interdit en tant que tel, comme dans Fahrenheit 451, mais la fiction si, et donc les écrivains, par voie de conséquence…
Comme à l’habitude, je ne vous raconterais pas l‘histoire. Sachez donc seulement que le personnage central du roman est récemment embauché dans un organisme international ressemblant comme une goutte d’eau à l’ONU, l‘Institution. Son travail consiste à résumer les divers intervention des délégués en séances, à destination des médias et d’archivages. Fonction sociale nommé fort justement résumain…
Sans évoquer le style concis, précis, tout l’intérêt du livre provient, de mon point de vue, de deux choix judicieux.
Tout d’abord, le récit ne se structure pas autour d’une banale rébellion solitaire à l’autorité, mais sur un personnage soumis au départ. Cet homme est volontaire pour travailler dans l’Institution, est content à priori de son travail. S’il y a acte d’héroïsme, il sera minuscule… Nous avons à faire à un être craintif, consciencieux, très impressionné par l‘Autorité, l‘Institution, qui craint de perdre sa place. Mais qui tout de même est empreint de curiosité.
En réalité, il s’agit d’un homme qui ne se connaît pas lui-même, ce qui en fait un personnage très intéressant, très crédible.
Ensuite, le récit à la première personne nous décrit chaque fait, chaque particularité, chaque singularité qu’il peut voir au sein de cette Institution. La perte d’un badge d’identification, un clavier d’ordinateur défectueux qui nécessite un formulaire pour être changé, des étages constamment éclairés, une journaliste trop entreprenante, les hommes en bleu qui nettoient les bureaux, un nouveau collègue concurrent, tout devient sujet à angoisse, à interprétation.
Cela nous permet à nous lecteurs de ressentir au mieux l’ambiance feutrée d’une telle organisation administrativement complexe, ou chacun marche sur des œufs, organisation qui se gargarise de pouvoir mettre fin à toutes guerres sur Terre, sans en être capable…
Permission porte bien son titre ! Plus qu’un livre d’étude SF d’une société à venir, il étudie bien l’humain face à ce dilemme, dois-je demander la permission de faire ce que je veux ? La réponse se situe en chacun d’entre-nous…
Mais qu’en est-il de cette idée forte de suppression de la fiction ? Elle n’est guère présente au début du livre, mais prend sens sur la fin. Impossible de vous dire plus ! Néanmoins, centrer le roman sur un métier qui pourrait remplacer celui d’écrivain de fiction, le placer au cœur même d’un pouvoir illusoire, me paraît être une idée judicieuse. Même si je dois dire que j’ai été un peu frustré ! J’aurai aimé en lire plus sur cet aspect du roman, car cet axiome narratif est vraiment intéressant ! Pensez donc, lire un livre qui me prédit la disparition du métier que je veux faire… Mais il conviendrait sans doute d’écrire une autre fiction…
Car la structure du roman à deux thèmes qui s’entrecroisent, l’abolition de la Fiction et l’abolition de la Guerre se révèlent vraiment pertinente. Car ces deux thèmes relèvent de la même utopie absurde.
Sans déflorer l’intrigue, ces deux tentatives de transformation de l’espèce humaine sont voués à l’échec. La Fiction et la Guerre font parti de l’Humain, point. Il est impossible d’extirper ces deux constituantes de notre comportement. Nous transformons nos guerres en fiction, nous inventons de la fiction pour justifier nos guerres…
Regardez l’information télévisuelle, lisez un livre d’Histoire. Vous en serez vite convaincu(e).
Pour conclure ma chronique, je vous donne donc la permission de lire ce roman de Céline Curiol…
À bientôt avec un autre livre, le recueil de nouvelles Axiomatique de Greg Egan que je finis de lire.
Gulzar