Bonjour à toutes et tous !
Chronique littéraire russe aujourd’hui, avec un roman qui m’a été vivement conseillé par l’un de mes correcteurs, Stalker, d’Arkadi et Boris Strougatski, de 1972, édité chez Denoël, collection Lunes d’Encre.
L'ouvrage nous raconte le travail des stalkers, explorateurs légaux ou illégaux des Zones !
Au nombre de six, mais nous n’en connaitront qu’une, ces Zones ont été un court temps investies par des visiteurs, qui y ont laissé, ou abandonné, de mystérieux objets et autres bizarreries… Depuis, elles sont interdites aux civils, et tout un marché illégal s’est développé, une agence de l’ONU s’en occupe, un Institut scientifique l’étudie, l’industrie tente de comprendre comment se servir des trouvailles… Des légendes naissent…
Divisé en quatre parties, le roman m‘a beaucoup plu. Court, au plus proche de la réalité du terrain avec le personnage principal, un stalker dont nous suivons quelques années de vie et de travail dans la Zone.
Les auteurs parviennent à nous faire sentir l’étrangeté absolue des traces laissés par les extra-terrestres, à faire revivre une ambiance similaire à celle de la Fièvre de l’Or qui a pu ou s’empare encore de l’Humanité, comme au Brésil.
Plus encore que ces fameux et invisibles visiteurs, c’est bien le comportement humain qui est au centre du livre ! Comportement très réaliste, cru, porté sur l’appât du gain, sur la gloire, sur le goût du danger. Sur cette invincible tendance à tout utiliser à son bénéfice propre… L’altruisme aussi est là, l’amour pour ses enfants, même rendu difforme par la Zone…
Cette opposition entre l’étrange absolu et ce réalisme social fonctionne vraiment bien, sans pour autant que l’on sache où l’on va ! Ce qui est très agréable lorsqu’on lit de la fiction. Ce stalker va-t-il survivre ? Va-t-il finalement renoncer à la Zone pour profiter de sa famille ? Va-t-il trouver l’ultime objet mythique de la Zone ? Qu’en fera-t-il ?
Complètement autonome en tout point, Stalker aurait pu être écrit en 2023, 1949, voir même en 1877. C’est là où l’on sent la force d’un récit, sa relative indépendance narrative, hormis quelques détails qu’il serait aisé de changer !
La naïveté, la futurologie sont absentes de ce récit. Plus encore qu’un livre de SF purement distractif, il me semble que Stalker est un texte qui nous invite à réfléchir, avec ses personnages le nez dans la boue, sur le concept même de l’autre. Et plus encore sur cette pulsion de tirer profit de tout...
Je reste également persuadé, c’est ma marotte littéraire il est vrai, que le format court renforce la puissance évocatrice de l’histoire ! Inutile d’en dire trop.
Par exemple, il est certes important au point de vue narratif d’avoir six Zones sur Terre. On se demande ce qui se passe ailleurs, on fantasme sur les autres découvertes, sur la peur qu‘une nation trouve l‘arme absolue ou une technique d‘énergie inépuisable…
Mais inutile alors de décrire les cinq autres Zones dans un roman de 700 pages... Une seule suffit, avec son lot de dangers.
Stalker fera désormais parti des œuvres littéraires qui me serviront de base de réflexion quand à l’élaboration de mes romans. Ne jamais écrire de l’inutile…
Je vais à présent tenter de trouver d’autres livres de ce duo d’auteurs ! Si les autres sont aussi bon que Stalker…
Pour mémoire également, un stalker est aussi devenu le mot russe désignant les volontaires ayant œuvré et donné leur vie à recouvrir le cœur en fusion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. La fiction se transforme en réalité… Je dois d’ailleurs visionner le dvd de Science & Vie sur la Nature sauvage sur place, vingt-cinq ans après le drame de 1986. Je vous en parlerai.
À bientôt avec d’autres chroniques littéraires ! Je viens d’acheter Un puits dans les étoiles, la suite du Grand Vaisseau de Robert Reed, que j’avais lu et chroniqué avec plaisir. Je devrais l’avoir lu d’ici octobre !
Gulzar
Pour les russophones, le site des frères Strougatski !
www.rusf.ru/abs/