Bonjour à toutes et à tous !
Courte chronique cinéma aujourd’hui, avec une bonne surprise, Solar Crisis, film de 1990 de Richard C. Sarafian, réalisateur du cultissime Vanishing point, visionné en format VHS, bonheur suprême !
Ce long métrage a inspiré, si l’on peut dire, un film plus récent de 2007, le Sunshine de Danny Boyle.
L’esthétique
Commençons comme souvent par l’esthétique des deux films, sujet brûlant pour tout amateur de SF !
Les plans dans l’espace de Solar Crisis sont assez beaux, même si leur longueur est souvent insuffisante pour bien en profiter. Un peu comme si la pellicule était venue à manquer ! C’est assez frustrant je dois dire. Cela est peut-être dû également à la quantité de péripéties du film sur Terre, qui a nécessité de tailler dans le temps imparti à l’Espace… Le montage vu la richesse du scénario a visiblement contraint à des concessions esthétiques. On peut le regretter et je le regrette !
Parfois, certains détails comme la carte holographique du soleil, de trajectoires du vaisseau projetées sur la passerelle de commandement sont aussi bien traités graphiquement dans les deux films. Ce qui donne par conséquent à Solar Crisis, réalisé une quinzaine d’années avant Sunshine, une longueur d’avance !
À l’opposé, Solar Crisis comporte un certain côté maquette en carton pâte, paradoxalement plus sur Terre que dans l’Espace ! Je pense notamment aux camions automatiques et moralisateurs sillonnant les routes, trouvaille drôle, ancrée dans la tradition des trucks sillonnant l‘Amérique du Nord !
Tous les éléments spatiaux eux sont au contraire très crédibles. À un important détail près toutefois, assez incongru ! Le vaisseau censé apporté la bombe auprès du soleil et la larguer ne possède aucune protection thermique visible contre le rayonnement solaire ! Énorme oubli il me semble !
Je vous laisse regarder les quelques images de maquettes de Solar Crisis que j’ai pu trouver…
La fameuse bombe parlante, censée sauver le soleil !
Le vaisseau transportant la bombe !
Tout au contraire, le bouclier gigantesque contre la fournaise solaire constitue l’élément esthétique principal des vaisseaux de Sunshine, élégamment traité. Les image numériques sont là bien réalisées, avec un souci de réalisme prenant. C’est là sans doute où le film plus récent répare avec talent un important oubli de son prédécesseur !
C’est également un élément narratif important, puisqu’un membre d’équipage perdra la vie en tentant de le réparer. Même si la raison de la réparation m’a semblé étrange. Le bouclier, un immense disque légèrement bombé qui abrite une colonne sur laquelle vient se greffer quartiers de l’équipage et moteurs, est constitué de dizaines de milliers de panneaux orientables. Si un seul reste coincé dans une mauvaise position, la chaleur peut entamer le bouclier et donc mettre en péril le vaisseau entier.
Sauf qu’un bouclier composé de morceaux mobiles tels que décrit dans Sunshine n’a aucun sens technique ! C’est effectivement insensé de mouvoir des dizaines de milliers de panneaux, au risque de dizaines de milliers de pannes ! Imagine-t-on une navette spatiale avec des tuiles thermiques mobiles ? Un véritable et crédible bouclier est statique, c’est au vaisseau de s’orienter correctement…
La constitution technique invraisemblable du bouclier ne semble pas donc avoir été inventé que pour amener un suspens, une péripétie de scénario plus ou moins utile… Un brave gars va se sacrifier pour ramener un panneau à sa bonne position et va y laisser la vie… mais cet épisode n’a pas fait avancer d’un parsec l‘histoire principale…
La narration
Mais laissons l’esthétique des deux films, possédant donc chacun leurs qualités propres. Je vous propose une rapide comparaison entre les narrations de ces deux films, qui à mon goût n‘est guère à l‘avantage du film de Danny Boyle…
Commençons par le petit résumé de Solar Crisis.
Le Soleil bienfaiteur menace la Terre. La prévision scientifique d’une violente éruption de matière du soleil menace la Terre, qui sera alors brûlée, toute vie disparaissant.
Seule solution, envoyer au point prévu du soleil où se déclenchera cette éruption une super bombe afin de dévier le cours des particules...
Mais les responsables de multinationales puissantes refusent de croire en la fin de la planète. Une membre de l’équipage tente alors de saboter la mission. Finalement, se rendant compte de l’horreur de ce qu’elle fait, elle dirige elle-même la bombe vers le soleil et se sacrifie…
Petit résumé de Sunshine à présent, ce qui va être difficile. Je ne l’ai pourtant vu récemment et je ne me souviens presque plus de l’histoire…
Le soleil menace de s’éteindre, en moins de quelques années, la Terre se refroidit déjà… Seule solution, envoyer une méga-bombe au cœur du soleil, regroupant toutes les matières fissiles disponibles, pour en quelque sort le rallumer. Un vaisseau s’est perdu lors d‘une première mission, qui a donc échouée. Un second vaisseau tente donc d’envoyer une second bombe et tombe sur le premier vaisseau à la dérive. À son bord, un unique survivant qui va tenter de faire échouer la mission du second vaisseau pour d‘obscures raisons religieuses…
Soyons clair, les deux films possèdent dès le départ une base narrative fantasmatique, irréaliste. Envoyer une bombe pour tenter de modifier en quoi que ce soit le fonctionnement du soleil relève du pur délire ! Où bien alors, les films devaient se situer dans plusieurs dizaines de milliers d’années au moins, avec une Humanité surpuissante technologiquement, disposant de ressources énergétiques tout autre qu’aujourd’hui. Or les deux films se situent au 21ème siècle…
Mais peu importe, comme spectateur, c’est admissible, tant que l’histoire reste jouissive ! Ce qui, à mon goût, est le cas pour Solar Crisis.
Malgré le côté ironique voir quelque peu déjanté de certaines scènes, certains aspects du film sonnent très justes. La multinationale abandonnant à une mort certaine en plein désert son expert indésirable prédisant la catastrophe pour qu’il cesse de parler. Le magnat des affaires qui proclame sa croyance dans les lois de la Nature, de la sélection naturelle, de la loi du plus fort. Si la Terre doit crever, qu’elle crève…
Le personnage de la scientifique traîtresse est aussi très crédible. Puisqu’il paraît impossible de payer ou soudoyer quelqu’un pour éventuellement faire périr l’Humanité entière, elle sera manipulée par un lavage de cerveau. Elle est donc une victime, et non un personnage irréaliste humainement.
Autre fil conducteur du film, le fils du capitaine de la mission quasi suicidaire s’échappe d’une école militaire et échoue en plein désert. Le gamin croisera la route de marginaux, des camions qui parlent tout seul sillonnant l’Amérique, ainsi que de l’expert donné pour mort… Il parviendra à alerter son père de la menace à bord, ce personnage félon censé faire échouer la mission salvatrice, dans la grande tradition du traître qui trouve la rédemption au dernier moment !
Autre réjouissance, la bombe parle elle aussi, toujours dans la tradition quasi obsessionnelle de Hal, l’ordinateur de 2001, l’Odyssée de l’Espace !
Pour ma part, je ne me souviens donc de pas grand chose de Sunshine… Sinon, ce fait étonnant, mal expliqué et mal amené, qui aurait pu être fascinant, mais tourne à la farce scénaristique... À dix minutes de la fin, le rescapé invisible du premier vaisseau déclaré perdu finit par monter à bord du second vaisseau et commence à tuer son équipage, hurlant que Dieu lui a ordonné de laisser le soleil œuvrer à la perte de l’Humanité, d’après ce que j’ai pu comprendre…
Croyez-moi sur parole, j’ai rarement vu une fin de film aussi calamiteuse…
Je n’ai rien contre un personnage perdant l’esprit. Je n’ai rien contre l’intrusion de fanatisme religieux dans un film ouvertement de SF. Cela serait stupide de ma part ! Mais vraiment, ce personnage jaillissant de nulle part n’a aucune justification, sinon apporter un semblant de suspens en fin de film se trainant de toute manière vers un happy end prévisible…
Comme spectateur, nous ne savons rien de l’évolution de ce personnage, de son discours. Le fanatisme religieux est ici un repoussoir, une astuce de scénario, et non un sujet important du film.
Nous nous retrouvons face à une ombre et non un personnage de lumière qui nous brûlerait l’esprit, nous entraînerait dans des abîmes de sensations, de réflexions…
Nous devrions être face au feu du soleil, nous nous retrouvons devant une loupiote philosophique de bas étage. N’est pas Tarkovski qui veut !
Conclusion
Solar Crisis est donc plein d’inventions, tantôt socialement très réalistes, tantôt de comédie. Et ne se veut en aucun cas parfait ou pontifiant. Mélange de comédie, de structures narratives classiques, de critique sociale et par moment de rigueur scénaristique, il m’a frappé par son envie de ne pas se prendre totalement au sérieux…
Bancal peut-être, ennuyeux jamais !
Par son esthétisme souvent très réussi il est vrai, Sunshine lui prétend rejoindre les chefs-d’œuvre de la SF, mais n’en possède absolument pas la rigueur scénaristique, et tourne même au ridicule final, à une paresse narrative tout de même navrante… Et surtout à une incapacité à refléter par une mise en scène grossière, malhabile, son propos philosophique apparent, le soleil redevenant en plein scientisme une divinité, un dieu de vie et de mort.
Ce qui pourrait pourtant constituer un extraordinaire sujet sur la fragilité de la vie sur la planète Terre.
Finalement, ces deux films, partageant pourtant la même idée de base, agir sur le soleil pour en modifier en activité, sont en réalité très différents. Le plus ancien reste enthousiasmant malgré ses naïvetés, tandis que le plus récent reflète pour moi un manque criant d’envie de propos détonants, originaux et pertinents. La narration maladroite joue de facilités, refuse toutes prises de risques et flirte dangereusement avec un inculture certaine…
Solars crisis gagne ses galons de film de SF par ses bonnes trouvailles, tandis que Sunshine se perd dans les boursouflures de sa suffisance…
Gulzar