Wictorius aime la lecture
Wictorius sommeillait encore lorsque que l’Ascensão o Medusa se mit à quai. La sirène du paquebot ne l’avait même pas réveillé. La famille d’indigents avait plié sa tente et patientait dans la file de passagers du cinquième pont pour descendre à terre.
- Il faut vous lever, maintenant ! Nous sommes à Rio !
- Je vois bien !
Wictorius plia la chaise longue dans laquelle il avait passé la nuit et rendit la couverture généreusement fournie par la compagnie au matelot renfrogné. Un souvenir lui restait de son retour de São Paulo. Wictorius en était resté à la page quarante-sept et avait très envie de lire la suite. Ce roman Cent ans de Solitude était passionnant.
Sacrés écrivains du passé ! C’était tout de même autre chose que ces collectifs littéraires aux millions de membres et autres écrivaillons nomades. Pour cent brazols, des analphabètes à chaque coin de rue vous écrivaient des histoires bonnes à jeter le lendemain.
Discrètement, Wictorius dissimula le livre papier dans sa poche et descendit la passerelle. Une pluie fine tombait sur Rio, mais peu lui importait. Une fois sorti de la zone portuaire de Niterói, Wictorius serait à moins d’une heure de Copacabana en pousse-pousse.
Au loin, une splendide villa volante tout feux allumés ralliait le port aérien ; peut-être celle d’un de ces richissimes poètes africains à la mode.
Un jour prochain, sa biographie connaîtrait un immense succès. Mais Wictorius devrait attendre que l’heure de la retraite sonne et omettre quelques épisodes peu glorieux. Quelques jours de repos l’aiderait à se remettre de l’échec de sa dernière mission.
- Venez par là, vous !
Sans ménagement, un officier lui fouilla les poches et en tira le roman de Garcia Marquez.
- Vous n’avez pas honte de voler la bibliothèque du paquebot ? Votre identité, grossier personnage !
La suite demain !