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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 10:13

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Suite des écrits de Buffon. Cette fois, nous rentrons dans le détail, avec "De la formation des planètes".
Encore une fois, ces écrits si l'on n'y prend garde peuvent apparaître comme naïfs, mais ils ne les ont pas du tout ! Car si vous examinez nos connaissances actuelles, si l'on va au-delà du phrasé, du vocabulaire de l'époque, l'on est très proche des théories d'aujourd'hui, que nous considérons comme des "certitudes", et qui feront peut-être aussi sourire dans trois siècles...

En fait, c'est le témoignage d'une fantastique évolution scientifique, le passage des idées loufoques, des "impressions philosophiques", à un rationalisme qui se cherche, qui commence à avoir ses premiers outils technologiques.

Les passages sont parfois assez longs, mais je veux que vous puissiez vraiment vous plonger à chaque fois dans un moment de réflexion. Quelques lignes n'y suffisent pas.

Alors découvrez avec plaisir aujourd'hui d'où viennent les planètes !

De la formation des Planètes

" ...Newton trouva que la force qui fait tomber les graves sur la surface de la terre, s’étend jusqu’à la lune & la retient dans son orbite ; que cette force diminue en même proportion que le quarré de la distance augmente, que par conséquent la lune est attirée par la terre, que la terre & toutes les planètes sont attirées par le soleil, & qu’en général tous les corps qui décrivent autour d’un centre ou d’un foyer des aires proportionnelles aux temps, sont attirés vers ce point. Cette force, que nous connaissons sous le nom de pesanteur, est donc généralement répandue dans toute la matière ; les planètes, les comètes, le soleil, la terre, tout est sujet à ses lois, & elle sert de fondement à l’harmonie de l’Univers ; nous n’avons rien de mieux prouvé en Physique que l’existence actuelle & individuelle de cette force dans les planètes, dans le soleil, dans la terre & dans toute la matière que nous touchons ou que nous apercevons.

Toutes les observations ont confirmé l’effet actuel de cette force, & le calcul en a déterminé la quantité & les rapports ; l’exactitude des Géomètres & la vigilance des Astronomes atteignent à peine à la précision de cette mécanique céleste, & à la régularité de ses effets.
Cette cause générale étant connue, on en déduirait aisément les phénomènes si l’action des forces qui les produisent, n’étoit pas trop combinée ; mais qu’on se représente un moment le système du monde sous ce point de vûe, & on sentira quel chaos on a eu à débrouiller.
Les planètes principales sont attirées par le soleil, le soleil est attiré par les planètes, les satellites sont aussi attirés par leurs planètes principales, chaque planète est attirée par toutes les autres, & elle les attire aussi ;  toutes ces actions & réactions varient suivant les masses & les distances, elles produisent des inégalités, des irrégularités ; comment combiner & évaluer une si grande quantité de rapports ? Paraît-il possible au milieu de tant d’objets, de suivre un objet particulier ?

Cependant on a surmonté ces  difficultés, le calcul a confirmé ce que la raison avait soupçonné ; chaque observation est devenue une nouvelle démonstration, & l’ordre systématique de l’Univers est à découvert aux yeux de tous ceux qui savent reconnaître la vérité.
Une seule chose arrête, & est en effet indépendante de cette théorie, c’est la force d’impulsion ; l’on voit évidemment que celle d’attraction tirant toujours les planètes vers le soleil, elles tomberaient en ligne perpendiculaire sur cet astre, si elles n’en étaient éloignées par une autre force, qui ne peut être qu’une impulsion en ligne droite, dont l’effet s’exerceroit dans la tangente de l’orbite, si la force d’attraction cessait un instant.

Cette force d’impulsion a certainement été communiquée aux astres en général par la main de Dieu, lorsqu’elle donna le branle à l’Univers ; mais comme on doit, autant qu’on peut, en Physique s’abstenir d’avoir recours aux causes qui sont hors de la Nature, il me paraît que dans le système solaire on peut rendre raison de cette force d’impulsion d’une manière assez vrai-semblable, & qu’on peut en trouver une cause dont l’effet s’accorde avec les règles de la Mécanique, & qui d’ailleurs ne s’éloigne pas des idées qu’on doit avoir au sujet des changements & des révolutions qui peuvent & doivent arriver dans l’Univers.
La vaste étendue du système solaire, ou, ce qui revient au même, la sphère de 1’attraction du soleil ne se borne pas à l’orbe des planètes, même les plus éloignées, mais elle s’étend à une distance indéfinie, toujours en décroissant, dans la même raison que le carré de la distance augmente ; il est démontré que les comètes qui se perdent a nos yeux dans la profondeur du ciel, obéissent à cette force, & que leur mouvement, comme celui des planètes, dépend de l’attraction du soleil. Tous ces astres dont les routes sont si différentes, décrivent autour du soleil, des aires proportionnelles aux temps, les planètes dans des ellipses plus ou moins approchantes d’un cercle, & les comètes dans des ellipses fort allongées. Les comètes & les planètes se meuvent donc en vertu de deux forces, l’une d’attraction & l’autre d’impulsion, qui agissant à la fois & à tout instant, les obligent à décrire ces courbes ; mais il faut remarquer que les comètes parcourent le système solaire dans toute sorte de directions, & que les inclinaisons des plans de leurs orbites sont fort différentes entr’elles, en sorte que quoique sujettes, comme les  planètes, à la même force d’attraction, les comètes n’ont rien de commun dans leur mouvement d’impulsion, elles paroissent à cet égard absolument indépendantes  les unes des autres. Les planètes, au contraire, tournent toutes dans le même sens autour du soleil, & presque dans le même plan, n’y ayant que sept degrés & demi d’inclinaison entre les plans les plus éloignés de leurs orbites : cette conformité de position & de direction dans le mouvement des planètes, suppose nécessairement quelque chose de commun dans leur mouvement d’impulsion, & doit faire soupçonner qu’il leur a été communiqué par une seule & même cause.

Ne peut-on pas imaginer avec quelque sorte de vraisemblance, qu’une comète tombant sur la surface du soleil, aura déplacé cet astre, & qu’elle en aura séparé quelques petites parties auxquelles elle aura communiqué un mouvement d’impulsion dans le même sens & par un même choc, en sorte que les planètes auroient autrefois appartenu au corps du soleil, & qu’elles en auraient été détachées par une force impulsive commune à toutes, qu’elles conservent encore aujourd’hui ?
Cela me paraît au moins aussi probable que l’opinion de M. Leibnitz qui prétend que les planètes &. la terre ont été des soleils, & je crois que son système, dont on trouvera le précis à l’article cinquième, aurait acquis un grand degré de généralité & un peu plus de probabilité, s’il se fût élevé à cette idée. C’est ici le cas de croire avec lui que la chose arriva dans le temps que Moïse dit que Dieu sépara la lumière des ténébres ; car, selon Leibnitz, la lumière fut séparée des ténébres lorsque les planètes s’éteignirent. Mais ici la séparation est physique & réelle, puisque la matière opaque qui compose les corps des planètes, fut réellement séparée de la matière lumineuse qui compose le soleil.

Cette idée sur la cause du mouvement d’impulsion des planètes paraîtra moins hasardée lorsqu’on rassemblera toutes les analogies qui y ont rapport, & qu’on voudra se donner la peine d’en estimer les probabilités, La première est cette direction commune de leur mouvement d’impulsion, qui fait que les six planètes vont toutes d’occident en orient ; il y a déja à parier contre un qu’elles n’auraient pas eu ce mouvement dans le même sens, si la même cause ne l’avoit pas produit, ce qu’il est aisé de prouver par la doctrine des hasards.


 ...

On peut donc conclure avec une très grande vraisemblance que les planètes ont reçu leur mouvement d’impulsion par un seul coup. Cette probabilité, qui équivaut presque à une certitude, étant acquise, je cherche quel corps en mouvement a pû faire ce choc & produire cet effet, & je ne vois que les comètes capables de communiquer un aussi grand mouvement à d’aussi vastes corps. "

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5 octobre 2010 2 05 /10 /octobre /2010 07:45

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Cette fois-ci, un aperçu du savoir géographique du 18ème siècle.

Second Discours
Histoire et Théorie de la Terre

" Pourquoi les choses pesantes ne sont-elles pas toujours au-dessous des plus légères ? Il est aisé d’apercevoir que cette uniformité de la Nature, cette espèce d’organisation de la terre, cette jonction des différentes matières par couches parallèles & par lits, sans égard à leur pesanteur, n’ont pû être produites que par une cause aussi puissante & aussi constante que celle de l’agitation des eaux de la mer, soit par le mouvement réglé des vents, soit par celui du flux & du reflux, &c.
Ces causes agissent avec plus de force sous l’équateur que dans les autres climats, car les vents y sont plus constants & les marées plus violentes que partout ailleurs ; aussi les plus grandes chaînes de montagnes sont voisines de l’équateur, les montagnes de l’Afrique & du Pérou sont les plus hautes qu’on connaisse, & après avoir traversé des continents entiers, elles s’étendent encore à des distances très considérables sous les eaux de la mer océane.
Les montagnes de l’Europe & de l’Asie qui s’étendent depuis l’Espagne jusqu’à la Chine, ne sont pas aussi élevées que celles de l’Amérique méridionale & de l’Afrique. "

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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 08:11

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Buffon, ou comment s'accommoder du Déluge, tout en doutant de sa réalité !

 

Second Discours

Histoire et Théorie de la Terre.

 

" En effet il parait certain que la terre actuellement sèche & habitée a été autrefois sous les eaux de la mer, & que ces eaux étaient supérieures aux sommets des plus hautes montagnes, puisqu’on trouve sur ces montagnes & jusque sur leurs sommets des productions marines & des coquilles, qui comparées avec les coquillages vivants sont les mêmes, & qu’on ne peut douter de leur parfaite ressemblance ni de l’identité de leurs espèces. Il parait aussi que les eaux de la mer ont séjourné quelque temps sur cette terre, puisqu’on trouve en plusieurs endroits des bancs de coquilles si prodigieux & si étendus, qu’il n’est pas possible qu’une aussi grande multitude d’animaux ait été tout-à-la-fois vivante en même temps : cela semble prouver aussi que quoique les matières qui composent la surface de la terre fussent alors dans un état de mollesse qui les rendoit susceptibles d’être aisément divisées, remuées & transportées par les eaux, ces mouvemens ne se sont pas faits tout à coup, mais successivement & par degrés, & comme on trouve quelquefois des productions de la mer à mille & douze cents pieds de profondeur, il parait que cette épaisseur de terre ou de pierre étant si considérable, il a fallu des années pour la produire.


Car quand on voudrait supposer que dans le déluge universel tous les coquillages eussent été enlevés du fond des mers & transportés sur toutes les parties de la terre, outre que cette supposition seroit difficile à établir, il est clair que comme on trouve ces coquilles incorporées & pétrifiées dans les marbres & dans les rochers des plus hautes montagnes, il faudrait donc supposer que ces marbres & ces rochers eussent été tous formés en même temps & précisément dans l’instant du déluge, & qu’avant cette grande révolution il n’y avait sur le globe terrestre ni montagnes, ni marbres, ni rochers, ni craies, ni aucune autre matière semblable à celles que nous connaissons, qui presque toutes contiennent des coquilles & d’autres débris des productions de la mer.

D’ailleurs la surface de la terre devait avoir acquis au temps du déluge un degré considérable de solidité, puisque la gravité avait agi sur les matières qui la composent, pendant plus de seize siècles, & par conséquent il ne parait pas possible que les eaux du déluge aient pu bouleverser les terres à la surface du globe jusqu’à d’aussi grandes profondeurs dans le peu de temps que dura l’inondation universelle.  "

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 10:34

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  Bonjour à toutes et tous !
Nouvel extrait des oeuvres de Buffon. Petite précision utile, mes citations se font dans l'ordre exacte de L'Histoire naturelle. Vous aurez ainsi un aperçu de ses écrits, si vous ne les avez pas déjà lu, où si vous n'avez pas le temps de les lire !
Personnellement, je reste fasciné par cette aisance dans le phrasé très long, parfois dix, quinze lignes pour une unique phrase, pourtant très claire !
Nous sommes également trois siècles en arrière, et parfois, bien sûr, nous nous retrouvons confrontés à des évidences, des "erreurs", des doutes qui sont aujourd'hui des "certitudes". Mais c'est l'intérêt de ces lectures d'ouvrages essentiels de l'Histoire des Sciences.

Les citations que vous lisez sur mon blog sont aussi remaniées par mes soins pour ce qui concernent l'orthographe, rendu contemporaine. Cela facilite la lecture, et ne change strictement rien à la pensée et aux observations de Buffon.


Second Discours
Histoire et Théorie de la Terre

" A la vérité nos connaissances à cet égard seront toujours bornées : nous ne connaissons point encore la surface entière du globe, nous ignorons en partie ce qui se trouve au fond des mers ; il y en a dont nous n’avons pu sonder les profondeurs : nous ne pouvons pénétrer que dans l’écorce de la Terre, & les plus grandes cavités, les mines les plus profondes ne descendent pas à la huit millième partie de son diamètre ; nous ne pouvons donc juger que de la couche extérieure & presque superficielle, l’intérieur de la masse nous est entièrement inconnu : on sait que, volume pour volume, la Terre pèse quatre fois plus que le Soleil ; on a aussi le rapport de sa pesanteur avec les autres planètes, mais ce n’est qu’une estimation relative, l’unité de mesure nous manque, le poids réel de la matière nous étant inconnu, en sorte que l’intérieur de la terre pourrait être ou vide ou rempli d’une matière mille fois plus pesante que l’or, & nous n’avons aucun moyen de le reconnaître ; à peine pouvons nous former sur cela quelques conjectures raisonnables.


Il faut donc nous borner à examiner & à décrire la surface de la Terre, & la petite épaisseur intérieure dans laquelle nous avons pénétré. La première chose qui se présente, c’est l’immense quantité d’eau qui couvre la plus grande partie du globe ; ces eaux occupent toujours les parties les plus basses, elles sont aussi toujours de niveau, & elles tendent perpétuellement à l’équilibre & au repos : cependant nous les voyons agitées par une forte puissance, qui s’opposant à la tranquillité de cet élément, lui imprime un mouvement périodique & réglé, soulève & abaisse alternativement les flots, & fait un balancement de la masse totale des mers en les remuant jusqu’à la plus grande profondeur. Nous savons que ce mouvement est de tous les temps, & qu’il durera autant que la lune & le soleil qui en sont les causes.


Considérant ensuite le fond de la mer, nous y remarquons autant d’inégalités que sur la surface de la terre ; nous y trouvons des hauteurs, des vallées, des plaines, des profondeurs, des rochers, des terreins de toute espèce ; nous voyons que toutes les îles ne sont que les sommets de vastes montagnes, dont le pied & les racines sont couvertes de l’élément liquide ; nous y trouvons d’autres sommets de montagnes qui sont presqu’à fleur d’eau, nous y remarquons des courants rapides qui semblent se soustraire au mouvement général : on les voit se porter quelquefois constamment dans la même direction, quelquefois rétrograder & ne jamais excéder leurs limites, qui paroissent aussi invariables que celles qui bornent les efforts des fleuves de la terre. Là sont ces contrées orageuses où les vents en fureur précipitent la tempête, où la mer & le ciel également agité se choquent & se confondent : ici sont des mouvements intestins, des bouillonnements , des trombes & des agitations extraordinaires causées par des volcans dont la bouche submergée vomit le feu du sein des ondes, & pousse jusqu’aux nues une épaisse vapeur mêlée d’eau, de soufre & de bitume.


Plus loin je vois ces gouffres dont on n’ose approcher, qui semblent attirer les vaisseaux pour les engloutir : au delà j’aperçois ces vastes plaines toujours calmes & tranquilles, mais tout aussi dangereuses, où les vents n’ont jamais exercé leur empire, où l’art du Nautonnier devient inutile, où il faut rester & périr ; enfin portant les yeux jusqu’aux extrémités du globe, je vois ces glaces énormes qui se détachent des continents des pôles, & viennent comme des montagnes flottantes voyager & se fondre jusque dans les régions tempérées.

 

Voilà les principaux objets que nous offre le vaste empire de la mer ; des milliers d’habitants de différentes espèces en peuplent toute l’étendue, les uns couverts d’écailles légères en traversent avec rapidité les différents pays, d’autres chargés d’une épaisse coquille se traînent pesamment & marquent avec lenteur leur route sur le sable ; d’autres à qui la Nature a donné des nageoires en forme d’ailes, s’en servent pour s’élever & se soutenir dans les airs ; d’autres enfin à qui tout mouvement a été refusé, croissent & vivent attachés aux rochers ; tous trouvent dans cet élément leur pâture ; le fond de la mer produit abondamment des plantes, des mousses & des végétations encore plus singulières ; le terrain de la mer est de sable, de gravier, souvent de vase, quelquefois de terre ferme, de coquillages, de rochers, & partout il ressemble à la terre que nous habitons. "

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27 septembre 2010 1 27 /09 /septembre /2010 07:52

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Second Discours
Histoire et Théorie de la Terre

" Dans des sujets d’une vaste étendue dont les rapports sont difficiles à rapprocher, où les faits sont inconnus en partie, & pour le reste incertains, il est plus aisé d’imaginer un système que de donner une théorie ; aussi la théorie de la Terre n’a-t-elle jamais été traitée que d’une manière vague & hypothétique. Je ne parlerai donc que légèrement des idées singulières de quelques Auteurs qui ont écrit sur cette matière.
L’un plus ingénieux que raisonnable, Astronome convaincu du système de Newton, envisageant tous les événements possibles du cours & de la direction des astres, explique, à l’aide d’un calcul mathématique, par la queue d’une comète, tous les changements qui sont arrivés au globe terrestre. Un autre, Théologien hétérodoxe, la tête échauffée de visions poétiques, croit avoir vu créer l’univers ; osant prendre le style prophétique, après nous avoir dit ce qu’était la terre au sortir du néant, ce que le déluge y a changé, ce qu’elle a été & ce qu’elle est, il nous prédit ce qu’elle sera, même après la destruction du genre humain.
Un troisième, à la vérité meilleur observateur que les deux premiers, mais tout aussi peu réglé dans ses idées, explique par un abîme immense d’un liquide contenu dans les entrailles du globe, les principaux phénomènes de la terre, laquelle, selon lui, n’est qu’une croûte superficielle & fort mince qui sert d’enveloppe au fluide qu’elle renferme.
Toutes ces hypothèses faites au hasard, & qui ne portent que sur des fondements ruineux, n’ont point éclairci les idées & ont confondu les faits, on a mêlé la fable à la Physique ; aussi ces systèmes n’ont été reçus que de ceux qui reçoivent tout aveuglément, incapables qu’ils sont de distinguer les nuances du vrai-semblable, & plus flattés du merveilleux que frappés du vrai.
Ce que nous avons à dire au sujet de la terre sera sans doute moins extraordinaire, & pourra paraître commun en comparaison des grands systèmes dont nous venons de parler ; mais on doit se souvenir qu’un Historien est fait pour décrire & non pour inventer, qu’il ne doit se permettre aucune supposition, & qu’il ne peut faire usage de son imagination que pour combiner les observations, généraliser les faits, & en former un ensemble qui présente à l’esprit un ordre méthodique d’idées claires & de rapports suivis & vraisemblables ; je dis vraisemblables, car il ne faut pas espérer qu’on puisse donner des démonstrations exactes sur cette matière, elles n’ont lieu que dans les sciences mathématiques, & nos connaissances en Physique & en Histoire Naturelle dépendent de l’expérience & se bornent à des inductions. "

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25 septembre 2010 6 25 /09 /septembre /2010 08:32

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Premier Discours
De la manière d'étudier et de traiter l'Histoire Naturelle

" Les jeunes gens au contraire doivent être guidés plutôt & conseillés à propos, il faut même les encourager par ce qu’il y  a de plus piquant dans la science, en leur faisant remarquer les choses les plus singulières, mais sans leur  en donner d’explications précises ; le mystère à cet âge excite la curiosité, au lieu que dans l’âge mûr il  n’inspire que le dégoût ; les enfants se lassent aisément des choses qu’ils ont déjà vues, ils revoient avec indifférence, à moins qu’on ne leur présente les mêmes objets sous d’autres points de vue ; & au lieu de leur répéter simplement ce qu’on leur a déjà dit, il vaut mieux y ajouter des circonstances, même étrangères ou inutiles ; on perd moins à les tromper qu’à les dégoûter. "

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24 septembre 2010 5 24 /09 /septembre /2010 14:07

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Bonjour à toutes et tous !

Autre nouveauté de septembre, avec le feuilleton La fin des Haricots, la reprise d'une rubrique bien utile à un auteur d'Anticipation, mais que je n'avais pas eu le temps de remettre en ligne.
Ouvrages scientifiques sera donc consacré à mes lectures scientifiques, revues comme livres, ainsi qu'à l'exploration des textes fondamentaux.

J'y vois là deux motivations.
L'une évidente est purement factuelle, il s'agit d'accumuler du savoir, de se rendre compte de l'évolution de la pensée, de mieux cerner les enjeux et l'implication du savoir dans notre vie quotidienne.
L'autre n'est pas forcément évidente pour qui n'a jamais lu un ouvrage de référence scientifique. Il s'agit du style littéraire ! Les scientifiques utilisent un langue rationnelle, claire, directe, dont il me semble très utile de s'inspirer... Surtout qu'à titre personnel, je cherche justement à éviter toute surcharge stylistique gratuite, je tente d'obtenir le "juste texte".

Je crois donc que ces lectures érudites font partie du travail à effectuer pour devenir un encore meilleur auteur.
Je commence donc par les oeuvres de Buffon, L'Histoire naturelle, une oeuvre d'une grande beauté littéraire, d'un immense intérêt. Vous mettre en ligne des centaines d'extraits des quelques milliers de pages que comprend cette encyclopédie dédiée à l'étude de la Nature me demandera bien quatre ou cinq ans, avant de passer à un autre auteur ! Mais il y aura de temps en temps des chroniques de livres plus récents...


Pour mieux distinguer cette chronique du temps jadis du reste du blog 36, je change la typo verdana pour le times roman.

Deux façons de lire Buffon.
La Bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard, "Oeuvres de Buffon".


Le site du CNRS, créé et édité par Pietro Corsi et Thierry Hoquet.


http://www.buffon.cnrs.fr/index.php?lang=fr#hno

Première citation !

Histoire naturelle, Premier discours

"Le premier obstacle qui se présente dans l’étude de l’Histoire Naturelle, vient de cette grande multitude d’objets ; mais la variété de ces mêmes objets, & la difficulté de rassembler les productions des différens climats, forment un autre obstacle à l’avancement de nos connoissances, qui paroît invincible, & qu’en effet le travail seul ne peut surmonter ; ce n’est qu’à force de temps, de soins, de dépenses, & souvent par des hasards heureux, qu’on peut se procurer des individus bien conservés de chaque espèce d’animaux, de plantes ou de minéraux, & former une collection bien rangée de tous les ouvrages de la Nature.
Mais lorsqu’on est parvenu à rassembler des échantillons de tout ce qui peuple l’Univers, lorsqu’après bien des peines on a mis dans un même lieu des modèles de tout ce qui se trouve répandu avec profusion sur la terre, & qu’on jette pour la première fois les yeux sur ce magasin rempli de choses diverses, nouvelles & étrangères, la première sensation qui en résulte, est un étonnement mêlé d’admiration, & la première réflexion qui suit, est un retour humiliant sur nous-mêmes. On ne s’imagine pas qu’on puisse avec le temps parvenir au point de reconnoître tous ces différens objets, qu’on puisse parvenir non seulement à les reconnoître par la forme, mais encore à sçavoir tout ce qui a rapport à la naissance, la production, l’organisation, les usages, en un mot à l’histoire de chaque chose en particulier : cependant, en se familiarisant avec ces mêmes objets, en les voyant souvent, &, pour ainsi dire, sans dessein, ils forment peu à peu des impressions durables, qui bien tôt se lient dans notre esprit par des rapports fixes & invariables ; & de-là nous nous élevons à des vues plus générales, par lesquelles nous pouvons embrasser à la fois plusieurs objets différens ; & c’est alors qu’on est en état d’étudier avec ordre, de réfléchir avec fruit, & de se frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles. "

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