Bonjour à toutes et tous !
Pour la énième fois, je viens de relire pour le plaisir les quatre tomes du "Combat ordinaire" de Manu Larcenet, ouvrage en bande dessinée donc.
Pour le plaisir, et pour le travail ! En effet, j'essaie de lire en moyenne une dizaine de BD par semaine. Ce n'est guère épuisant, à part les voyages avec sac à dos pour piller les bibliothèques et les amis, et permet d'accumuler des centaines d'histoires, de points de vue sur le monde.
Bref, que des bonnes choses pour soi-même écrire des histoires !
Un jour prochain, je vous parlerai longuement d'Osamu Tesuka, un auteur qui m'a vraiment montré la voie, même si moi je ne dessine pas !
Mais ce soir, Manu Larcenet au combat !
Je ne vous dirais rien de l'histoire, au cas où vous ne l'auriez pas lu. Le grand intérêt de cette oeuvre est de mêler vie intime des personnages, vie familiale et vie politique d'une manière que j'apprécie particulièrement. Elle colle littéralement à la proche actualité, sans construire une fiction exagérée.
L'analyse politique et économique est fortement présente, sans être pesante, car les personnages qui l'incarne ne sont pas "idéologie", mais "tourments", "victimes" , "bourreaux", simplement "humains".
J'apprécie vraiment cette capacité à mettre de la politique dans le récit, franchement, de manière frontale.
Comme auteur, cela n'a rien d'étonnant ! La SF de pur divertissement, c'est finie depuis longtemps, à supposer qu'elle ait vraiment jamais existé...
Sous le vain et fallacieux prétexte de la fin des idéologies, par inculture, par peur de passer pour un militant, ou un has been, nombre d'artistes de créateurs cessent de politiser ce qu'ils font. Les années 70 semblent bien mortes !
Je comprends la nécessité absolue de la poésie. je la ressens chaque fois que j'écris.
Mais d'un autre côté, créer, c'est tout de même remettre en cause l'ordre du monde, puisqu'il cela consiste à injecter dans le réel de la fiction, à réinventer la forme du réel.
Peut-être même à lui donner une forme véritable....
Refuser de politiser sa création, au sens d'offrir un point de vue au public, c'est franchement inconcevable.
Françoise Sagan est politique, Azouz Begag est politique, Stanislas Lem est politique !
Il n'y a aucune oeuvre apolitique, d'aucune sorte. C'est un doux rêve...
Ou un cauchemar ?
Car alors, cela serait nier le fait qu'un humain ne peut exister en dehors du groupe, de l'humanité !
Enfermer un bébé dans un placard, et vous verrez s'il peut devenir enfant...
Ecrire en considérant l'individu uniquement comme un membre d'une société, qui ne saurait avoir de vie propre, est fascisant, dégoûtant, abject.
Ecrire en considérant l'individu uniquement comme un individu, libre de ses choix, dont la volonté peut tout, est le meilleur moyen de montrer que l'on est un imbécile complet...
Une autre force principale pour moi dans l'oeuvre de Larcenet est l'absence de sujet franc.
La trame narrative est claire, simple, qui force les personnages à faire des choix, ou à accepter le sort.
Mais le sujet même c'est la vie, le temps qui passe.
Et j'aime beaucoup ce genre de récit ! J'essaie de travailler dans ce sens dans mes nouvelles, et romans à venir.
Le mot "sujet" ne me fait pas peur !
Il est tout de même utile de savoir sur quoi on écrit !!!
Construire sur un sujet une nouvelle n'a donc rien de dangereux en soi.
C'est même un bon début, cela vous oblige, normalement, à vous documenter sur le sujet...
N'ai-je pas basé toute mon oeuvre sur 36, quai du Futur, et donc sur 36 thèmes ? Je serais très mal placé pour dédaigner l'importance d'un bon sujet !
Néanmoins, cela peut causer au bout du compte bien du tort au texte.
En effet, lorsque vous écrivez de la fiction, sous toutes formes finalement, vous n'êtes pas Universitaire, Philosophe, Ingénieur. Vous n'êtes pas tenu à respecter votre sujet !
Vous devez l'explorer, le torturer, le dépasser.
Ecrire sur un sujet, ce n'est pas le travail d'un écrivain.
Il n'y a rien de plus triste que de lire une histoire de robots où il n'y a que des robots à qui il arrive des histoires de robots...
Merci à Manu Larcenet pour son oeuvre !
A bientôt !
Gulzar