Bonjour à toutes et à tous.
Courte chronique cinéma, avec un excellent documentaire réalisé par Nikolaus Geyrhalte, Notre pain quotidien, long-métrage sorti en salle en 2007 en France, que j'ai eu la chance de voir à l'époque.
Notre pain quotidien a comme unique sujet la production agroalimentaire de masse, la nourriture industrialisée que nous consommons dans les supermarchés principalement.
Très simplement, Nikolaus Geyrhalte a pris sa caméra et filmé dans des lieux très peu explorés, très peu connus du grand public ; les immenses serres du sud de l'Espagne où poussent hors-sol des légumes par millions, les abattoirs de bovins, les élevages de poussins.
Le film est cinématographiquement remarquable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, l'incroyable beauté plastique des plans fixes composants le film. Chaque scène est tel un tableau où le mouvement prend tout son sens.
Des récolteurs de choux en pleine nuit avançant à genoux devant l'énorme machine agricole où ils jettent la récolte derrière eux.
Des poussins avancent sur des tapis roulants, ceux trop abîmés étant jetés.
Une vache est engagée dans un tambour pivotant pour être abattue, elle résiste, résiste tant que l'employé est obligé de s'y reprendre à trois fois.
Ensuite, l'absence totale de commentaires et dialogues. Le témoignage ne vient que de l'image, que de ce qui est filmé, et non de discours, toujours sujets à caution. Pas de chiffres, pas de spécialistes interviewés.
Seuls de longs plans d'ouvrières silencieuses prenant leur pause fait office de paroles muettes.
Le film est si réussi, si simple et directe, si spectaculaire parfois, que certains spectateurs sont sortis durant la projection à laquelle j'ai assisté...
Nikolaus Geyrhalte ne tient donc aucun discours, il se contente de montrer. Certes, il magnifie parfois cette industrie alimentaire, mais elle-même ne se vante-t-elle pas d'être l'avenir, et le présent, de l'Humanité ?
Le titre astucieux Notre pain quotidien évoque très bien les deux facettes du film, ce que nous mangeons quotidiennement, du moins une très large partie de la population des pays industrialisés, et le labeur lui-même, les conditions de travail des salariés à bas coût, qui gagnent dans cette industrie agroalimentaire leur pain quotidien, qui d'ailleurs leur sert à acheter ce qu'ils produisent eux-même...
C'est en cela que j'apprécie particulièrement ce film, c'est qu'il relie ces deux facettes, le travail et l'objet du travail. Il n'occulte rien, n'est pas pour ou contre par principe la production alimentaire de masse.
Contrairement par exemple à certains documentaires contre le réchauffement climatique, la pollution, le nucléaire, qui occultent totalement les gens travaillant dans ces domaines, au risque de nous entraîner à une réelle incompréhension du sujet. Le mépris, voir même pourquoi pas la haine des employés de tel ou tel secteur industriel, n'a aucun sens pour mieux appréhender les logiques en jeu.
En fait, il est bien possible que Notre pain quotidien révéle nos propres révulsions, nos croyances... Notamment celle d'un temps béni où le paysan avait une belle relation avec l'animal. Hors la réalité sociologique révèle que c'est faux, la paysannerie a toujours considéré l'animal, la plante comme une source de revenus, sans vraiment se préoccuper des conditions de vie des animaux... Au 12ème siècle aussi, la notion de rendement existait, ne serait-ce pour ne pas subir de famine...
Comme spectateur, nous ne sommes pas face à une démonstration, à un cri d'alerte, à un espoir ou un désespoir. Nous sommes dans la réalité quotidienne. Nous voyons le monde agricole industriel majoritaire issus en Europe des années 40, 50 dans lequel nous vivons, où l'élevage, la culture sont remplacés par la notion de "production".
Libre après de nous déterminer ou pas, de renoncer à acheter ou pas en supermarché si nous en avons la possibilité réelle.
Notre pain quotidien ne joue donc pas sur nos peurs mais remédie de très belle façon à notre inculture sociale, notre ignorance des véritables processus de fabrication de l'alimentaire industrialisée, qui rappellons-le à un sens, une origine, peut-être un jour une fin.
Mais là, nous entrons dans la Science Fiction...
Nikolaus Geyrhalte, cinéaste autrichien, a réussi avec Notre pain quotidien un film rare, très fort par son principe même de retrait de toute polémique, qui au final nous offre bien plus en connaissances et en sensations sans doute qu'un vigoureux plaidoyer pour une autre agriculture, dite biologique.
Montrer plutôt que démontrer.
Je ne peux donc que vous inciter à découvrir ou revoir ce documentaire, disponible en dvd, distribué par KMBO.
Gulzar