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31 juillet 2011 7 31 /07 /juillet /2011 20:05

Spécial Bach Films

 

logo BACH FILM

 

Bonjour à toutes et tous.

 

Suite des chroniques consacrées aux films diffusés par Bach Films avec un réel chef d’œuvre, Le cerveau qui ne voulait pas mourir, réalisé aux USA par Joseph Green en 1962, film en noir et blanc. 

 

bach tete voulait pas mourir jaquette


Avec ce long métrage, l’on n’est plus dans la série Z de bonne qualité, mais dans l’esquisse presque achevée d’un très bon film de Science Fiction, aux manières de filmer très contrastées, j’y reviendrai. 

 

Reprenant le principe du rêve du docteur Frankenstein de reconstituer un corps humain à partir de membres épars puis de lui insuffler la vie, le film part dans une nouvelle direction narrative.

Le Docteur Cortner, éminent scientifique, chirurgien et expérimentateur, en conflit avec son père lui aussi chirurgien, poursuit ses recherches. En rentrant à son laboratoire en voiture, il a un accident, occasionnant la mort de son épouse. Il récupère alors sa tête, se précipite pour la sauver. Mais il n’a que deux jours pour lui trouver un corps de remplacement… 

Tandis que la tête de son épouse souhaite mourir, elle développe un lien télépathique avec un monstre issu des recherches de son époux, enfermé dans une pièce du laboratoire. L’assistant du Docteur Cortner, lui aussi sujet d’expérience raté, son bras gauche perdu n’est remplacé que par de la chair morte, ne cède pas et la maintient en vie.

De son côté, le Docteur Cortner part en ville à la recherche d’une femme, en vain.

Il se rabattra sur une amie de lycée qu‘il ramène au laboratoire…

 

bach tete voualit pas mourir 7

 

Dès le départ du film, dans la salle d’opération où grâce à ses techniques sur le cerveau le Docteur Cortner sauve un malade, le ton est donné. C’est sec, sans guère de cœur. 

 

Tout le caractère du Cerveau qui ne voulait pas mourir est de cinématographiquement s’éloigner du célèbre Frankenstein de James Whale, réalisé en 1931. Pas simplement en situant l’action aux USA des années soixante, mais bien en filmant une histoire somme toute assez différente. 

La créature, l’épouse du Docteur Cortner, ne veut pas vivre, mais mourir, consciente de son état. C’est une femme, qui fait preuve de volonté, qui n’a même pas besoin de son corps pour agir sur le monstre enfermé dans une pièce du laboratoire.

Il ya donc en vérité deux créatures… L’une qui est la tête, l’intelligence, la femme, et l’autre qui est la force brute, l’homme. 

D’une manière ou d’une autre, toute tentative de recréation d’un humain à partir de morceaux d’humains est vouée à l’échec, vouée à ne produire qu’un monstre, tenu finalement à l’écart. Le Docteur Cortner va chercher un corps complet de femme de remplacement, jeune et en bonne santé, puisque son corps reconstitué n'est qu'un être informe, sans cervelle.

D’ù l’intérêt à mon sens du Cerveau qui ne voulait pas mourir, qui ne se contente pas d’être un remake. Narrativement, le film part donc du constat d’échec du Docteur Frankenstein, pour ensuite développer une autre histoire, intéressante, mais avec d’autres enjeux. 

 

bach tete voualit pas mourir 3

 

D’ailleurs, à bien y songer, le film a pour thème central le corps de la femme, et touche là à l’essentiel avec de remarquables séquences de cinéma. 

 

Un fait écrasant domine tout le long métrage après l‘accident de voiture. Le Docteur Cortner tente tout pour sauver la tête de sa femme, mais tout du long, il ne lui parle pas, sauf à la toute fin du film. Jamais il ne va s’inquiéter de son état moral, de ce qu’elle souhaite, ne lui offre pas des paroles de réconfort, d’amour. 

Il a sauvé sa tête, mais n’est obsédé que par son corps disparu, qu’il veut absolument remplacer. Attitude qui en dit long, n’est-ce pas, sur ce qui attire vraiment l’Homme chez la Femme… Mais également sur ce qui fait une personne humaine. L’intelligence n’est pas tout, un visage même ne suffit pas. Sans le corps, la personne n’existe plus. D’où l’absolue nécessité pour sauver son épouse de lui trouver un corps, si possible autant attrayant que celui qu’elle vient de perdre dans l’accident de voiture.

 

bach tete voulait pas mourir 2

 

À partir du moment où son épouse devient un sujet d’étude, elle disparaît donc complètement comme personne humaine. Un terrible doute alors s’installe. Se ment-il ? Ne sauve-t-il son épouse non pour sauver celle qu’il est censé aimer, mais plus prosaïquement parce que le dramatique accident de voiture lui offre enfin l’occasion de réaliser l’expérience qui le tente depuis longtemps, greffer une tête ? 

Le personnage, le scientifique descend de son piédestal de bienfaiteur de l‘Humanité, devient un être purement cynique, obsédé par sa recherche, prêt à tout y sacrifier, au contraire du Docteur Frankestein qui lui se contentait de travailler à partir de morts et non de vivants…

 

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Le Docteur une fois la tête sauvée après l’accident de voiture part à la recherche d’un corps pour sauver la tête, sachant que son sérum ne fera effet qu’environ deux jours 

Mais bien sûr, un corps de femme adulte récemment décédée d’une trentaine d’années n’est pas forcément disponible à l’instant…

Le cerveau qui ne voulait pas mourir prend là alors un tour absolument formidable, d’une rare puissance visuelle.

Le Docteur Cortner se met à fréquenter des lieux éloignés, à priori, de son milieu social, un établissement dansant fréquentée par des prostituées. 

Par la musique, le dallage au sol, les plans en plongée, irrésistiblement, la scène offre une ambiance à la David Lynch, dix ans avant ses tous premiers films. C’est absolument frappant, le cinéaste de Twin Peaks a forcement dû voir ce film et s’en inspirer pour son œuvre.  

 

bach tete voualit pas mourir 4

 

Un triste constat s’impose. Une femme seule risque la mort face à un prédateur. À deux ou en groupe, elle échappe au risque d‘être tuée par le Docteur Cortner.

Bien sûr, cela renforce narrativement la quête qui s’éternise, alors que le temps presse. Mais cela raconte aussi clairement finalement qu’une femme esseulée dans une société dominée par les pulsions masculins risque jusqu’à sa vie.  

Ne parvenant pas à s’emparer d’une prostituée, le docteur se rabat alors sur une amie de lycée défigurée, à qui il promet que grâce aux progrès de la médecine, il pourra lui refaire le visage.

Pour sûr, elle va changer de tête…

 

La femme n’est qu’un corps à exploiter. À asservir sexuellement, à marier, à découper pour l’avancée de la Science. Le cerveau qui ne voulait pas mourir est là véritablement un film d’horreur, d’horreur sociale.

Le monstre enfermé, résidus d’expériences passées, l’assistant au bras greffé qui se refuse à quitter le Docteur Cortner en qui il croit, la tête qui parle, posée sur une table, ne sont finalement pas les plus effrayants. L’effroi vient du comportement humain, de l’indifférence au sort de ses semblables, dans une société de consommation du corps, tant sexuelle et marchand que comme matériel scientifique. 

 

Le cynisme est à son comble, qui donne la nausée. Le Docteur promet tout à tout le monde, parvient à manipuler son entourage par cette notion universelle, l’espoir. 

C’est la promesse finalement de la Science et de la Médecine moderne, l’espoir de défier la mort, de reculer l’inéluctable, de vaincre la vieillesse, rêve ou cauchemar qui fait la une des journaux. 

Le corps, tout comme dans Frankenstein, est au cœur du film mais là porté à un point presque insoutenable, car nous ne sommes plus uniquement plongé dans un conte scientifique, certes horrible, mais dans la réalité d‘une société oppressant les femmes au profit des hommes. Le cerveau qui ne voulait pas mourir prend avec cette double dimension une force narrative certaine.  

 

bach tete voualit pas mourir 6

 

Cinématographiquement, le film est étonnant. Chaque période, chaque endroit, est donc filmé différemment, avec un ton très moderne pour l’époque, parfois même en avance. 

Caméra à l’épaule et grand angle lorsque le Docteur Cortner ramène la tête de son épouse dans ses bras jusqu’au laboratoire, ambiance David lynch pour la prostitution, la Nouvelle Vague française et européenne pour les scènes en voiture lorsque le Docteur Cortner veut raccompagner une femme pour la tuer, Hitchock lorsque la femme de substitution droguée s’évanouit, ambiance films d’horreur des années 30, 40 pour les scènes dans le laboratoire avec des plans fixes, quelques plans panoramiques plus modernes dès qu’il s’agit de filmer de l’arrière la tête discutant avec l’assistant du Docteur Cortner.  

Alors certes l’ensemble n’atteint pas forcément l’unicité d’un film conçu dans une seule optique, mais à la vision, Le cerveau qui ne voulait pas mourir est fascinant par sa forme de puzzle cinématographique, qui cherche à rendre sensible chaque situation du film à l‘image, au lieu de paresser, comme dans évidemment la grande majorité de films de série Z.

 

bach tete voualit pas mourir 8

 

Pour finir, vous aurez noté que le titre, Le cerveau qui ne voulait pas mourir, traduction littérale du titre anglais, est paradoxal, puisque justement la tête de l’épouse du Docteur Corner veut mourir, ne veut pas survivre à cet horrible expérience. Mais le titre Le cerveau qui voulait mourir a sans doute été jugé beaucoup trop dépressif, pessimiste, et évoquant trop abruptement le suicide pour un public adolescent… 

Toutefois, ce titre inversé ne choque même pas, n’empêche nullement de savourer cette œuvre baroque, aux mécanismes humains profonds et bien écrits.

 

Alors je vous en prie, suivez mon humble conseil, ne mourrez pas avant d’avoir vu Le cerveau qui ne voulait pas mourir… 

Gulzar Joby

 

bach tete voualit pas mourir affiche

 

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