Bienvenue à toutes et à tous. Je suis Gulzar Joby, auteur de Science-fiction. Retrouvez mes parutions, mon carnet de notes et les autres rubriques de mon blog.
Bonjour à toutes et à tous.
Belle découverte aujourd’hui d’un film norvégien que je qualifierais du mieux possible d’épouvante sociale, Norway of life, ou Den brysomme mannen (l'homme qui dérange), réalisé par Jens Lien en 2006.
Il est toujours difficile de l’affirmer, mais Norway of life est peut-être même un très grand film, simplement non perçu comme tel car venant d’une petite nation et vaguement catalogué dans le genre film d’épouvante, alors qu’il est bien plus que cela, une stimulante analyse de nos sociétés d’aisance matérielle.
D’une esthétique et d’un montage de grande qualité, le film nous narre l’arrivée de nulle part en car d’un homme dans une ville parfaite, où on lui procure vêtements, appartement, travail quelconque dans une tour en verre. Il trouvera même une compagne, puis une maîtresse.
Pourtant, il éprouve un grand malaise. Comment faire pour exister dans une société obsédé par l’aménagement intérieur, par la perspective d'une nouvelle salle-de-bains ou de mobilier à monter soi-même, refuge ultime de la liberté ?
Il essaie même de se suicide, en pure perte, personne ne veut reconnaître son geste.
Finalement, il est arrêté alors qu’il avait peut-être trouvé un moyen de s’évader. Impuissant devant son refus de s’intégrer, le pouvoir le remet dans le car qui l’avait amené ; mystérieux car qui vient et va nulle part…
Est-ce l’enfer, le paradis, le purgatoire, ou quoi d’autre encore ? Mystère..
Mais peu importe, l’allégorie de la société social-démocratique norvégienne fonctionne à plein. Je ne peux trop vous en dire sans déflorer le sujet, mais chaque scène est vraiment très bien écrite, jamais gratuite, toujours valorisée par l’image et la lumière soignées, constamment dans l‘humour grinçant.
Surtout, le réalisme des décors froid accompagne très bien la froideur des comportements de nombre d’habitants de cette ville fantomatique, reflet d’une ville réelle.
Seule, notre homme ne pourra rien faire contre son sort. C’est d’une rencontre avec un marginal alcoolique qui vit dans une cave d’immeuble que viendra son salut possible. Mais la police, toujours efficace et polie, les arrêtera tous les deux avant qu’ils ne prennent la fuite.
Même si le scénario est différent, puisque portant sur l’industrie du spectacle, Norway of life évoque pour moi un autre film, d’anticipation cette fois, réalisé par Peter Weir, The Truman Show, consacré à l’enfermement. Là encore cette histoire d’un homme prisonnier depuis sa naissance d’une émission de téléréalité est d’une rare force SF.
Tout comme The Truman Show exprime une société états-unienne dévorée par l’image omniprésente, Norway of life exprime la société norvégienne complètement incapable d’échapper à un matérialisme et une social-démocratie prétendant faire le bonheur de gens malgré eux…
Même la société sans conflits, libérale économiquement et au niveau des mœurs est régie par des normes sociales, des lois secrètes non écrites qu’il est difficile de transgresser par un individu isolé.
Deux films bien différents sur le ton, mais deux films très originaux sur ce thème de l’enfermement de l’individu dans un cadre social qui ne lui convient pas, sans pour autant vivre dans une dictature militarisée et policière qu‘il est facile de détester, où l‘ennemi est clairement identifié.
D’où tout l’intérêt de telles œuvres cinématographiques, qui parviennent à renouveler intelligemment notre perception de formes nouvelles d‘oppression, que nous avons parfois du mal à percevoir comme tel, puisqu‘elles sortent du cadre ancestrale du pouvoir en armure, en uniforme, armé de fusils et non d‘armes plus subtiles.
Norway of life, un formidable long métrage norvégien de Jens Lien à découvrir. Peut-être même un film essentiel.
Gulzar
la bande annonce :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18629589&cfilm=111363.html
Et maintenant, le film raconté en quelques images, sans trop en dire non plus…