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Bienvenue à toutes et à tous. Je suis Gulzar Joby, auteur de Science-fiction. Retrouvez mes parutions, mon carnet de notes et les autres rubriques de mon blog.

Livre Cuisine moléculaire, les dessous peu appétissants

Bonjour à toutes et à tous.

 

Chronique aujourd’hui sur Cuisine moléculaire, les dessous peu appétissants, de Jörg Zipprick, paru chez Edition Favre en 2009. 

 

cuisine-moleculaire.jpg


Comme tous les sujets sont bons à explorer en SF, ce thème d’une cuisine techniquement très avancée, dont j’avais déjà vaguement entendu parlé, m’a poussé à lire l’ouvrage.

Bien m’en a pris, Jörg Zipprick fait œuvre utile, même s’il faut toujours faire attention lorsqu’un journaliste prétend dénoncer un scandale. Exagérer le propos peut aider à vendre en librairie, voir même en supermarché….

 

Néanmoins, cette cuisine moléculaire pose question, interroge, émerveille les élites en mal d‘avenir radieux, dégoûte l’amateur de cuisine traditionnelle ou nouvelle, et inquiète sur les vrais objectifs de cette mode portée aux nues, imposée principalement par les médias anglo-saxons. 

 

Alors qu’est-ce donc que cette cuisine moléculaire pour celles et ceux qui en seraient restés à la quiche lorraine ou au couscous ? Et bien le terme est bien choisi, puisque nous passons du produit à la molécule du produit. 

 

En effet, il ne s’agit plus concrètement de cuire un aliment de manière certes talentueuse mais intuitive. Il s’agit de maîtriser scientifiquement le processus de cuisson, de trouver de nouvelles formes dans l‘assiette, de nouvelles manière de cuire, grâce aux connaissances au niveau moléculaire. 

 

Il devient alors possible de déstructurer la cuisine. Les goûts et les odeurs de base peuvent être dissociés, puis recombinés à l‘infini dans des combinaisons inédites, voir impossible à obtenir par une cuisson conventionnelle. 

Vanté par tout un langage artistique, des formes physiques nouvelles apparaissent, comme la mise en forme sphérique de soupe et autres préparations. Les cuissons se font à très basse température à l’azote liquide.

 

Tout semble partir de quelques restaurants espagnols des années 90, dont El Bulli tenu par le cuisinier Ferran Adri(. Mais aussi en France, en Allemagne, en Italie où quelques descente de police concernant l’hygiène ont eu lieu suite à des plaintes de consommateurs rendus malades par l‘un de ces repas moléculaires… 

 

La modernité, la Science véritable entre enfin en cuisine. Et par la grande porte des grands restaurants étoilés. 

 

*

Cela, c’est pour l’aspect explosons tous les codes, recyclons la Science en cuisine pour faire moderne. C’est peut-être contestable, mais nous resterions là dans un simple débat culinaire, qui ne porte guère à conséquence, vu le nombre très faible de restaurants proposants ces menus High-tech ; de toute manière rendus inaccessibles à la plupart des clients par leur prix exorbitants. 

 

L’important, tant du point de vue citoyen et consommateur que du point de vue SF est ailleurs.

 

Pour obtenir tous ces effets spectaculaires, la cuisine moléculaire remplace les produits naturels par des additifs alimentaires de toutes sortes, produits déjà vendus par l’industrie alimentaire et qui se retrouvent dans nombre de produits surgelés, préparés, destinés à supporter des conditionnements sur une longue période. 

La stratégie de ces producteurs d’additifs alimentaires, de grands industriels, des multinationales qui recherche du profit, est simple, visible pour qui veut bien la voir. 

En effet, le consommateur se méfie, ne veut plus d’aliments comportant des additifs. Les lois deviennent plus restrictives sur la composition, l’étiquetage des aliments industriels. Le marché se restreint dangereusement.

 

La Grande Cuisine devient alors le porte-drapeau de cette industrie. Si les grands chefs utilisent ces produits, en des doses d’ailleurs très fortes, ne respectant aucune législation en cours, alors c’est que l’additif alimentaire est un bienfait, un signe de modernité au même titres qu’une voiture électrique ou le dernier téléphone mobile à la mode. 

Manger additif, soyez moderne. Rejoignez l’élite. Venez dépenser votre argent chez les restaurateurs qui font la une des chroniques culinaires de journaux tel que le Times. Et si vous n’avez pas le sou, mangez de l’additif pour pas cher en supermarché. 

 

L’industrie alliée aux grands réseaux médiatiques friands de nouveautés. Un classique. 

 

Il existe même un programme INICON de financement européen pour les nouvelles techniques culinaires, qui aide aussi au développement de ces techniques culinaires à base de Glutamate, d’E divers et variés. 

 

*

Il faut bien se rendre compte que ce qu’on a nommé la nouvelle cuisine n’a rien à voir, même si elle a pu être décriée et ne pas plaire à tout le monde. Dans les années 60, 70, il s’agissait à partir d’ingrédients traditionnels de réaliser une cuisine moins lourde, plus légère, plus esthétique aussi parfois, à base notamment d‘huile d‘olive ; en aucun cas de remplacer les aliments naturels par des artificiels. 

 

Cuisine nouvelle et cuisine moléculaire ne seraient donc être confondues ; la démarche intellectuelle et commerciale n’ayant rien à voir. 

 

*

Alors il est toujours n’est-ce pas délicat d’enfermer une activité humaine dans un traditionalisme qui peut aussi confiner au conservatisme et conduire à terme à sa disparition. Néanmoins, la cuisine moléculaire ne serait être considéré comme un quelconque progrès, mais bel et bien comme une déchéance même du métier de cuisinier, qui consiste à tirer des merveilles de la nature, pas de servir une industrie par appât du gain et de gruger la clientèle en salle. 

Nombre de chefs réputés travaillent par exemple sur les plats et desserts industriels, véritables usines à gaz bourrés de colorants et d’additifs destinés uniquement à la longue conservation et au remplacement de produits naturels chers par des substituts peu onéreux.

 

*

Escroquerie, le mot doit être écrit. 

 

Accepteriez-vous d’acheter une table en bois avec seulement soixante pour cent de bois ? Une Peugeot à pédales ? De payer un billet d’avion pour Tokyo qui vous laisserait à Moscou ? 

Non bien sûr. Pourtant, c’est ce que vous acceptez sans sourciller en achetant des produits alimentaires industriels. Des pizzas surgelées à la pâte contenant très peu de farine, du chocolat sans chocolat, du cacao pour le petit-déjeuner avec soixante-dix pour cent de sucre, des plats préparés où tout est fait pour économiser sur les matières premières, j’en passe et des pires. 

 

Le principe même de l’additif industriel n’a pas été pas établi pour le gain du consommateur, mais pour le gain exclusif de l’industriel. 

Quand vous payez cher du chocolat de qualité, des morilles, un poulet de Bresse, un camembert au lait cru, des truffes hors de prix, vous avez du moins ce pour quoi vous avez payé. Il n’y a nulle escroquerie, juste la loi de l’offre et de la demande. 

 

*

Et côté SF ? L’alimentation, comme élément essentiel de la vie physique et sociale, est évidemment un sujet capital, finalement pas si exploité dans la littérature ou le cinéma. Il existe bien sûr le film Soleil vert de Richard Fletcher, qui atteint des sommets d‘ignominie alimentaire... 

Souvent en réalité, l’alimentaire est un à-côté, voir le prétexte d’un récit, comme cet autre film Silent Running de Douglas Trumbull. L’on songe également au principe de cuve alimentaire à base de plancton ou hydroponique, production souvent entrevue dans de grands romans de Science-fiction du 20ème siècle. 

Ou bien alors, c’est la surpopulation qui est le thème central, comme dans Le onzième commandement de Lester Del Ray, ou Tous à Zanzibar de John Brunner. 

 

Plus divertissant mais tout aussi prédictif, dans L’aile ou la Cuisse, de Claude Zidi, Louis de Funès campe un capitaliste sans vergogne fabriquant en série de faux poulets…

 

La cuisine moléculaire, mouvement donc très idéologique et soutenu par les industries alimentaires multinationales, est un petit pas pour la réalisation d’un cauchemar alimentaire à venir, présenté sous les dehors rutilants du Progrès. 

 

Gulzar

 

P.S. : 

Cuisine moléculaire, les dessous peu appétissants comporte également deux annexes, un lexique des principaux additifs et un guide pour mieux lire les étiquettes des produits alimentaires.

Un livre qui vous persuadera j’en suis sûr d’aller faire vos courses au marché et de cuisiner vous-même… 

 

En bonus de cette chronique, une bien belle idée d’un étudiant anglais sur une production enfin rationnelle de poulet sans tête…

http://au-bout-de-la-route.blogspot.fr/2012/02/le-cauchemar-ou-le-reve-dun-poulet.html

 

Ainsi qu’une vidéo de démonstration d’un robot dépeceur de poulets…

http://www.laboiteverte.fr/robot-a-desosser-les-poulets/

 

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