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31 décembre 2010 5 31 /12 /décembre /2010 09:29

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Pour aujourd'hui, plongeons au fond des océans...

 

PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE.
ARTICLE XIII.
Des inégalités du fond de la Mer & des Courants.

" On est donc assuré qu’il y a des inégalités dans le fond de la mer, & des montagnes très considérables, par les observations que les navigateurs ont faites avec la sonde. Les plongeurs assurent aussi qu’il y a d’autres petites inégalités formées par des rochers, & qu’il fait fort froid dans les vallées de la mer ; en général dans les grandes mers les profondeurs augmentent, comme nous l’avons dit, d’une manière assez uniforme, en s’éloignant ou en s’approchant des côtes.
Par la carte que M. Buache a dressée de la partie de l’océan comprise entre les côtes d’Afrique & d’Amérique, & par les coupes qu’il donne de la mer depuis le cap Tagrin jusqu’à la côte de Rio-Grande, il parait qu’il y a des inégalités dans tout l’océan comme sur la terre ; que les abrolhos où il y a des vigies & où l’on voit quelques rochers à fleur d’eau, ne sont que des sommets de très grosses & de très grandes montagnes, dont l’isle Dauphine est une des plus hautes pointes ; que les isles du Cap Verd ne sont de même que des sommets de montagnes ; qu’il y a un grand nombre d’écueils dans cette mer, où l’on est obligé de mettre des vigies, qu’ensuite le terrain tout autour de ces abrolhos, descend jusqu’à des profondeurs inconnues, & aussi autour des isles.

A l’égard de la qualité des différents terrains qui forment le fond de la mer, comme il est impossible de l’examiner de près, & qu’il faut s’en rapporter aux plongeurs & à la sonde, nous ne pouvons rien dire de bien précis ; nous savons seulement qu’il y a des endroits couverts de bourbe & de vase à une grande épaisseur, & sur lesquels les ancres n’ont point de tenue, c’est probablement dans ces endroits que se dépose le limon des fleuves ; dans d’autres endroits ce sont des sables semblables aux sables que nous connaissons, & qui se trouvent de même de différente couleur & de différente grosseur, comme nos sables terrestres ; dans d’autres ce sont des coquillages amoncelés, des madrépores, des coraux & d’autres productions animales, lesquelles commencent à s’unir, à prendre corps & à former des pierres ; dans d’autres ce sont des fragmens de pierre, des graviers, & même souvent des pierres toutes formées & des marbres, par exemple, dans les isles Maldives on ne bâtit qu’avec de la pierre dure, que l’on tire sous les eaux à quelques brasses de profondeur ; à Marseille on tire du très beau marbre du fond de la mer, j’en ai vu plusieurs échantillons, & bien loin que la mer altère & gâte les pierres & les marbres, nous prouverons dans notre discours sur les minéraux, que c’est dans la mer qu’ils se forment & qu’ils se conservent, au lieu que le soleil, la terre, l’air & l’eau des pluies les corrompent & les détruisent.

Nous ne pouvons donc pas douter que le fond de la mer ne soit composé comme la terre que nous habitons, puisqu’en effet on y trouve les mêmes matières, & qu’on tire de la surface du fond de la mer les mêmes choses que nous tirons de la surface de la terre ; & de même qu’on trouve au fond de la mer de vastes endroits couverts de coquillages, de madrépores, & d’autres ouvrages des insectes de la mer, on trouve aussi sur la terre une infinité de carrières & de bancs de craie & d’autres matières remplies de ces mêmes coquillages, de ces madrépores, &c. en sorte qu’à tous égards les parties découvertes du globe ressemblent à celles qui sont couvertes par les eaux, soit pour la composition & pour le mélange des matières, soit par les inégalités de la superficie. "


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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 09:35

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Aujourd'hui, abordons l'origine des marées !

 

PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE 

Du Flux & du Reflux.

 

 " L’eau n’a qu’un mouvement naturel qui lui vient de sa fluidité ; elle descend toujours des lieux les plus élevés dans les lieux les plus bas, lorsqu’il n’y a point de digues ou d’obstacles qui la retiennent ou qui s’opposent à son mouvement, & lorsqu’elle est arrivée au lieu le plus bas, elle y reste tranquille & sans mouvement, à moins que quelque cause étrangère & violente ne l’agite & ne l’en fasse sortir. Toutes les eaux de l’océan sont rassemblées dans les lieux les plus bas de la superficie de la terre ; ainsi les mouvements de la mer viennent de causes extérieures. "

 

 ...

 

" Pour bien entendre ceci il faut faire attention à la nature de la force qui produit le flux & le reflux, & réfléchir sur son action & sur ses effets. Nous avons dit que la lune agit sur la terre par une force que les uns appellent attraction, & les autres pesanteur ; cette force d’attraction ou de pesanteur pénètre le globe de la terre dans toutes les parties de sa masse, elle est exactement proportionnelle à la quantité de matière, & en même temps elle décroit comme le carré de la distance augmente : cela posé, examinons ce qui doit arriver en supposant la lune au méridien d’une plage de la mer. 

 

La surface des eaux étant immédiatement sous la lune, est alors plus près de cet astre que toutes les autres parties du globe, soit de la terre, soit de la mer, dès-lors cette partie de la mer doit s’élever vers la lune, en formant une éminence dont le sommet correspond au centre de cet astre ; pour que cette éminence puisse se former, il est nécessaire que les eaux, tant de la surface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent, ce qu’elles font en effet à proportion de la proximité où elles sont de l’astre qui exerce cette action dans la raison inverse du carré de la distance : ainsi la surface de cette partie de la mer s’élevant la première, les eaux de la surface des parties voisines s’élèveront aussi, mais à une moindre hauteur, & les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet & s’élèveront par la même cause ; en sorte que toute cette partie de la mer devenant plus haute, & formant une éminence, il est nécessaire que les eaux de la surface & du fond des parties éloignées, & sur lesquelles cette force d’attraction n’agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer les eaux qui se sont élevées ; c’est là ce qui produit le flux, qui est plus ou moins sensible sur les différentes côtes, & qui, comme l’on voit, agite la mer non seulement à sa surface, mais jusqu’aux plus grandes profondeurs. 

 

Le reflux arrive ensuite par la pente naturelle des eaux ; lorsque l’astre a passé & qu’il n’exerce plus sa force, l’eau qui s’était élevée par l’action de cette puissance étrangère, reprend son niveau & regagne les rivages & les lieux qu’elle avoit été forcée d’abandonner, ensuite lorsque la lune passe au méridien de l’Antipode du lieu où nous avons supposé qu’elle a d’abord élevé les eaux, le même effet arrive ; les eaux dans cet instant où la lune est absente & la plus éloignée, s’élèvent sensiblement, autant que dans le temps où elle est présente & la plus voisine de cette partie de la mer ; dans le premier cas les eaux s’élèvent, parce qu’elles sont plus près de l’astre que toutes les autres parties du globe ; & dans le second cas c’est par la raison contraire, elles ne s’élèvent que parce qu’elles en sont plus éloignées que toutes les autres parties du globe, & l’on voit bien que cela doit produire le même effet ; car alors les eaux de cette partie étant moins attirées que tout le reste du globe, elles s’éloigneront nécessairement du reste du globe & formeront une éminence dont le sommet répondra au point de la moindre action, c’est-à-dire, au point du ciel directement opposé à celui où se trouve la lune, ou, ce qui revient au même, au point où elle était treize heures auparavant, lorsqu’elle avait élevé les eaux la première fois ; car lorsqu’elle est parvenue à l’horizon, le reflux étant arrivé, la mer est alors dans son état naturel, & les eaux sont en équilibre & de niveau ; mais quand la lune est au méridien opposé, cet équilibre ne peut plus subsister, puisque les eaux de la partie opposée à la lune étant à la plus grande distance où elles puissent être de cet astre, elles sont moins attirées que le reste du globe, qui étant intermédiaire, se trouve être plus voisin de la lune, & dès-lors leur pesanteur relative, qui les tient toujours en équilibre & de niveau, les pousse vers le point opposé à la lune, pour que cet équilibre se conserve. 

 

Ainsi dans les deux cas lorsque la lune est au méridien d’un lieu ou au méridien opposé, les eaux doivent s’élever à très-peu près de la même quantité, & par conséquent s’abaisser & refluer aussi de la même quantité lorsque la lune est à l’horizon, & son coucher ou à son lever. 

On voit bien qu’un mouvement dont la cause & l’effet sont tels que nous venons de l’expliquer, ébranle nécessairement la masse entière des mers, & la remue dans toute son étendue & dans toute sa profondeur ; & si ce mouvement parait insensible dans les hautes mers, & lorsqu’on est éloigné des terres, il n’en est cependant pas moins réel ; le fond & la surface sont remués à peu près également, & même les eaux du fond, que les vents ne peuvent agiter comme celles de la surface, éprouvent bien plus régulièrement que celles de la surface, cette action, & elles ont un mouvement plus réglé & qui est toujours alternativement dirigé de la même façon. "

 

 ...

 

" Pour donner une idée de l’effort que fait la mer agitée contre les hautes côtes, je crois devoir rapporter un fait qui m’a été assuré par une personne très-digne de foi, & que j’ai cru d’autant plus facilement, que j’ai vu moi-même quelque chose d’approchant. 

Dans la principale des isles Orcades il y a des côtes composées de rochers coupés à plomb & perpendiculaires à la surface de la mer, en sorte qu’en se plaçant au dessus de ces rochers, on peut laisser tomber un plomb jusqu’à la surface de l’eau, en mettant la corde au bout d’une perche de 9 pieds. Cette opération, que l’on peut faire dans le temps que la mer est tranquille, a donné la mesure de la hauteur de la côte, qui est de 200 pieds. 

La marée dans cet endroit est fort considérable, comme elle l’est ordinairement dans tous les endroits où il y a des terres avancées & des isles ; mais lorsque le vent est fort, ce qui est très ordinaire en Écosse, & qu’en même temps la marée monte, le mouvement est si grand & l’agitation si violente, que l’eau s’élève jusqu’au sommet des rochers qui bordent la côte, c’est-à-dire, à 200 pieds de hauteur, & qu’elle y tombe en forme de pluie ; elle jette même à cette hauteur, des graviers & des pierres qu’elle détache du pied des rochers, & quelques-unes de ces pierres, au rapport du témoin oculaire que je cite ici, sont plus larges que la main. 

 

J’ai vu moi-même dans le port de Livourne, où la mer est beaucoup plus tranquille, & où il n’y a point de marée, une tempête au mois de décembre 1731 où l’on fut obligé de couper les mâts de quelques vaisseaux qui étaient à la rade, dont les ancres avaient quitté ; j’ai vu, dis-je, l’eau de la mer s’élever au dessus des fortifications, qui me parurent avoir une élévation très-considérable au dessus des eaux, & comme j’étais sur celles qui sont les plus avancées, je ne pus regagner la ville sans être mouillé de l’eau de la mer beaucoup plus qu’on ne peut l’être par la pluie la plus abondante. 

 

Ces exemples suffisent pour faire entendre avec quelle violence la mer agit contre les côtes ; cette violente agitation détruit, use, ronge & diminue peu à peu le terrain anciennement taillé en beaucoup d’endroits en forme d’auges de deux ou trois aunes de longueur, & larges à proportion, pour y recevoir l’eau de la mer & en faire du sel par l’évaporation, mais nonobstant la dureté de la pierre, ces auges sont à l’heure qu’il est presqu’entièrement usées & aplanies par le battement continuel des vagues. "


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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 18:52

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Aujourd'hui, abordons l'origine de la couleur de la Mer Rouge !

Preuves de la théorie de la Terre
Des Mers & des Lacs

" Ainsi on peut croire que la mer rouge est plus haute que la méditerranée, comme la mer d’Allemagne est plus haute que la mer de Hollande. Quelques anciens Auteurs, comme Hérodote & Diodore de Sicile, parlent d’un canal de communication du Nil & de la Méditerranée avec la mer rouge, & en dernier lieu M. de l’Isle a donné une carte en 1704 dans laquelle il a marqué un bout de canal qui sort du bras le plus oriental du Nil, & qu’il juge devoir être une partie de celui qui faisait autrefois cette communication du Nil avec la mer rouge. Voyez Les Mém. de l’Acad. des Sciences, année 1704.

Dans la troisième partie du Livre qui a pour titre, Connaissance de l’ancien Monde, imprimé en 1707, on trouve le même sentiment, & il y est dit d’après Diodore de Sicile, que ce fut Néco Roi d’Égypte qui commença ce canal, que Darius Roi de Perse le continua, & que Ptolomée II. l’acheva & le conduisit jusqu’à la ville d’Arsinoé ; qu’il le faisait ouvrir & fermer selon qu’il en avait besoin.
Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je suis obligé d’avouer qu’ils me paraissent douteux, & je ne sais pas si la violence & la hauteur des marées dans la mer rouge ne se seraient pas nécessairement communiquées aux eaux de ce canal, il me semble qu’au moins il aurait fallu de grandes précautions pour contenir les eaux, éviter les inondations, & beaucoup de soin pour entretenir ce canal en bon état ; aussi les Historiens qui nous disent que ce canal a été entrepris & achevé, ne nous disent pas s’il a duré, & les vestiges qu’on prétend en reconnaître aujourd’hui sont peut-être tout ce qui en a jamais été fait.
On a donné à ce bras de l’océan le nom de mer rouge, parce qu’elle a en effet cette couleur dans tous les endroits où il se trouve des madrépores sur son fond. Voici ce qui est rapporté dans l’Histoire générale des Voyages, tome I, pages 198 & 199.

« Avant que de quitter la mer rouge D. Jean examina quelles peuvent avoir été les raisons qui ont fait donner ce nom au golfe Arabique par les anciens, & si cette mer est en effet différente des autres par la couleur ; il observa que Pline rapporte plusieurs sentiments sur l’origine de ce nom ; les uns le font venir d’un Roi nommé Érythros qui régna dans ces cantons, & dont le nom en grec signifie rouge ; d’autres se sont imaginé que la réflexion du soleil produit une couleur rougeâtre sur la surface de l’eau, & d’autres que l’eau du golfe a naturellement cette couleur. Les Portugais qui avaient déjà fait plusieurs voyages à l’entrée des détroits, assuraient que toute la côte d’Arabie étant fort rouge, le sable & la poussière qui s’en détachaient & que le vent poussait dans la mer, teignaient les eaux de la même couleur.

Dom Jean qui, pour vérifier cette opinion, ne cessa point jour & nuit depuis son départ de Socotora, d’observer la nature de l’eau & les qualités des côtes jusqu’à Suez, assure que loin d’être naturellement rouge, l’eau est de la couleur des autres mers, & que le sable ou la poussière n’ayant rien de rouge non plus, ne donnent point cette teinte à l’eau du golfe. La terre sur les deux côtes est généralement brune, & noire même en quelques endroits ; dans d’autres lieux elle est blanche : ce n’est qu’au delà de Suaquen, c’est-à-dire, sur des côtes où les Portugais n’avaient point encore pénétré, qu’il vit en effet trois montagnes rayées de rouge, encore étaient-elles d’un roc fort dur, & le pays voisin étoit de la couleur ordinaire.
La vérité donc est que cette mer, depuis l’entrée jusqu’au fond du golfe, est partout de la même couleur, ce qu’il est facile de se démontrer à soi-même en puisant de l’eau à chaque lieu ; mais il faut avouer aussi que dans quelques endroits elle parait rouge par accident, & dans d’autres verte & blanche, voici l’explication de ce phénomène. Depuis Suaquen jusqu’à Kossir, c’est-à-dire, pendant l’espace de 136 lieues, la mer est remplie de bancs & de rochers de corail ; on leur donne ce nom, parce que leur forme & leur couleur les rendent si semblables au corail, qu’il faut une certaine habileté pour ne pas s’y tromper ; ils croissent comme des arbres, & leurs branches prennent la forme de celles du corail ; on en distingue deux sortes, l’une blanche & l’autre fort rouge ; ils sont couverts en plusieurs endroits d’une espèce de gomme ou de glue verte, & dans d’autres lieux, orange foncé.

Or l’eau de cette mer étant plus claire & plus transparente qu’aucune autre eau du monde, de sorte qu’à 20 brasses de profondeur l’œil pénètre jusqu’au fond, sur-tout depuis Suaquen jusqu’à l’extrémité du golfe, il arrive qu’elle parait prendre la couleur des choses qu’elle couvre ; par exemple, lorsque les rocs sont comme enduits de glue verte, l’eau qui passe par-dessus, paraît d’un vert plus foncé que les rocs mêmes, & lorsque le fond est uniquement de sable, l’eau paraît blanche ; de même lorsque les rocs sont de corail, dans le sens que j’ai donné à ce terme, & que la glue qui les environne, est rouge ou rougeâtre, l’eau se teint, ou plutôt semble se teindre en rouge ; ainsi comme les rocs de cette couleur sont plus fréquents que les blancs & les verts, Dom Jean conclut qu’on a dû donner au golfe Arabique le nom de mer rouge plutôt que celui de mer verte ou blanche ; il s’applaudit de cette découverte avec d’autant plus de raison, que la méthode par laquelle il s’en était assuré ne pouvait lui laisser aucun doute. Il faisait amarrer une flûte contre les rocs dans les lieux qui n’avaient pas assez de profondeur pour permettre aux vaisseaux d’approcher, & souvent les matelots pouvaient exécuter ses ordres à leur aise, sans avoir la mer plus haut que l’estomac à plus d’une demie-lieu des rocs ; la plus grande partie des pierres ou des cailloux qu’ils en tiraient dans les lieux où l’eau paroissoit rouge, avaient aussi cette couleur ; dans l’eau qui paraissait verte, les pierres étaient vertes, & si l’eau paraissait blanche, le fond était d’un sable blanc, où l’on n’apercevait point d’autre mélange. » "

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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 10:15

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Pour aujourd'hui, descendons les cours d'eau avec force détail sur les complexités des liquides en mouvement...

De la Théorie de la Terre
Les fleuves

" Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves, se fait d’une manière fort différente de celle qu’ont supposée les Auteurs qui ont voulu donner des théories mathématiques sur cette matière ; non seulement la surface d’une rivière en mouvement n’est pas de niveau en la prenant d’un bord à l’autre, mais même, selon les circonstances, le courant qui est dans le milieu est considérablement plus élevé ou plus bas que l’eau qui est près des bords ; lorsqu’une rivière grossit subitement par la fonte des neiges, ou lorsque par quelqu’autre cause sa rapidité augmente, si la direction de la rivière est droite, le milieu de l’eau, où est le courant, s’élève & la rivière forme une espèce de courbe convexe ou d’élévation très sensible, dont le plus haut point est dans le milieu du courant ; cette élévation est quelquefois fort considérable, & M. Hupeau, habile ingénieur des ponts & chaussées, m’a dit avoir un jour mesuré cette différence de niveau de l’eau du bord de l’Aveiron & de celle du courant, ou du milieu de ce fleuve, & avoir trouvé trois pieds de différence, en sorte que le milieu de l’Aveiron était de trois pieds plus élevé que l’eau du bord.
Cela doit en effet arriver toutes les fois que l’eau aura une très grande rapidité ; la vitesse avec laquelle elle est emportée, diminuant l’action de sa pesanteur, l’eau qui forme le courant ne se met pas en équilibre par tout son poids avec l’eau qui est près des bords, & c’est ce qui fait qu’elle demeure plus élevée que celle-ci.

D’autre côté lorsque les fleuves approchent de leur embouchure, il arrive assez ordinairement que l’eau qui est près des bords est plus élevée que celle du milieu, quoique le courant soit rapide, la rivière parait alors former une courbe concave dont le point le plus bas est dans le plus fort du courant ; ceci arrive toutes les fois que l’action des marées se fait sentir dans un fleuve. On sait que dans les grandes rivières le mouvement des eaux occasionné par les marées est sensible à cent ou deux cents lieues de la mer, on sait aussi que le courant du fleuve conserve son mouvement au milieu des eaux de la mer jusqu’à des distances fort considérables ; il y a donc dans ce cas deux mouvements contraires dans l’eau du fleuve, le milieu qui forme le courant, se précipite vers la mer, & l’action de la marée forme un contre-courant, un remous qui fait remonter l’eau qui est voisine des bords, tandis que celle du milieu descend ; & comme alors toute l’eau du fleuve doit passer par le courant qui est au milieu, elle des bords descend continuellement vers le milieu, & descend d’autant plus bas qu’elle est plus élevée & refoulée avec plus de force par l’action des marées.

Il y a deux espèces de remous dans les fleuves, le premier, qui est celui dont nous venons de parler, est produit par une force vive, telle qu’est celle de l’eau de la mer dans les marées, qui non seulement s’oppose comme obstacle au mouvement de l’eau du fleuve, mais comme corps en mouvement, & en mouvement contraire & opposé à celui du courant de l’eau du fleuve ; ce remous fait un contre-courant d’autant plus sensible que la marée est plus forte : l’autre espèce de remous n’a pour cause qu’une force morte, comme est celle d’un obstacle, d’une avance de terre, d’une isle dans la rivière, &c. quoique ce remous n’occasionne pas ordinairement un contre-courant bien sensible, il l’est cependant assez pour être reconnu, & même pour fatiguer les conducteurs de bateaux sur les rivières ; si cette espèce de remous ne fait pas toujours un contre-courant, il produit nécessairement ce que les gens de rivière appellent une morte, c’est-à-dire, des eaux mortes, qui ne coulent pas comme le reste de la rivière, mais qui tournoient de façon que quand les bâteaux y sont entraînés, il faut employer beaucoup de force pour les en faire sortir.


Ces eaux mortes sont fort sensibles dans toutes les rivières rapides au passage des ponts : la vitesse de l’eau augmente, comme l’on sait, à proportion que le diamètre des canaux par où elle passe, diminue, la force qui la pousse étant supposée la même ; la vitesse d’une rivière augmente donc au passage d’un pont, dans la raison inverse de la somme de la largeur des arches à la largeur totale de la rivière, & encore faut-il augmenter cette raison de celle de la longueur des arches, ou, ce qui est le même, de la largeur du pont ; l’augmentation de la vitesse de l’eau étant donc très-considérable en sortant de l’arche d’un pont, celle qui est à côté du courant est poussée latéralement & de côté contre les bords de la rivière, & par cette réaction il se forme un mouvement de tournoiement quelquefois très-fort.

Lorsqu’on passe sous le pont Saint-Esprit, les conducteurs sont forcés d’avoir une grande attention à ne pas perdre le fil du courant de l’eau, même après avoir passé le pont ; car s’ils laissaient écarter le bateau à droite ou à gauche, on serait porté contre le rivage avec danger de périr, ou tout au moins on serait entraîné dans le tournoiement des eaux mortes, d’où l’on ne pourroit sortir qu’avec beaucoup de peine.
Lorsque ce tournoiement causé par le mouvement du courant & par le mouvement opposé du remous est fort considérable, cela forme une espèce de petit goufre, & l’on voit souvent dans les rivières rapides à la chute de l’eau, au delà des arrières-becs des piles d’un pont, qu’il se forme de ces petits goufres ou tournoiements d’eau, dont le milieu parait être vide & former une espèce de cavité cylindrique autour de laquelle l’eau tournoie avec rapidité ; cette apparence de cavité cylindrique est produite par l’action de la force centrifuge, qui fait que l’eau tâche de s’éloigner & s’éloigne en effet du centre du tourbillon causé par le tournoiement. 

Lorsqu’il doit arriver une grande crue d’eau, les gens de rivière s’en aperçoivent par un mouvement particulier qu’ils remarquent dans l’eau, ils disent que la rivière mouve de fond, c’est-à-dire, que l’eau du fond de la rivière coule plus vite qu’elle ne coule ordinairement : cette augmentation de vîtesse dans l’eau du fond de la rivière annonce toujours, selon eux, un prompt & subit accroissement des eaux.
Le mouvement & le poids des eaux supérieures qui ne sont point encore arrivées, ne laissent pas que d’agir sur les eaux de la partie inférieure de la rivière, & leur communiquent ce mouvement ; car il faut, à certains égards, considérer un fleuve qui est contenu & qui coule dans son lit, comme une colonne d’eau contenue dans un tuyau, & le fleuve entier comme un très-long canal où tous les mouvemens doivent se communiquer d’un bout à l’autre.
Or indépendamment du mouvement des eaux supérieures, leur poids seul pourrait faire augmenter la vitesse de la rivière, & peut-être la faire mouvoir de fond ; car on sait qu’en mettant à l’eau plusieurs bateaux à la fois, on augmente dans ce moment la vîtesse de la partie inférieure de la rivière en même temps qu’on retarde la vîtesse de la partie supérieure.

La vitesse des eaux courantes ne suit pas exactement, ni même à beaucoup près, la proportion de la pente : un fleuve dont la pente serait uniforme & double de la pente d’un autre fleuve, ne devrait, à ce qu’il parait, couler qu’une fois plus rapidement que celui-ci, mais il coule en effet beaucoup plus vite encore ; sa vîtesse au lieu d’être double, est ou triple, ou quadruple, &c. cette vitesse dépend beaucoup plus de la quantité d’eau & du poids des eaux supérieures que de la pente, & lorsqu’on veut creuser le lit d’un fleuve ou celui d’un égoût, &c. il ne faut pas distribuer la pente également sur toute la longueur, il est nécessaire, pour donner plus de vitesse à l’eau, de faire la pente beaucoup plus forte au commencement qu’à l’embouchure, où elle doit être presque insensible, comme nous le voyons dans les fleuves ; lorsqu’ils approchent de leur embouchure la pente est presque nulle, & cependant ils ne laissent pas de conserver une rapidité d’autant plus grande que le fleuve a plus d’eau, en sorte que dans les grandes rivières, quand même le terrain serait de niveau, l’eau ne laisserait pas de couler, & même de couler rapidement, non seulement par la vitesse acquise, mais encore par l’action & le poids des eaux supérieures. "

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 09:25

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Où vous apprendrez qu'il n'est pas aisé de sonder les mers, et que les Pharaons n'avaient aucun goût pour les Sciences !!

Preuves de la théorie de la Terre.
ARTICLE IX. Sur les inégalités de la surface de la terre.

" Les inégalités qui sont à la surface de la terre, qu’on pourrait regarder comme une imperfection à la figure du globe, sont en même temps une disposition & qui était nécessaire pour conserver la végétation & la vie sur le globe terrestre : il ne faut, pour s’en assurer, que se prêter un instant à concevoir ce que seroit la terre si elle était égale & régulière à sa surface, on verra qu’au lieu de ces collines agréables d’où coulent des eaux pures qui entretiennent la verdure de la terre, au lieu de ces campagnes riches & fleuries où les plantes & les animaux trouvent aisément leur subsistance, une triste mer couvrirait le globe entier, & qu’il ne resterait à la terre de tous ses attributs, que celui d’être une planète obscure, abandonnée, & destinée tout au plus à l’habitation des poissons.

Mais indépendamment de la nécessité morale, laquelle ne doit que rarement faire preuve en Philosophie, il y a une nécessité physique pour que la terre soit irrégulière à sa surface, & cela, parce qu’en la supposant même parfaitement régulière dans son origine, le mouvement des eaux, les feux soûterrains, les vents & les autres causes extérieures auraient nécessairement produit à la longue des irrégularités semblables à celles que nous voyons.
Les plus grandes inégalités sont les profondeurs de l’océan comparées à l’élévation des montagnes, cette profondeur de l’océan est fort différente, même à de grandes distances des terres ; on prétend qu’il y a des endroits qui ont jusqu’à une lieue de profondeur, mais cela est rare, & les profondeurs les plus ordinaires sont depuis 60 jusqu’à 150 brasses. Les golfes & les parages voisins des côtes sont bien moins profonds, & les détroits sont ordinairement les endroits de la mer où l’eau a le moins de profondeur.

Pour sonder les profondeurs de la mer, on se sert ordinairement d’un morceau de plomb de 30 ou 40 livres qu’on attache à une petite corde, cette manière est fort bonne pour les profondeurs ordinaires ; mais lorsqu’on veut sonder de grandes profondeurs on peut tomber dans l’erreur & ne pas trouver de fond où cependant il y en a, parce que la corde étant spécifiquement moins pesante que l’eau, il arrive, après qu’on en a beaucoup dévidé, que le volume de la sonde & celui de la corde ne pèsent plus qu’autant ou moins qu’un pareil volume d’eau, dès-lors la sonde ne descend plus, & elle s’éloigne en ligne oblique en se tenant toûjours à la même hauteur ; ainsi pour sonder de grandes profondeurs, il faudrait une chaîne de fer ou d’autre matière plus pesante que l’eau : il est assez probable que c’est faute d’avoir fait cette attention, que les Navigateurs nous disent que la mer n’a pas de fond dans une si grande quantité d’endroits.

En général les profondeurs dans les hautes mers augmentent ou diminuent d’une manière assez uniforme, & ordinairement plus on s’éloigne des côtes, plus la profondeur est grande ; cependant cela n’est pas sans exception, & il y a des endroits au milieu de la mer où l’on trouve des écueils, comme aux Abrolhos dans la mer Atlantique, d’autres où il y a des bancs d’une étendue très considérable, comme le grand banc, le banc appelé le Borneur dans notre océan, les bancs & les bas-fonds de l’océan indien, &c.
De même le long des côtes les profondeurs sont fort inégales, cependant on peut donner comme une règle certaine, que la profondeur de la mer à la côte est toûjours proportionnée à la hauteur de cette même côte ; en sorte que si la côte est fort élevée, la profondeur sera fort grande, & au contraire si la plage est basse & le terrain plat, la profondeur est fort petite, comme dans les fleuves où les rivages élevés annoncent toûjours beaucoup de profondeur, & où les grèves & les bords de niveau montrent ordinairement un gué, ou du moins une profondeur médiocre. "

....

" A l’égard des profondeurs qui sont à la surface de la terre, les plus grandes sont, sans contredit, les profondeurs de la mer, mais comme elles ne se présentent point à l’œil, & qu’on n’en peut juger que par la sonde, nous n’entendons parler ici que des profondeurs de terre ferme, telles que les profondes vallées que l’on voit entre les montagnes, les précipices qu’on trouve entre les rochers, les abymes qu’on aperçoit du haut des montagnes, comme l’abyme du mont Ararath, les précipices des Alpes, les vallées des Pyrénées ; ces profondeurs sont une suite naturelle de l’élévation des montagnes, elles reçoivent les eaux & les terres  qui coulent de la montagne, le terrain en est ordinairement très-fertile & fort habité.
Pour les précipices qui sont entre les rochers, ils se forment par l’affaissement des rochers, dont la base cède quelquefois plus d’un côté que de l’autre, par l’action de l’air & de la gelée qui les fait fendre & les sépare, & par la chûte impétueuse des torrents qui s’ouvrent des routes & entraînent tout ce qui s’oppose à leur violence ; mais ces abîmes, c’est-à-dire, ces énormes & vastes précipices qu’on trouve au sommet des montagnes, & au fond desquels il n’est quelquefois pas possible de descendre, quoiqu’ils aient une demi-lieue ou une lieue de tour, ont été formés par le feu ; ces abîmes étaient autrefois les foyers des volcans, & toute la matière qui y manque, en a été rejetée par l’action & l’explosion de ces feux, qui depuis se sont éteints faute de matière combustible.
L’abîme du mont Ararath dont M. de Tournefort donne la description dans son voyage du Levant, est environné de rochers noirs & brûlés, comme seront quelque jour les abymes de l’Etna, du Vésuve & de tous les autres volcans, lorsqu’ils auront consumé toutes les matières combustibles qu’ils renferment.

Dans l’histoire naturelle de la province de Stafford en Angleterre, par Plot, il est parlé d’une espèce de goufre qu’on a sondé jusqu’à la profondeur de deux mille six cens pieds perpendiculaires, sans qu’on y ait trouvé d’eau, on n’a pû même en trouver le fond, parce que la corde n’étoit pas assez longue.
Les grandes cavités & les mines profondes sont ordinairement dans les montagnes, & elles ne descendent jamais, à beaucoup près, au niveau des plaines, ainsi nous ne connaissons par ces cavités que l’intérieur de la montagne & point du tout celui du globe.
D’ailleurs, ces profondeurs ne sont pas en effet fort considérables, Ray assure que les mines les plus profondes n’ont pas un demi-mille de profondeur. La mine de Cotteberg, qui du temps d’Agricola passoit pour la plus profonde de toutes les mines connues, n’avait que 2500 pieds de profondeur perpendiculaire. Il est vrai qu’il y a des trous dans certains endroits, comme celui dont nous venons de parler dans la province de Stafford, ou le Poolshole dans la province de Darby en Angleterre, dont la profondeur est peut-être plus grande, mais tout cela n’est rien en comparaison de l’épaisseur du globe.

Si les Rois d’Égypte, au lieu d’avoir fait des pyramides & élevé d’aussi fastueux monuments de leurs richesses & de leur vanité, eussent fait la même dépense pour sonder la terre & y faire une profonde excavation, comme d’une lieue de profondeur, on aurait peut-être trouvé des matières qui auraient dédommagé de la peine & de la dépense, ou tout au moins on aurait des connaissances qu’on n’a pas sur les matières dont le globe est composé à l’intérieur, ce qui serait peut-être fort utile.  "

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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 08:42

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Aujourd'hui, abordons le délicat problème des coquillages trouvés si loin des rivages sans remettre en cause le Déluge de la Bible... Et où à la fin de l'article, nous découvrirons de cocasses hypothèses...

PREUVES DE LA THEORIE DE LA TERRE.
ARTICLE VIII.
Sur les Coquilles & les autres Productions de la mer, qu’on trouve dans l’intérieur de la terre.

" J’ai souvent examiné des carrières au haut en bas, dont les bancs étaient remplis de coquilles ; j’ai vu des collines entières qui en sont composées, des chaînes de rochers qui en contiennent une grande quantité dans toute leur étendue. Le volume de ces productions de la mer est étonnant, & le nombre de ces dépouilles d’animaux marins est si prodigieux, qu’il n’est guère possible d’imaginer qu’il puisse y en avoir davantage dans la mer ; c’est en considérant cette multitude innombrable de coquilles & d’autres productions marines, qu’on ne peut pas douter que notre terre n’ait été pendant un très long temps un fond de mer peuplé d’autant de coquillages que l’est actuellement l’océan : la quantité en est immense, & naturellement on n’imaginerait pas qu’il y eut dans la mer une multitude aussi grande de ces animaux ; ce n’est que par celle des coquilles fossiles & pétrifiées qu’on trouve sur la terre, que nous pouvons en avoir une idée. En effet, il ne faut pas croire, comme se l’imaginent tous les gens qui veulent raisonner sur cela sans avoir rien vu, qu’on ne trouve ces coquilles que par hasard, qu’elles sont dispersées ça & là, ou tout au plus par petits tas, comme des coquilles d’huîtres jetées à la porte ; c’est par montagnes qu’on les trouve, c’est par bancs de 100 & de 200 lieues de longueur ; c’est par collines & par provinces qu’il faut les toiser, souvent dans une épaisseur de 50 ou 60 pieds, & c’est d’après ces faits qu’il faut raisonner. "

...

" Un Potier de terre qui ne savait ni latin ni grec, fut le premier vers la fin du 16 siècle qui osa dire dans Paris, & à la face de tous les Docteurs, que les coquilles fossiles étaient de véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elles se trouvaient alors ; que des animaux, & sur-tout des poissons, avaient donné aux pierres figurées toutes leurs différentes figures, &c. & il défia hardiment toute l’école d’Aristote d’attaquer ses preuves ; c’est Bernard Palissy, Saintongeois, aussi grand Physicien que la Nature seule en puisse former un : cependant son système a dormi près de cent ans, & le nom même de l’auteur est presque mort.
Enfin les idées de Palissy se sont réveillées dans l’esprit de plusieurs savants, elles ont fait la fortune qu’elles méritaient, on a profité de toutes les coquilles, de toutes les pierres figurées que la terre a fournies, peut-être seulement sont-elles devenues aujourd’hui trop communes, & les conséquences qu’on en tire, sont en danger d’être bientôt trop incontestables.

Malgré cela ce doit être encore une chose étonnante que le sujet des observations présentes de M. de Reaumur, une masse de 130 680 000 toises cubiques, enfouie sous terre, qui n’est qu’un amas de coquilles ou de fragments de coquilles sans nul mélange de matière étrangère, ni pierre, ni terre, ni sable ; jamais jusqu’à présent les coquilles fossiles n’ont paru en cette énorme quantité, & jamais, quoiqu’en une quantité beaucoup moindre, elles n’ont paru sans mélange. C’est en Touraine que se trouve ce prodigieux amas à plus de 36 lieues de la mer : on l’y connaît, parce que les paysans de ce canton se servent de ces coquilles qu’ils tirent de terre, comme de marne, pour fertiliser leurs campagnes, qui sans cela  seraient absolument stériles. "

...

" Il paraît assez par-là qu’elles n’ont pu être apportées que successivement, & en effet comment la mer voiturerait-elle tout-à-la fois une si prodigieuse quantité de coquilles, & toutes dans une position horizontale ? elles ont dû s’assembler dans un même lieu, & par conséquent ce lieu a été le fond d’un golfe ou une espèce de bassin.
Toutes ces réflexions prouvent que quoiqu’il ait dû rester, & qu’il reste effectivement sur la terre beaucoup de vestiges du déluge universel rapporté par l’écriture sainte, ce n’est point ce déluge qui a produit l’amas des coquilles de Touraine, peut-être n’y en a-t-il d’aussi grands amas dans aucun endroit du fond de la mer ; mais enfin le déluge ne les en aurait pas arrachées, & s’il l’avait fait, cela aurait été avec une impétuosité & une violence qui n’aurait pas permis à toutes ces coquilles d’avoir une même position ; elles ont dû être apportées & déposées doucement, lentement, & par conséquent en un temps beaucoup plus long qu’une année.

Il faut donc, ou qu’avant, ou qu’après le déluge la surface de la terre ait été, du moins en quelques endroits, bien différemment disposée de ce qu’elle est aujourd’hui, que les mers & les continents y aient eu un autre arrangement, & qu’enfin il y ait eu un grand golfe au milieu de la Touraine. Les changements qui nous sont connus depuis le temps des histoires ou des fables qui ont quelque chose d’historique, sont à la vérité peu considérables, mais ils nous donnent lieu d’imaginer aisément ceux que des temps plus longs pourroient amener. M. de Reaumur imagine comment le golfe de Touraine tenait à l’océan, & quel était le courant qui y charriait les coquilles, mais ce n’est qu’une simple conjecture donnée pour tenir lieu du véritable fait inconnu, qui sera toujours quelque chose d’approchant. Pour parler sûrement sur cette matière, il faudrait avoir des espèces de cartes géographiques dressées selon toutes les minières de coquillages enfouis en terre ; quelle quantité d’observations ne faudrait-il pas, & quel temps pour les avoir ! Qui sait cependant si les sciences n’iront pas un jour jusque-là, du moins en partie ?

Cette quantîté si considérable de coquilles nous étonnera moins, si nous faisons attention à quelques circonstances qu’il est bon de ne pas omettre ; la première est que les coquillages se multiplient prodigieusement & qu’ils croissent en fort peu de temps, l’abondance d’individus dans chaque espèce prouve leur fécondité, on a un exemple de cette grande multiplication dans les huîtres : on enlève quelquefois dans un seul jour un volume de ces coquillages de plusieurs toises de grosseur, on diminue considérablement en assez peu de temps les rochers dont on les sépare, & il semble qu’on épuise les autres endroits où on les pêche ; cependant l’année suivante on en retrouve autant qu’il y en avait auparavant, on ne s’aperçoit pas que la quantité d’huîtres soit diminuée, & je ne sache pas qu’on ait jamais épuisé les endroits où elles viennent naturellement. Une seconde attention qu’il faut faire, c’est que les coquilles sont d’une substance analogue à la pierre, qu’elles se conservent très-long-temps dans les matières molles, qu’elles se pétrifient aisément dans les matières dures, & que ces productions marines & ces coquilles que nous trouvons sur la terre, étant les dépouilles de plusieurs siècles, elles ont dû former un volume fort considérable. "

...

" Mais suivons ; on trouve ces productions marines dans les Alpes, même au dessus des plus hautes montagnes, par exemple, au dessus du mont Cénis, on en trouve dans les montagnes de Gènes, dans les Apennins & dans la plupart des carrières de pierre ou de marbre en Italie. On en voit dans les pierres dont sont bâtis les plus anciens édifices des Romains, il y en a dans les montagnes du Tirol & dans le centre de l’Italie, au sommet du mont Paterne près de Boulogne, dans les mêmes endroits qui produisent cette pierre lumineuse qu’on appelle la pierre de Boulogne : on en trouve dans les collines de la Pouille, dans celles de la Calabre, en plusieurs endroits de l’Allemagne & de la Hongrie, & généralement dans tous les lieux élevés de l’Europe. Voyez sur cela Stenon, Ray, Woodward, &c.

En Asie & en Afrique les voyageurs en ont remarqué en plusieurs endroits, par exemple, sur la montagne de Castravan au dessus de Barut il y a un lit de pierre blanche, mince comme de l’ardoise, dont chaque feuille contient un grand nombre & une grande diversité de poissons, ils sont la plupart fort plats & fort comprimez, comme est la fougère fossile, & ils sont cependant si bien conservés qu’on y remarque parfaitement jusqu’aux moindres traits des nageoires, des écailles & de toutes les parties qui distinguent chaque espèce de poisson. On trouve de même beaucoup d’oursins de mer & de coquilles pétrifiées entre Suez & le Caire, & sur toutes les collines & les hauteurs de la Barbarie ; la plupart sont exactement conformes aux espèces qu’on prend actuellement dans la mer rouge. Voyez les Voyages de Shaw, volume 2, pages 70 & 84.

Dans notre Europe on trouve des poissons pétrifiés en Suisse, en Allemagne, dans la carrière d’Oningen, &c. La longue chaîne de montagnes, dit M. Bourguet, qui s’étend d’occident en orient, depuis le fond du Portugal jusqu’aux parties les plus orientales de la Chine, celles qui s’étendent collatéralement du côté nord & du midi, les montagnes d’Afrique & d’Amérique qui nous sont connues, les vallées & les plaines de l’Europe, renferment toutes des couches de terre & de pierres qui sont remplies de coquillages, & de-là on peut conclure pour les autres parties du monde qui nous sont inconnues.
Les isles de l’Europe, celles de l’Asie & de l’Amérique où les Européens ont eu l’occasion de creuser, soit dans les montagnes, soit dans les plaines, fournissent aussi des coquilles, ce qui fait voir qu’elles ont cela de commun avec les continens qui les avoisinent. Voyez Lettr. Philos. sur la form. des sels, page 205.

En voilà assez pour prouver qu’en effet on trouve des coquilles de mer, des poissons pétrifiez & d’autres productions marines presque dans tous les lieux où on a voulu les chercher, & qu’elles y sont en prodigieuse quantité.
« Il est vrai, dit un auteur Anglais (Tancred Robinson) qu’il y a eu quelques coquilles de mer dispersées çà & là sur la terre par les armées, par les habitants des villes & des villages, & que la Loubère rapporte dans son voyage de Siam, que les singes au cap de Bonne-espérance s’amusent continuellement à transporter des coquilles du rivage de la mer au dessus des montagnes, mais cela ne peut pas résoudre la question pourquoi ces coquilles sont dispersées dans tous les climats de la terre, & jusque dans l’intérieur des plus hautes montagnes, où elles sont posées par lit, comme elles le sont dans le fond de la mer. »

En lisant une lettre italienne sur les changements arrivés au globe terrestre, imprimée à Paris cette année (1746) je m’attendais à y trouver ce fait rapporté par la Loubère, il s’accorde parfaitement avec les idées de l’auteur ; les poissons pétrifiés ne sont, à son avis, que des poissons rares, rejetés de la table des Romains, parce qu’ils n’étaient pas frais ; & à l’égard des coquilles ce sont, dit-il, les pélerins de Syrie qui ont rapporté dans le temps des croisades celles des mers du levant qu’on trouve actuellement pétrifiées en France, en Italie & dans les autres états de la chrétienté ; pourquoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes & dans tous les lieux où les hommes ne peuvent habiter, cela n’eût rien gâté, & eut rendu son explication encore plus vraisemblable. Comment se peut-il que des personnes éclairées & qui se piquent même de philosophie, aient encore des idées aussi fausses sur ce sujet ? "

 

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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 09:34

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Cette fois-ci, nous abordons la géographie...

Géographie
Sur la production des couches ou lits de terre

" On voit par cette énumération que le terrain de Marly-la-Ville a été autrefois un fond de mer qui s’est élevé au moins de 75 pieds, puisqu’on trouve des coquilles à cette profondeur de 75 pieds. Ces coquilles ont été transportées par le mouvement des eaux en même temps que le sable où on les trouve, & le tout est tombé en forme de sédiments qui se sont arrangés de niveau & qui ont produit les différentes couches de sable gris, blanc, rayé de blanc & de rouge, & dont l’épaisseur totale est de 15 ou 18 pieds ; toutes les autres couches supérieures jusqu’à la première ont été de même transportées par le mouvement des eaux de la mer, & déposées en forme de sédiments, comme on ne peut en douter, tant à cause de la situation horizontale des couches, qu’à cause des différents lits de sable mêlé de coquilles, & de ceux de marne, qui ne sont que des débris, ou plutôt des détriments de coquilles, la dernière couche elle-même a été formée presqu’en entier par le limon dont nous avons parlé, qui s’est mêlé avec une partie de la marne qui était à la surface.

J’ai choisi cet exemple comme le plus désavantageux à notre explication, parce qu’il paraît d’abord fort difficile de concevoir que le limon de l’air & celui des pluies & des rosées aient pû produire une couche de terre franche épaisse de 13 pieds ; mais on doit observer d’abord qu’il est très-rare de trouver, sur-tout dans les pays un peu élevés, une épaisseur de terre labourable aussi considérable ; ordinairement les terres ont trois ou quatre pieds, & souvent elles n’ont pas un pied d’épaisseur. dans les plaines environnées de collines cette épaisseur de bonne terre est plus grande, parce que les pluies détachent les terres de ces collines & les entraînent dans les vallées, mais en ne supposant ici rien de tout cela, je vois que les dernières couches formées par les eux de la mer sont des lits de marne fort épais ; il est naturel d’imaginer que cette marne avait au commencement une épaisseur encore plus grande, & que des 13 pieds qui composent l’épaisseur de la couche supérieure il y en avait plusieurs de marne lorsque la mer a abandonné ce pays & a laissé le terrain à découvert.

Cette marne exposée à l’air se sera fondue par les pluies, l’action de l’air & de la chaleur du soleil y aura produit des gerçures, de petites fentes, & elle aura été altérée par toutes ces causes extérieures au point de devenir une matière divisée & réduite en poussière à la surface, comme nous voyons la marne que nous tirons de la carrière tomber en poudre lorsqu’on la laisse exposée aux injures de l’air : la mer n’aura pas quitté ce terrain si brusquement qu’elle ne l’ait encore recouvert quelquefois, soit par les alternatives du mouvement des marées, soit par l’élévation extraordinaire des eaux dans les gros temps, & elle aura mêlé avec cette couche de marne, de la vase, de la boue & d’autres matières limoneuse, lorsque le terrain se sera trouvé tout à fait élevé au dessus des eaux, les plantes auront commencé à y croître, & c’est alors que le limon des pluies & des rosées aura peu à peu coloré & pénétré cette terre, & lui aura donné un premier degré de fertilité que les hommes auront bientôt augmentée par la culture, en travaillant & divisant la surface, & donnant ainsi au limon des rosées & des pluies la facilité de pénétrer plus avant, ce qui à la fin aura produit cette couche de terre franche de 13 pieds d’épaisseur. "

...

" La surface du globe, dit Woodward, cette couche extérieure sur laquelle les hommes & les animaux marchent, qui sert de magasin pour la formation des végétaux & des animaux, est, pour la plus grande partie, composée de matière végétale ou animale qui est dans un mouvement & dans un changement continuel. Tous les animaux & les végétaux qui ont existé depuis la création du monde, ont toujours tiré successivement de cette couche la matière qui a composé leur corps, & ils lui ont rendu à leur mort cette matière empruntée, elle y reste, toujours prête à être reprise de nouveau & à servir pour former d’autres corps de la même espèce successivement sans jamais discontinuer ; car la matière qui compose un corps, est propre & naturellement disposée pour en former un autre de cette espèce. "

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7 novembre 2010 7 07 /11 /novembre /2010 20:50

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La Terre est-elle pleine, ou vide ? Et comment s'en faire une idée ?

De la formation de la Terre

" Si la terre était un globe creux & vide dont la croûte n’aurait, par exemple, que deux ou trois lieues d’épaisseur, il en résulterait :
1° que les montagnes seraient dans ce cas, des parties si considérables de l’épaisseur totale de la croûte, qu’il y aurait une grande irrégularité dans les mouvements de la terre par l’attraction de la lune & du soleil ; car quand les parties les plus élevées du globe, comme les Cordillières, auraient la lune au méridien, l’attraction serait beaucoup plus forte sur le globe entier que quand les parties les plus basses auraient de même cet astre au méridien.
2° L’attraction des montagnes serait beaucoup plus considérable qu’elle ne l’est en comparaison de l’attraction totale du globe, & les expériences faites à la montagne Chimboraço au Pérou, donneraient dans ce cas plus de degrés qu’elles n’ont donné de secondes pour la deviation du fil à plomb.
3° La pesanteur des corps serait plus grande au dessus d’une haute montagne, comme le Pic de Ténériffe, qu’au niveau de la mer, en sorte qu’on se sentirait considérablement plus pesant & qu’on marcherait plus difficilement dans les lieux élevés que dans les lieux bas. Ces considérations & quelques autres qu’on pourrait y ajouter, doivent nous faire croire que l’intérieur du globe n’est pas vide & qu’il est rempli d’une matière assez dense.

D’autre côté, si au dessous de deux ou trois lieues la terre était remplie d’une matière beaucoup plus dense qu’aucune des matières que nous connaissons, il arriverait nécessairement que toutes les fois qu’on descendrait à des profondeurs même médiocres, on pèserait sensiblement beaucoup plus, les pendules s’accéléreraient beaucoup plus qu’ils ne s’accélèrent en effet lorsqu’on les transporte d’un lieu élevé dans un lieu bas ; ainsi nous pouvons présumer que l’intérieur de la terre est rempli d’une matière à peu près semblable à celle qui compose sa surface.

Ce qui peut achever de nous déterminer en faveur de ce sentiment, c’est que dans le temps de la première formation du globe, lorsqu’il a pris la forme d’un sphéroïde aplati sous les poles, la matière qui le compose, était en fusion, & par conséquent homogène, & à peu près également dense dans toutes ses parties, aussi-bien à a surface qu’à l’intérieur. Depuis ce temps la matière de la surface, quoique la même, a été remuée & travaillée par les causes extérieures, ce qui a produit des matières de différentes densités ; mais on doit remarquer que les matières qui, comme l’or & les métaux, sont les plus denses, sont aussi celles qu’on trouve le plus rarement, & qu’en conséquence de l’action des causes extérieures la plus grande partie de la matière qui compose le globe à la surface, n’a pas subi de très-grands changements par rapport à sa densité, & les matières les plus communes, comme le sable & la glaise, ne diffèrent pas beaucoup en densité, en sorte qu’il y a tout lieu de conjecturer avec grande vraisemblance, que l’intérieur de la terre est rempli d’une matière vitrifiée dont la densité est à peu près la même que celle du sable, & que par conséquent le globe terrestre en général peut être regardé comme homogène.

Il reste une ressource à ceux qui veulent absolument faire des suppositions, c’est de dire que le globe est composé de couches concentriques de différentes densités, car dans ce cas le mouvement diurne sera égal, & l’inclinaison de l’axe constante comme dans le cas de l’homogénéité. Je l’avoue, mais je demande en même temps s’il y a aucune raison de croire que ces couches de différentes densités existent, si ce n’est pas vouloir que les ouvrages de la Nature s’ajustent à nos idées abstraites, & si l’on doit admettre en Physique une supposition qui n’est fondée sur aucune observation, aucune analogie, & qui ne s’accorde avec aucune des inductions que nous pouvons tirer d’ailleurs. "


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28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 18:38

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Aujourd'hui, continuons avec les planètes ! Se mêlent dans cet extrait des idées aujourd'hui dépassées et des fulgurances intelelctuelles que la Science du 20ème siècle semble confirmer...

De la nature des planètes

" Mais, dira-t-on une seconde fois, si la matière qui compose les planètes a été séparée du corps du soleil, les planètes devraient être, comme le soleil, brûlantes & lumineuses, & non pas froides & opaques comme elles le sont : rien ne ressemble moins à ce globe de feu qu’un globe de terre & d’eau, & à en juger par comparaison, la matière de la terre & des planètes est tout à fait différente de celle du soleil.

A cela on peut répondre que dans la séparation qui s’est faite des particules plus ou moins denses, la matière a changé de forme, & que la lumière ou le feu se sont éteints par cette séparation causée par le mouvement d’impulsion. D’ailleurs, ne peut-on pas soupçonner que si le soleil ou une étoile brûlante & lumineuse par elle-même se mouvait avec autant de vitesse que se meuvent les planètes, le feu s’éteindrait peut-être, & que c’est par cette raison que toutes les étoiles lumineuses sont fixes & ne changent pas de lieu, & que ces étoiles que l’on appelle nouvelles, qui ont probablement changé de lieu, se sont éteintes aux yeux même des observateurs ? Ceci se confirme par ce qu’on a observé sur les comètes, elles doivent brûler jusqu’au centre lorsqu’elles passent à leur périhélie ; cependant elles ne deviennent pas lumineuses par elles-mêmes, on voit seulement qu’elles exhalent des vapeurs brûlantes dont elles laissent en chemin une partie considérable.

J’avoue que si le feu peut exister dans un milieu où il n’y a point ou très-peu de résistance, il pourrait aussi souffrir un très- rand mouvement sans s’éteindre ;  j’avoue aussi que ce que je viens de dire ne doit s’entendre que des étoiles qui disparaissent pour toujours, & que celles qui ont des retours périodiques, & qui se montrent & disparaissent alternativement, sans changer de lieu, sont fort différentes de celles dont je parle ; les phénomènes de ces astres singuliers ont été expliqués d’une manière très satisfaisante par M. de Maupertuis dans son Discours sur la Figure des Astres, & je suis convaincu qu’en partant des faits qui nous sont connus, il n’est pas possible de mieux deviner qu’il l’a fait ; mais les étoiles qui ont paru & ensuite disparu pour toujours, se sont vraisemblablement éteintes, soit par la vitesse de leur mouvement, soit par quelqu’autre cause, & nous n’avons point d’exemple dans la Nature qu’un astre lumineux tourne autour d’un autre astre ; de vingt-huit ou trente comètes & de treize planètes qui composent notre système, & qui se meuvent autour du soleil avec plus ou moins de rapidité, il n’y en a pas une de lumineuse par elle-même.

Ou pourrait répondre encore que le feu ne peut pas subsister aussi longtemps dans les petites que dans les grandes masses, & qu’au sortir du soleil les planètes ont du brûler pendant quelque temps, mais qu’elles se sont éteintes faute de matières combustibles, comme le soleil s’éteindra probablement par la même raison, mais dans des âges futurs & aussi éloignés des temps auxquels les planètes se sont éteintes, que sa grosseur l’est de celle des planètes : quoi qu’il en soit, la séparation des parties plus ou moins denses, qui s’est faite nécessairement dans le temps que la comète a poussé hors du soleil la matière des planètes, me paraît suffisante pour rendre raison de cette extinction de leurs feux.

La terre & les planètes au sortir du soleil étaient donc brûlantes & dans un état de liquéfaction totale, cet état de liquéfaction n’a duré qu’autant que la violence de la chaleur qui l’avait produit ;  peu à peu les planètes se sont refroidies, & c’est dans le temps de cet état de fluidité causée par le feu, qu’elles auront pris leur figure, & que leur mouvement de rotation aura fait élever les parties de l’équateur en abaissant les poles. "

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13 octobre 2010 3 13 /10 /octobre /2010 07:27

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Aujourdui, en répondant à l'origine des planètes, nous esquissons le principe de l'orbite satellitaire !


De la formation des planètes

" Mais, dira-t-on, si la comète en tombant obliquement sur le Soleil, en a sillonné la surface & en a fait sortir la matière qui compose les planètes, il paraît que toutes les planètes, au lieu de décrire des cercles dont le soleil est le centre, auraient au contraire à chaque révolution rasé la surface du soleil, & seraient revenues au même point d’où elles étaient parties, comme ferait tout projectile qu’on lancerait avec assez de force d’un point de la surface de la terre, pour l’obliger à tourner perpétuellement ; car il est aisé de démontrer que ce corps reviendrait à chaque révolution au point d’où il auroit été lancé, & dès-lors on ne peut pas attribuer à l’impulsion d’une comète la projection des planètes hors du soleil, puisque leur mouvement autour de cet astre est différent de ce qu’il serait dans cette hypothèse.

A cela je réponds que la matière qui compose les planètes n’est pas sortie de cet astre en globes tout formés, auxquels la comète aurait communiqué son mouvement d’impulsion, mais que cette matière est sortie sous la forme d’un torrent dont le mouvement des parties antérieures a dû être accéléré par celui des parties postérieures ; que d’ailleurs l’attraction des parties antérieures a dû aussi accélérer le mouvement des parties postérieures, & que cette accélération de mouvement, produite par l’une ou l’autre de ces causes, & peut-être par toutes les deux, a pû être telle qu’elle aura changé la première direction du mouvement d’impulsion, & qu’il a pu eu résulter un mouvement tel que nous l’observons aujourd’hui dans les planètes, surtout en supposant que le choc de la comète a déplacé le soleil ; car pour donner un exemple qui rendra ceci plus sensible, supposons qu’on tira du haut d’une montagne une balle de mousquet, & que la force de la poudre fût assez grande pour la pousser au delà du demi-diamètre de la terre, il est certain que cette balle tournerait autour du globe & reviendrait à chaque révolution passer au point d’où elle aurait été tirée ; mais si au lieu d’une balle de mousquet nous supposons qu’on ait tiré une fusée volante où l’action du feu serait durable & accélérerait beaucoup le mouvement d’impulsion, cette fusée, ou plutôt le cartouche qui la contient, ne reviendrait pas au même point, comme la balle de mousquet, mais décrirait un orbe dont le périgée serait d’autant plus éloigné de la terre, que la force d’accélération auroit été plus grande & aurait changé davantage la première direction, toutes choses étant supposées égales d’ailleurs.

Ainsi pourvus qu’il y ait eu de l’accélération dans le mouvement d’impulsion communiqué au torrent de matière par la chute de la comète, il est très possible que les planètes qui se sont formées dans ce torrent, aient acquis le mouvement que nous leur connaissons dans des cercles ou des ellipses dont le soleil est le centre ou le foyer.  "

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