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12 janvier 2011 3 12 /01 /janvier /2011 20:47

Bonjour à toutes et à tous !

 

Petite chronique cinéma avec un film de 2004, raté au cinéma, Nobody knows du réalisateur japonais Kore-eda Hirokazu. Ce n'est pas de la SF, mais la narration est d'un très haut niveau !

 

nobody knows jaquette

 

Le film raconte la vie de quatre enfants, nés de quatre pères différents, abandonnés par leur mère insouciante, au comportement infantile dans un nouvel appartement dans une ville japonaise contemporaine, une première fois un mois, puis à noël pour ne plus jamais revenir... Arrivés cachés dans des valises pour ne pas être vus des propriétaires, ils vont vivre enfermés. Seul l'aîné a le droit de sortir pour les courses.

Leur mère leur envoie parfois de l'argent, le fils aîné trouve de l'argent également du côté des pères. Mais la survie devient difficile, seuls, abandonnés, non scolarisés, sans que personne ne se préoccupe réellement de leur sort, eau et électricité coupées.

L'adolescent finira par rencontrer une jeune fille qui tentera de leur venir en aide. Mais le destin est en marche. La plus jeune des filles meurt...

 

nobodyknows famille

 

Oubliez tout de suite toute référence au cinéma révolté de Ken Loach, de la critique sociale "à la française" moralisatrice. Nous sommes dans la retenue, la description soignée de la vie quotidienne de ces enfants qui suffit en elle-même à narrer le sort de ces exclus par le mode même des relations sociales au japon, du moins l'ai-je resenti ainsi, tout en n'oubliant pas que les abandons d'enfants, l'exclusion social existent partout ailleurs...

 

Quelque soit "l'exotisme" du film, l'histoire m'a profondément touchée, elle est universelle, alors que paradoxalement elle semble absolument japonaise !

 

Certes la mère paraît irresponsable, on oscille entre détestation et empathie avec ce personnage, simplement de passage dans la vie de ses propres enfants... Mais elle n'abandonne pas ses enfants parce qu'elle ne peut s'en occuper ou parce qu'elle est trop pauvre, qu'elle est prostituée, qu'elle a des tendances suicidaires, etc... Mais parce qu'elle veut refaire sa vie avec un homme, et que ses quatre premiers enfants sont un obstacle social insurmontable...

Et c'est une raison terrible, insupportable, révoltante.

 

Mais au-delà du drame social de la puissance des convenances japonaises encore vivaces au pays du soleil levant, où les femmes sont en position sociale très inférieur à l'homme, quasi absente des postes dirigeants, ou le mariage reste une institution très forte, Nobody knows est un formidable film sur la notion d'individualité et de sociabilité dans une société citadine.

 

Ces enfants vivants en vase-clos, non scolarisés, survivent, c'est un fait. Une fois l'eau coupée, ils vont se laver et boire, au parc voisin à un point d'eau public. La solidarité d'un employé de l'épicerie voisine qui leur donne de la nourriture leur permet de manger quand il n'y a plus d'argent.

 

Mais surtout, personne, absolument personne ne va faire quoi que ce soit pour eux, n'appellera les services sociaux qui existent pourtant. Une caissière de l'épicerie leur conseille pourtant de le faire, mais l'aîné refuse, ne voulant pas être séparés de sa soeur et de son jeune frère. Les pères sont absents, la mère est absente.

 

Tout les adultes alentour également sont absents.

Par politesse, pour ne pas s'immiscer dans la vie d'autrui, même d'enfants qui cachent aux adultes leur situtation de toute manière... Il n'y a là nulle méchanceté, mais l'impossibilité mental et morale des adultes à croire une telle vie possible, un tel abandon envisageable.

 

Qualité indispensable pour obtenir une histoire puissante, le scénario pousse la logique jusqu'au bout. Tellement isolés, incapables de revenir dans le monde adulte pour y trouver de l'aide, ces enfants ne seront pas capables de sauver l'un d'entre-eux...

La plus jeune des filles tombe de chaise, a un traumatisme crânien et meurt dans le petit appartement. l'aîné volera des médicaments, en pure perte, n'appellera pas les propriétaires du logement, un médecin...


nobody-knows-fille

Avec l'aide de la jeune fille elle aussi en rupture d'école dont ses parents ne semblent pas se soucier de ce qu'elle fait de toute la journée, ils vont enterrer la petite morte près de l'aéroport, après l'avoir sorti transporter dans une valise à roulettes...

 

Mais sans doute ce qui rend ce film traumatisant à vrai dire, c'est que l'amie du fils aîné va prendre la place de la morte, le quatuor continuera sa vie parallèle. Il n'y a ni dénouement, ni fin heureuse ou malheureuse, ni espoir, ni désespoir.

Sinon que la vie va continuer comme il est possible qu'elle continue dans les conditions matérielles qui sont faites à ces enfants...

 

Le dernier plan faussement "happy end", avec ces quatre enfants de dos marchant quasiment joyeusement dans une rue, est cyniquement trompeur

 

Nobody knows parvient à nous faire ressentir la notion d'individu de manière très juste. L'individu est une abstraction, il n'existe vraiment qu'au sein d'une société, au contact d'autrui. D'une certaine manière, je rapprocherais Nobody knows du film de François Truffaut, L'enfant sauvage, qui traite aussi de la sociabilité de l'individu.

 

Du moins, c'est la théorie...

 

Car ces enfants savent lire et écrire, tentent de sauvegarder propreté et respect de la loi. Ils n'ont rien d'inquiétant, de menaçant. Ils tentent de survivre dans la discrétion, sans scandales, résignés à leur sort. Mais pourtant, ils n'existent pas. Pas vraiment. Ils n'ont aucune importance, peuvent mourir.

 

La société ne tient donc pas ses promesses. Elle ne s'occupe pas de ses enfants, ni délinquants, ni méchants, seulement abandonnés par leur mère. Le long métrage  donne là le frisson...

 

Nobody knows est un véritable film d'horreur social, d'une rare brutalité dans un calme trompeur.

 

Je ne saurais que vous conseiller de le visionner si ce n'est déjà fait...

Gulzar

 

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