SPECIAL
Bonjour à toutes et tous.
Suite, mais pas encore fin, des films diffusés par Bach Films, avec un second film de W. Lee Wilder, Les tueurs de l’Espace, toujours de 1953, année productive donc.
La menace vient donc toujours de l’Espace intersidérale, rassurez-vous. Un avion avec à son bord un scientifique récoltant des données d’un essai de bombe atomique s’écrase, attirée par une mystérieuse lumière au sol. On le croit mort, mais voilà qu’il ressurgit à la porte de la base en pleine forme, une mystérieuse cicatrice sur la poitrine…
Ses supérieurs veulent le mettre au repos, mais il tient à retourner au travail. Pire, il vole des documents secrets sur la bombe et s’enfuit vers le lieu du crash de l’avion.
Arrêté, il se retrouve de nouveau au repos forcé à la base, notre beau scientifique par l’usage de sérum de vérité raconte ce qui s’est passé. Il a été enlevé par des extra-terrestres aux yeux exorbitants qui récoltent l’énergie des bombes atomiques et se préparent à envahir la Terre !
De nouveau, il s’enfuit pour aller arrêter l’alimentation en électricité de la région. En effet, les extra-terrestres ne peuvent contenir l’énergie atomique récoltée qu’en se branchant sur le réseau. Parvenant à ses fins en menaçant un technicien d’une arme, la base secrète des visiteurs explosent… La Terre est sauvée, le beau scientifique retrouve son honneur, il n’avait pas menti.
Sur la forme et le fond, l’on retrouve l’ambiance du Fantôme de l’Espace, chroniqué précédemment. Le film commence sur un ton documentaire, avec des images d’archives des essais atomiques états-uniens, d’ailleurs très instructifs. L’on voit des militaires, des civils mettre de simples lunettes pour toute protection, vaguement se mettre à l’abri dans une tranchée tandis qu’on charge les caméras de bobines. Toute une époque, qu‘il est agréable de redécouvrir… Le souci d’ancrer ces films de série Z divertissant sur de réelles bases scientifique et historique est flagrant et grandement salutaire.
Ensuite, à nouveau le n’importe quoi côtoie de vraies bonnes idées SF, le tout dans une réalisation honnête quelque peu lente. En effet, la cicatrice du scientifique miraculé ne semble guère poser de problèmes, il ne passera pas même une radio…
Son épouse également est véritablement restreinte à un rôle d’épouse au foyer. Très prude, le couple vit dans des lits séparés, le film parvient tout de même assez joliment à suggérer une nuit d’amour. L’on sent là véritablement que le temps a passé, que la représentation du couple a bien évolué. De telles scènes feraient hurler aujourd’hui.
De belles idées remontent le niveau, comme l’explication des yeux exorbités des envahisseurs. Ceux-ci s’exilent forcés et contraint de leur système. Leur soleil perd peu à peu de leur puissance, l’obscurité se répand, d’où des yeux plus grands au fil des générations pour pouvoir capter le peu de lumière qu’il reste. C’est tout à fait repris du darwinisme, des concepts d’adaptation animal au milieu. Cela sonne juste.
Histoire de conquérir plus facilement la Terre, nos envahisseurs élèvent dans leur base secrète des reptiles et autres araignées géantes, qui empêchent d'ailleurs notre beau scientifique de s'échapper comme il le souhaite. Des animaux existants rendus de grande taille artificiellement, du serpent aux fourmies, c'est un classique de la série Z. Nulle surprise donc, mais une belle exploitation d'images animalières banales, mais qui ici deviennent tout de même angoissantes. Car la scène dure, le héros fuit, erre dans les galeries de la base secrète, à chaque fois se retrouve nez à nez avec ces monstres. Par sa longueur même, elle n'est fait plus tout à fait un cliché mais tend vers une image cauchemardesque par la réalité même des animaux, plus terrifiants que n'importe laquelle d'armée de robots... La Nature terrestre retournée contre les maîtres de la planète pour les exterminer...
Autre trouvaille scénaristique, faire s’enfuir le beau scientifique en robe de chambre lorsqu’il tente de faire sauter la base secrète des envahisseurs. Cela fonctionne bien, le technicien qu’il tente de convaincre de couper le courant, il ne sait comment faire, lui demande ce qu’il fait là dans cette tenue saugrenue. Cela renforce l’aspect héros incompris du personnage. Celui qui sait, celui qui a conscience de la menace, qui connaît la vérité n’en a cure de son aspect physique, de son apparence vestimentaire.
Plus globalement, personne ne semble véritablement catastrophé par rien, trop confiant dans la supériorité humaine, ne pouvant croire ce que raconte leur collègue. L’on retrouve là le héros solitaire et incompris de la série Les Envahisseurs par exemple, ainsi que l’ambiance des années cinquante, du début de ce qu’on a dénommé la Guerre Froide entre les deux blocs. La bombe atomique a elle seule doit suffire à protéger les USA. Contre la Russie soviétique sans doute, pas contre une autre civilisation venue des étoiles, qui elle sait récupérer son énergie formidable...
Autre fragilité de l’autre côté, les envahisseurs sont dépendants de l’électricité humaine, talon d’Achille de leur fabuleuse technologie, qui causera leur perte. Le film distille donc un permanent sens de la faille, de l’impossibilité d’avoir un système scientifique ou plutôt techno-scientifique parfait, sans échec et sans danger d’être mis à mal.
Autre amusement, la merveilleuse propension des méchants, en l‘occurrence ici des extra-terrestres, à raconter en long et en large leur complot, leur actions à venir, que l’on retrouve dans bien d’autres films d’ailleurs. C’est si courant finalement que l’on n’y fait plus attention, mais c’est absurde au-delà du possible… Un très bon scénario, une très bonne narration va donc amener de manière bien moins utopique les faits, les coulisses de l’action.
Néanmoins un tel cliché continue à fonctionner, parfois dans d‘excellentes œuvres. Le méchant a tant besoin de se confier à sa victime, n‘est-ce pas ?
Dernier phénomène valable pour les deux films, il me semble qu’ils ont été tournée en caméra de télévision, car contrairement à la pellicule, les mouvements rapides se doublent d’une ombre. Je peux me tromper bien sûr, mais la lumière n’est pas non plus la même dans les scènes d’intérieures. Il faut sans doute y voir là un souci d’économie, mais cela inscrit aussi ces films dans les premiers films vidéo.
Dans Le Fantôme de l’Espace, c’est même esthétiquement très intéressant. Les humains comme l’extra-terrestre en détresse se déplacent tous comme des fantômes, mettant envahisseur et envahis sur un pied d’égalité.
Quand aux Tueurs de l’Espace, le dernier plan est très réussi. Voir cette explosion nucléaire de la base ennemie à travers les stores de la fenêtre est assez saisissant. La guerre atomique n’est plus une joyeuse expérimentation comme au tout début du film, mais une horreur bien destinée à rayer de la carte des villes, la mort qui sonne à votre porte d’entrée.
La bombe A n’est plus là preuve de la toute puissance de la Science, mais bien preuve de l’anéantissement qui nous est promis.
Voilà qui me finit de croire que ce film n’est pas si mal écrit, qu’il mérite d’être revu.
Gulzar