Adieu Terre Nipponne ! 

Sagement, Sensei Yamazuky baissa encore le niveau émotionnel de son Humano, décidément bien fragile des viscères. 

- Je suis désolé ! Je ne comprends pas ce qui lui arrive… Sa passion pour l’horticulture militaire l’emporte sur sa raison !

- Ce n’est rien. Mais j’avoue que je préfère les robots à ces humanoïdes, aussi perfectionnés soient-ils ! Sensei, nous devons à présent vous quitter. Un rude combat nous attend ! 

- Je suis de tout cœur avec vous ! Une fois sortis de notre Territoire Nippon Véritable, prenez à droite pour rejoindre l’Amazonie. 

Wictorius serra la main encore vigoureuse du vieil scientiste militariste puis monta dans la chapelle à six roues. 

- Allez, démarrez ! Et par pitié, servez-moi un café ! Vivement que l’on quitte cette enclave, je n’en peux plus !

Surpris par cette subite baisse de moral, Dolph et Sylvester s’inquiétèrent. 

- Pourquoi, Chef ? Vous aimez pas les Japonais ? 

- Ils ont pourtant perdu de grandes guerres, Chef ! Faut savoir respecter les vaincus…

- Sans perdants, Chef, pas de gagnants ! Vous imaginez ? Le Monde serait d’un ennui…

Peu sensible à tant de philosophie guerrière, Wictorius décida d’aller faire une courte sieste à l’arrière de la chapelle. De son côté, Beatrix reprit son tricot. Il n’y aurait pas de bifurcation avant la nuit et les deux guerreiros savaient au moins conduire sans verser dans le fossé. 

- Quel bazar ! Bon, si je mets cette caisse de grenades de ce côté, le matelas sur les bagages, je dois pouvoir m’installer… 

Wictorius enfila son pyjama et se coucha, pour aussitôt se relever. Il n’avait pas rêvé. Il avait bien entendu un gémissement, sans doute, un animal sauvage ! S’emparant d’une mitraillette qui traînait là, Wictorius ouvrit brusquement une malle.

Une frêle enfant aux yeux bridées le dévisageait avec effroi. 

La suite lundi ! 

Ultime interrogation

Sur le parc à stationnement, de nouveaux touristes s’étaient garés, attirés par les curiosités japonisantes. Wictorius retrouva la chapelle roulante à six roues entre une berline Uruguayenne à traction avant et un minibus d’une de ces communautés non productives dont il se demandait comment elles pouvaient survivre à l‘écart des Cidades Econômicos. Encore une de ces insupportables menaces qui planaient sur la Nouvelle Economie, tolérée pour d’incompréhensibles raisons qui échappaient au grand agent secret brazilien. On n’avait pas idée de ne rien produire !

- Beatrix, je vous laisse charger la caisse de lianes militarisées. 

- Bien. Je vais tâcher de leur trouver un emplacement dans ce fouillis ! Près d’une fenêtre, elles auront un peu de lumière…

Wictorius vérifia une dernière fois que la chapelle surchargée n’ait pas été piégé par d‘invisibles partisans de Fréda Caron, insaisissable fondatrice de la Greffe Noire. Puis il revint auprès de Sensei Yamazuky. 

- Merci encore. Vos armes végétales vont nous permettre d’agir discrètement, sans intervention lourde. C’est que l’on risque un procès à faire du mal à la forêt Amazonienne…

- C’est un honneur de rendre service au Brazil qui a su accueillir nos ancêtres ! Ecrasez ces anarchistes, la flore doit rester au service de l’Humanité !

- Une dernière question, Sensei… Je suis intrigué. Où sont donc les mères de famille de vos nombreux enfants ? Je n’ai pas vu une seule femme jusqu’à présent…

- Notre mission de repeuplement du Japon est sacrée, vitale ! Nous ne pouvons les laisser à l’air libre… Nos vaillantes femmes restent en sous-sol, dans un immense palais. Rassurez-vous, elles disposent de tout le confort ! 

- Je n’en doute pas… Mais où sont donc passés mes deux guerreiros, Dolph et Sylvester ? 

- Je crois que vos compagnons d’armes boivent une dernière bière à la pagode Bebidas Frescas…

La suite demain ! 

Plantes en pot  

Tandis que l’Humano Tetsurô continuait à vanter le Progrès sans lequel le Japon ne manquerait pas de plonger dans la barbarie, Wictorius appela discrètement les services de la Grosse Citrouille, le Suprême Coordinateur, par son oreille.com. Ce ne fut pas facile, mais il parvint à arracher la promesse d’obtenir pour l’enclave nipponne un engin volant de transport de volaille, qu’il conviendrait d’aménager pour le convoyage d’enfants dans un des chantiers de la côte. L’usage d’arme végétale pourrait se révéler très précieuse contre la Greffe Noire. 

- Sensei, j’ai obtenu votre cargo transocéanique, presque neuf ! 

- Le peuple japonais n’oubliera pas ce geste de fraternité !

- Alors, que nous proposez-vous comme plantes militarisées ? 

- Suivez-moi… Vous voulez de l’offensive ou du défensive ? 

- Offensive. C’est qu’il s’agit de vaincre un ennemi, de l‘attaquer vigoureusement !

- Alors, il vous faut du rapide, du cruel ! Les ronces sont trop lentes et n’aiment guère l’humidité de l’Amazonie. 

De retour au palais de verre, Sensei Yamazuky choisit quelques plants encore jeunes qu’il demanda à Tetsurô de mettre en pot. 

- Voici des lianes étrangleuses à croissance exponentielle. Elles sont stériles et ne vivent qu’un mois environ mais faites extrêmement attention à ne pas les greffer sur des plantes innocentes, ce serait la catastrophe ! Un humble conseil Wictorius, mettez le feu à toute la zone d’opération une fois l’ennemi étranglé…

- Nous n’y manquerons pas… 

Ces minuscules lianes ne paraissaient guère menaçantes, encore moins capables de se mouvoir par elles-mêmes. Quelque peu déçue, Beatrix prit des mains du savant militariste la caisse climatisée qui contenait une vingtaine de pots.

- Elles demandent le plus grand soin, je vous fais confiance. Suivez attentivement la notice d‘utilisation ! Et voici un bidon de cent litres d’accélérateur cellulaire, à ne déverser qu’en cas de conflit majeur !  

La suite demain ! 

Le devoir des japonaises 

Sensei Isoroku Yamazuky se prit à réfléchir aux paroles de son humanoïde jardinier. Après tout, il n’avait pas tout à fait tort. Il devait exiger des compensations pour le don de quelques unes de ses armes végétales ! 

- Dites-moi cher espion, êtes-vous autorisé à quelque négociation avec une nation amie ? 

- Dans la mesure du raisonnable, oui. Je suis au service de la Grosse Citrouille, tout de même ! Que souhaitez-vous donc négocier ? 

- Oh, trois fois rien ! Nous n’avons guère d’échange avec les autochtones braziliens de la région, qu’auraient-ils à nous apporter ? Nous sommes autonomes et évidemment très avancés technologiquement, mais si loin de notre archipel… La route est longue jusqu’à la plus proche gare aérienne de Belém. Serait-il possible d’obtenir une ligne spéciale jusqu’à notre Terre Nipponne Véritable en échange de quelques merveilles végétales de combat ? Un seul cargo à haute vitesse transocéanique nous suffirait ! 

Tout en quittant le mini Palais de Kyoto, Wictorius trouva la demande étrange. Peut-être que ces japonais exportaient de la fraise ou des fleurs fragiles ? 

- Le Brazil possède une flotte très importante, cela ne devrait pas être insurmontable de vous trouver un tel cargo d’occasion… 

- Bien sûr, nous construirions notre propre gare !

Intriguée elle aussi par cette demande, Beatrix se rapprocha de Sensei Yamazuky.

- Que transporteriez-vous dans un tel engin si dispendieux ?  

- Mais nos précieux enfants ! Si le trajet est trop long, ils deviennent insupportables ! Certains même tombent malades…

- Pourtant, aller en vacances au Japon doit les réjouir ! 

Offusqué, Sensei Yamazuky s’assit sur un banc de pierre. 

- Il s’agit bien de vacances ! Ils sont destinés à repeupler notre pauvre Archipel vieillissant ! Ma propre épouse, paix à son âme, a donné trente-deux enfants à l’Empire ! 

La suite demain ! 

Ne plus avoir toute sa tête

Sensei Isoroku Yamazuky précisa utilement à Wictorius qui était qui.  

- Notre Demi-Empereur humain se nomme Ochanomizu et le Demi-Empereur humanoïde Tobio. Ne vous trompez pas !   

- C’est tout de même étrange de le voir sans tête…

- Son intelligence est ailleurs, à l’abri sous le Palais. Ne doutez pas de sa grande capacité d’écoute ! 

Soudain, le Demi-Empereur Tobio parla par la grâce de son haut-parleur posé sur ses genoux impériaux. 

›»› enfin de la visite ! auriez-vous l’amabilité de jouer au cerf-volant cet après-midi ? 

Sensei Yamazuky empêcha Wictorius de répondre. 

- Mes deux Demi-Empereurs, ces visiteurs ne sont malheureusement pas venus en visite de courtoisie, mais pour nous prévenir d’un grave danger ! Laissez-moi vous présenter Beatrix Bigodo, grande spécialiste des plantes du Palais Natureza Alegre de Rio.

- Vénérables autorités, que serait le monde sans la splendeur de l’Empire Nippon ? 

- Et voici Wictorius, un agent secret professionnel brazilien !

›»› j’adore les professionnels. j’adore le Brazil. 

- Demi-Empereurs, il va falloir être courageux…. Une organisation secrète nommé la Greffe Noire prétend donner une illusoire liberté aux plantes, aux arbres. Dans cette lutte implacable contre l’anarchie végétale, le Brazil a besoin du Japon à ses côtés ! Je vous demande de l’aide. Autorisez Sensei Yamazuky à nous fournir quelques armes végétales !

›»› que la guerre est ennuyeuse… nous verrons ce que nous pouvons faire… maintenant, laissez-nous. vous aurez votre réponse avant ce soir. 

- Par avance, je vous remercie tous deux. L’Empire j’en suis sûr saura combattre à notre côté !

Le petit groupe se retira donc, remonta le tapis rouge pour se rechausser après quarante pas. Wictorius trouva tout de même l’audience bien rapide. 

- Dites-moi, Sensei, votre Demi-Empereur humain ne parle pas ?  

- Ochanomizu ? C’est-à-dire que le vieil homme n’a plus toute sa tête…

La suite demain !