Où Wictorius retrouve Monsieur Tigron

Le modeste aéroport ne comportant qu’une piste, plusieurs engins attendaient leur tour, au sol comme dans les airs. Wictorius courut à la guérite afin obtenir une autorisation d’urgence pour le Knapp Zardoz II. 

- Vite, j’ai un appareil à poser ! 

» du calme avionneur. de quel type d’engin s’agit-il ? service régulier, traficotage ? 

- Un drone publicitaire religieux mono hélice léger à monter soi-même, guérite. Il est à la limite du crash, ses batteries sont à l’agonie ! 

»»» je ne suis pas une guérite, ne m’insultez pas. je suis une honorable tour de contrôle ultra compétente. je n’ai pas perdu un zinc depuis plus d’un mois !

- Félicitations ! 

Wictorius procura les coordonnées de l’engin en approche fournies par Beatrix, qui veillait toujours sur lui depuis la chapelle. 

» une demie heure en stand by à cinq cent pieds. ce sera cent brazols, plus les taxes sur le mouvement aérien erratique. et je suis gentille. 

- Veillez sur mon Knapp Zardoz II !

» mais oui, avionneur. allez donc vous reposer dans le hall, il vient d‘être repeint.  

Wictorius suivit le conseil. Plus qu’un vaste hall, il s’agissait bien plus d’une modeste salle d’attente où d’autres avionneurs roupillaient dans des fauteuils ou jouaient aux cartes en fumant d’énormes cigares.  

Avec joie, Wictorius trouva un distributeur de produits dérivés de son feuilleton Wictorius fantástico espião ; dont les gains représentaient une partie non négligeable de ses trop modestes revenus. Dans la nouvelle économie, il fallait savoir trouver son propre salaire soi-même, ce qui était tout de même la moindre des choses. 

- Décidément, je suis partout ! 

Un passager avec ses bagages attira ensuite son attention. Wictorius l’avait déjà vu quelque part. Mais oui, sur le paquebot revenant de São Paulo ! 

- Buhibab Amédée Tigron d’Abidjan et sa plante Gilda ! 

La suite demain ! 

Où il faut encore payer… 

L’on dina à la proue pour profiter du spectacle féérique de l’Amazone en fête. Semble-t-il, d’autres oiseaux en plus des hérons avaient subis la même transformation phosphorescente, que Beatrix n’ appréciait guère.

- Mais comment ces pauvres bêtes peuvent-elles dormir ainsi, à rester allumées toute la nuit ? L’on devrait laisser la faune dans sa pureté originelle !

- C’est bien ce que je dis, ce Shu est un malfaisant… De quel droit peut-on ainsi transformer la saine sauvagerie à son gré ? 

En pleine nuit, la chapelle passa devant le Temple dédié à Pirarucu, le poisson tant aimé du grand fleuve qui parfois atteignait six mètres et nourrissait toute une famille durant des semaines. L’endroit attirait les fidèles, des dizaines d’embarcation bouchaient presque l’affluent.

- Trouvons au plus vite cet aéroport, le drone ne pourra guère voler plus longtemps. 

- Senhora Beatrix, si nous emboutissons quelqu’un, il faudra faire un constat et nous perdrons encore plus de temps !

Relayant Dolph, Sylvester parvint à trouver du premier coup l’aéroport Goliath III très bien signalé. Alignés, des indispensables robots tailleurs d’arbres au repos impressionnaient par leur grande taille et leur puissance. Sans cesse, la forêt gagnait du terrain, menaçant d’engloutir l’unique piste flottante. 

- Voilà ce qu’il nous faudrait pour lutter contre vos monstres, Chef ! 

- Ne me tentez pas, Sylvester… 

Beatrix préféra se taire. Ces guerreiros ne pensaient qu’à se battre, qu’à détruire, qu’à faire souffrir la flore. Soudain, un bourdonnement se fit entendre ! Un lourd drone ravitailleur anonyme atterrit dans la quasi obscurité. Puis vint tout seul se garer devant un entrepôt à moitié dans l’eau où des ombres s‘agitèrent. 

Lorsque la chapelle apponta, un panneau s’alluma brusquement. Goliath III vous accueille jour et nuit. Décollage et atterrissage payable d’avance à la guérite. Carburant, entretien, réparation et formalités administratives en sus. 

La suite demain ! 

Revoilà Monsieur Shu !

La caisse à outils dans une main, la balise entre les dents, Wictorius prit appui sur une branche basse du criminel végétal. 

- À nous deux, porcaria ! Désormais, tu ne m’échapperas pas ! 

Sans pitié, Wictorius pratiqua un trou dans l’écorce puis le tronc, largement au-dessus du niveau de l‘eau. Une fois percé, l’arbre put recevoir sa balis. Profondément enfoncée et enduite de la bonne colle, elle ne risquait pas d’être perdue. Pire, des complices de la Greffe Noire aurait pu la détacher si Wictorius s’était contenté de l’attacher au tronc avec une corde. 

- Pourvu que les services communication du Suprême Coordinateur ait payé l’abonnement satellitaire du mois aux Anarchistes de l’Espace…

Heureusement, son implant suivi des suspects émit son bip bip rassurant. Wictorius recolla le morceau d’écorce sur la balise, la rendant ainsi invisible à des yeux trop curieux. Du vrai et beau travail d’agent secret professionnel. 

Pour définitivement ne pas risquer de perdre le suspect, il traça sur son tronc un gigantesque W avec le reste de peinture qu’avait utilisé Sylvester pour rénover le clocher, avant de redescendre des hauteurs. 

- En route, Dolph, plein gaz !

Toutes cloches sonnantes, la chapelle amphibie rejoignit le large affluent où vivaient une nuée inimaginable d’hérons dans des nids qu‘ils paraissaient avoir conçus eux-mêmes, ainsi que des perchoirs en lotissement, munis de tout le confort. Un panneau géant proclamait Ici la Fondation Shu pour le Renouveau Animalier illumine l’Amazone ! 

- Encore une lubie du milliardaire Shu ! 

- Mais Chef, il est le génial l’inventeur du snug, nourriture universel pour indigents !

- Détrompez-vous, guerreiros, c’est un ignoble personnage, que j’ai eu l’occasion de rencontrer au cours de ma dernière mission…

D’un coup, Dolph et Sylvester en oublièrent les volatiles devenant effectivement phosphorescents dans la nuit. Le Chef connaissait l’admirable Monsieur Shu ! 

La suite demain ! 

À l’aéroport !

Ses implants spiritualité intérieure et surmonter ses difficultés existentielles déversant leurs bons conseils, un verre à la main où finissait de se dissoudre un cachet de Supra Relaxum 7000, Wictorius parvint à retrouver un semblant de calme. Habitué aux missions solitaires, tout ce monde autour de lui finissait par lui peser, malgré la bonne volonté du duo Cataclismo et l’expertise scientifique de la Senhora Beatrix.  

- D’abord poser ce drone ! Dolph, que pensez-vous de le poser sur le paquebot échoué que nous avons croisé hier ? 

- Chef, ce n’est pas une bonne idée ! Il penche dangereusement, votre engin volant pourrait tomber à l’eau. Et puis, ce paquebot était occupé par toute une colonie de singes cohabitant avec une communauté d‘anciens passagers… Ils vont le démonter et revendre les pièces détachées ! Une fois livré à lui-même, le touriste peut se révéler impitoyable ! 

- Hum… Il nous faut alors trouver au plus vite un aéroport. 

Tandis que Sylvester était retourné dans la cuisinette préparé le repas, Wictorius activa son implant Guide Apurimac, qui lui indiqua aimablement un semblant de piste accueillant les drones ravitailleurs de la Snug & Caridade... Maudit snug, qui s’immisçait jusqu’au fin fond des belles forêts braziliennes ! 

- J’ai une adresse. Prenez le second embranchement à tribord, remontez vers l’embouchure jusqu’à un large affluent peuplé d’hérons phosphorescents. Après un Temple dédié à Pirarucu, il faudra trouvez un canal vaguement rectiligne. L’aéroport Goliath III est là.   

- Bien, Chef ! 

- Mais avant de quitter provisoirement notre arbre assassin, il me reste une dernière besogne à faire. Rapprochez-vous doucement.

Wictorius passa la tête dans l’étroite cuisinette d’où montait une agréable odeur.  

- Où sont les balises flottantes ? 

- Je suppose dans leur caisse, Chef. Voulez-vous que j’en gonfle une ? 

- Non, merci, j’ai une bien meilleure idée…

La suite demain !