De l’utilité de la Bible

Écrire la banderole ne fut guère aisé. Après tout, ni Wictorius ni Beatrix n’était des Catholiques. De la Bible, heureusement en version condensé, ils parvinrent à tirer une phrase qu’il trouvèrent équilibrée, entre réclame et ferveur religieuse. 

Dieu vient à vous, peuple d’Amazonie ! Ne craignez plus les crues ! Accueillez dans la ferveur son fils unique Jesus Cristo et sa chapelle ! Confessions à toute heure et une messe quotidienne en nocturne.  

Wictorius se releva, alla se laver les mains pleines de peinture dans le fleuve. 

-  Il faut baptiser le drone ! 

- Est-ce bien utile, cher espion ? 

- Mais oui, voyons ! Ce drone doit connaître la Sainteté de Dieu pour voler droit ! Repassez-moi la Bible. Alors, Ézéchiel, Job, Josué… J’hésite.  

- Et pourquoi pas une formule ? Entrez dans l’espérance !  serait très bien… Ou Le tout Puissant. 

- Je n’aime pas du tout… 

Ne parvenant pas à choisir, Wictorius se rabattit sur Knapp Zardoz II, peint en jaune vive.

- Autant que les autochtones sachent bien qui officie dans cette chapelle ! 

Méthodiquement, Beatrix s’essaya au maniement de la manette de vol radioguidé. Elle seule pouvait repérer au premier coup d’œil les arbres en liberté. Portant l’engin sur son dos, Dolph le posa en bout de piste improvisée.

- Chef, j’ai fini de monter le moteur et les deux hélices. Le plein est fait. 

- Alors décollons ! Beatrix, à vous ! 

Pétaradant de bonne santé mécanique, le drone s’envola depuis la bande de terre, muni de sa discrète caméra optique. L’interminable banderole traîna un moment dans l’eau. Puis l’engin prenant de l’altitude, se mit à flotter au vent au-dessus du rio Par(. 

En sueur, Sylvester reposa ses haltères sur le sable chaud. 

- Moi, j’aurais rajouté une tête de mort sur la carlingue, histoire d’impressionner l’incroyant…

La suite lundi !

Banderole 

Généreusement, Wictorius offrit le porte-clés du garage à Dolph, qui se l‘accrocha autour du cou avec ses nombreuses chainettes et médailles pour bravoure au combat. 

- Merci, Chef… Où allons-nous, maintenant ? 

- À l’écart du Grande Maragnon, nous avons à faire… Trouvez-nous un endroit au calme. 

- Très bien, Chef. Et n’hésitez pas si vous avez d’autres porte-clés…

La chapelle amphibie longea de nouveau le centre commercial épicier - coiffeur - moteur en tous genres - boissons fraiches - jolies filles - salle de jeux - bornes weby - galerie d’art contemporain qui affichait cette fois complet. Nombre d’habitants des environs venaient faire leurs courses en ce début d’après-midi étouffant. 

- Nous aurions pu y passer l’après-midi ! Nos conventions collectives de guerreiros comportent des clauses d’exploration du terrain d’opération à finalité personnelle !

- Sylvester, le devoir avant tout ! Vous pillerez le Grande Maragnon un autre jour.

- Mais nous aurions payé, Chef ! Qu’allez-vous donc penser…

Une bande de terre émergée convint. Dolph accosta en douceur et Beatrix y déroula le rouleau de tissu léger avant d’en couper une longueur suffisante. 

- Ecrivons notre banderole ! Cher espion prédicateur, une idée peut-être ? 

- Mais certainement ! Dolph, commencez donc à monter le drone. 

S’aidant de la Bible du bord, Wictorius tenta de trouver la bonne formulation qui ferait la plus Catholique possible. Sylvester, lui, se désintéressa de l‘engin volant, préférant trouver refuge dans la musculation de plein air.

- Même pas une mitrailleuse avant, de bombinettes sous ses flancs…Dolph, je refuse de monter cet engin de civil même pas blindé ! Ce coin est encore trop civilisé ! Je ne retrouve pas la jungle que j‘aime, celle que les ignorants pensent naïvement connaître par les films de guerre en cinérama odorant ! 

- Pourtant Annihilator contre Godzillo m’avait bien plu… 

La suite demain !

L’apparition de Belphégor

- Six mille trois cent douze brazols, s‘il vous plaît. Ah non, je n’accepte que l’argent bien réel ! On ne fait guère confiance au numérique par ici… 

Wictorius se trouva embêté. Il n’avait pas assez dans son porte-monnaie et ne voulait pas toucher encore aux fonds secrets qu’il cachait dans ses sous-vêtements en cas de nécessité absolue. Cela le gênait que Beatrix paie à nouveau. Après tout, c’était lui le responsable de l’expédition. 

- C’est que nous n’avons pas assez…

- Chef, on a la caisse du confessionnal ! Je vais la chercher. 

Sylvester revint vite avec le contenu du tiroir-caisse de l’autel, qui suffit amplement à compléter la somme. Le garagiste donna le tout au géant qui bricolait un hydravion dans un hangar grand ouvert. 

- Amène ça au coffre, Belphégor ! Vos fidèles sont généreux à ce que je vois. Tenez, c’est si rare de voir des véritables et sincères chrétiens à Grande Maragnon que je vous offre le porte-clefs de la maison Méhari ! 

- Vous vivez avec ce géant ? Ils ne sont guère censés sortir des villes, normalement. 

- Belphégor est mon pompiste et mécano, une précieuse aide, il soulève lourd ! C’est aussi mon ami. Je ne suis plus tout jeune et mon épouse est parti rejoindre le grand courant de la vie qui nous emportera tous un jour ou l‘autre…

Le géant en salopette avait beau avoir l’air propre et poli, Wictorius fut pris d’un affreux soupçon après ce qu’il avait découvert à la machine ZZ. Peut-être que ce Belphégor cachait sa descendance là-bas, dans la mangrove ?! 

- Et quelle distance tiendrons-nous avec tout ce mercure ? 

Rolando Polze d’Ivoy de la Poipe sortit une calculette à manivelle. 

- Largement de quoi rejoindre Manáos et revenir ! Notre Capitale va vous étonnez, avec ses perroquets ! 

La suite demain !